Prix de l'électricité : l’Etat et EDF sur le point (enfin) de trouver un accord

Par latribune.fr  |   |  972  mots
Fin octobre, l'agence Reuters a assuré que Luc Rémont pourrait quitter la présidence d'EDF si la nouvelle régulation des prix de l'électricité devait entraîner des prix trop bas, limitant les capacités d'investissement du groupe. (Crédits : Reuters)
Les discussions se poursuivent entre EDF et l'Etat pour définir la nouvelle régulation des prix de l'électricité et un accord, crucial pour les factures à venir des consommateurs, est « tout proche », selon le gouvernement qui veut éviter une explosion des factures des particuliers et des entreprises, au moment où il compte réindustrialiser le pays.

Trouver un accord gagnant-gagnant tant pour EDF que ses clients, c'est à quoi travaillent l'énergéticien et le gouvernement. Engagés depuis des mois dans des discussions tendues, ils doivent élaborer le nouveau modèle de régulation des prix de l'électricité, à l'approche de l'extinction du mécanisme actuel prévue fin 2025. De ce cadre dépend en partie le futur prix de l'électricité payé par le consommateur final.

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« L'accord n'est pas trouvé mais il est tout proche », a indiqué mercredi matin le ministre de l'Economie et des Finances de Bruno Le Maire lors d'un échange avec le journal L'Usine Nouvelle aux Assises de l'Industrie. « C'est une affaire de jours », selon lui. Entendu le matin même devant la commission des affaires économiques du Sénat, Luc Rémont, le PDG d'EDF, détenue à 100% par l'Etat, a, lui, fait état de « discussions intenses » avec le gouvernement, en soulignant que chacun cherche « le succès des clients », particuliers comme industriels qui souhaitent une électricité abordable, et « la soutenabilité » de l'entreprise lestée d'une dette abyssale de 60 milliards d'euros.

« L'équilibre que je dois trouver, c'est le prix d'électricité le plus compétitif pour les entreprises industrielles, parmi toutes les entreprises européennes, et la soutenabilité financière pour EDF », a lui aussi assuré Bruno Le Maire aux Assises de l'Industrie. « Rien ne serait pire que d'acheter la paix sociale avec le monde industriel en ayant un prix cassé de l'électricité », a-t-il dit. « Les positions au départ, je vous le dis très sincèrement, étaient très éloignées entre EDF et cet objectif stratégique de l'État. Elles se sont beaucoup rapprochées », a-t-il reconnu.

Fin octobre, l'agence Reuters a assuré que Luc Rémont pourrait quitter ses fonctions si la nouvelle régulation des prix de l'électricité devait entraîner des prix trop bas, limitant les capacités d'investissement du groupe.

La réindustrialisation du pays comme enjeu prioritaire

Le gouvernement veut éviter une explosion des factures des particuliers et des entreprises, au moment où il compte réindustrialiser le pays. Emmanuel Macron a d'ailleurs promis en septembre une reprise du « contrôle du prix de l'électricité ». L'exécutif souhaite que le nouveau prix de référence de l'électricité soit proche des coûts de production nucléaire d'EDF. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a récemment évalué ces coûts à 60 euros du MWh, une estimation bien inférieure à celle d'EDF (autour de 70 euros), d'autant que celle du régulateur ne couvre que le parc nucléaire actuel et exclut les 6 nouveaux réacteurs que l'exécutif veut construire. Pour Bruno Le Maire, « on peut définir un coût complet de production, incluant les investissements futurs d'EDF, y compris dans les nouveaux réacteurs nucléaires », sans confirmer le chiffre évoqué plus élevé de 70 euros.

Les pistes d'EDF pour affronter le mur d'investissements qui l'attend

Devant les sénateurs, le PDG de l'entreprise renationalisée à 100% a déroulé sa vision pour parvenir à des prix qui lui permettraient d'affronter le mur d'investissements qui l'attend, pas moins de 25 milliards d'euros par an. EDF mise sur deux outils : l'un consiste à nouer des contrats de long terme avec de gros industriels énergivores, ce qui permettrait à EDF de garantir ses investissements et à ses clients d'être moins exposés à la volatilité des prix. L'autre outil expérimenté par EDF consiste à vendre sur les marchés de gros des lots d'électricité en avance à ses propres concurrents fournisseurs d'électricité alternatifs. Lancées en septembre, des enchères ont fait ressortir des prix de 77 euros le MWh pour livraison 2027 et de 83 à 85 euros le MWh pour 2028. « Ce ne sont plus du tout des prix de guerre », a résumé Luc Rémont, en référence à la flambée des prix de l'électricité liée à la guerre en Ukraine, avec des pics à 1.000 euros le MWh en août 2022 sur le marché de gros.

Définissant EDF comme un « industriel commerçant responsable », Luc Rémont a ajouté que ces outils seraient complétés par une forme de régulation, avec « des instruments qui permettent aux pouvoirs publics de garder le contrôle de ce marché ». Avec ces instruments, a-t-il dit, les pouvoirs publics pourront « récupérer sur les producteurs (d'électricité) et notamment sur EDF, une capacité de financement et de redistribution qui serait mise en œuvre à partir d'un certain nombre de seuils (de prix) », toujours « en cours de discussion ».

La réforme de la sûreté nucléaire au menu de l'Assemblée nationale débuté 2024

Le nouveau projet de loi pour réformer la sûreté nucléaire dans le contexte de relance de l'atome en France sera examiné par les députés à partir du mois de février. Le gouvernement souhaite réunir au 1er janvier 2025 l'ASN, le gendarme des centrales, avec l'Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN), organisme d'expertise et de recherche, un projet rejeté par le Parlement en mai après avoir été glissé dans un amendement législatif. Entendu au Sénat sur d'autres sujets, le PDG d'EDF a semblé être également plutôt favorable à une réforme : « la façon dont l'ASN et l'IRSN ensemble s'organiseront pour permettre de poursuivre la relation de confiance que nous avons avec l'un et avec l'autre, en ayant peut-être des outils qui permettent de travailler plus facilement, plus rapidement, nous permettra, je pense, de relever ensemble l'un des défis fondamentaux de l'industrie nucléaire aujourd'hui, qui est le temps et la capacité de gérer en toute sûreté (...) l'ensemble des enjeux qui sont devant nous ».

(Avec AFP)