Faut-il croire François Hollande ? (1) Zone euro : la crise économique est-elle derrière nous ?

Par Romaric Godin  |   |  955  mots
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Le président français a classé la crise de la zone euro dans les tiroirs de l'histoire ce week-end à Tokyo. Si une stabilisation semble se dessiner, la conclusion de l'hôte de l'Elysée semble un peu hâtive... Première partie de cette analyse: la crise économique.

François Hollande avait un message à faire passer aux Japonais le week-en dernier celui de leur faire « bien comprendre » que la crise dans la zone euro est « terminée. » Des propos qui, tiennent beaucoup de la communication, mais qui méritent sans doute d'être vérifiés par les faits en observant la situation sur les multiples fronts de cette crise. Penchons nous d'abord sur sa dimension économique :


Le PIB de la zone euro est en contraction depuis le dernier trimestre de 2011. Le trimestre actuel semble montrer des signes de stabilisation. La production industrielle française d'avril, publiée ce lundi, a bondi de 2,2 %, contre des attentes du marché de 0,5 %. Les chiffres en provenance d'Allemagne sont également encourageants : les exportations en avril ont progressé de 3,1 % en avril après deux mois de baisse.

Même dans certains pays périphériques, la situation tend à se stabiliser : le chômage a baissé légèrement en Espagne pour le troisième mois de suite en mai et l'indice PMI composite de ce même mois de mai, qui estime le climat des affaires dans les services et l'industrie manufacturière de la zone euro,  montre une amélioration nette de la situation et des anticipations. Ces indices constituent le plus grand espoir des économistes. En Allemagne, il est revenu en zone d'expansion à 50,2, tandis qu'il atteignait un plus-haut de 23 mois en Espagne et de 5 mois en France.

La fin du discours du « tout austérité » par les autorités européennes et, plus récemment encore, par l'Allemagne elle-même, a probablement participé de ce mouvement, notamment dans les pays périphériques. Sans doute y a-t-il aussi un élément de rattrapage « technique. » Des investissements et des commandes repoussées à des temps meilleurs ont été finalement réalisés.

« La récente dynamique des études PMI est encourageante et signale que la zone euro pourrait retrouver la croissance à un rythme modeste au cours du second trimestre », expliquent les économistes de JP Morgan dans une étude publiée lundi, avant cependant de prévenir qu'il existe encore des « risques négatifs. »

Trop tôt pour crier victoire

Car il est sans doute un peu tôt pour crier victoire. D'abord, la récession n'est pas terminée en zone euro, Allemagne exceptée. L'indice PMI composite, qui regroupe le climat des affaires dans les services et l'industrie manufacturière de la zone euro, a certes progressé en mai de 0,8 point, mais à 47,7, mais il reste largement en deçà du niveau de 50 qui signale une expansion de l'économie.

Tous les économistes prédisent un septième trimestre de récession de la zone euro entre avril et juin. La reprise n'est prévue que pour le second semestre. Entretemps, il faudra que les signes positifs enregistrés ces dernières semaines se confirment. Or, dans l'indice PMI cité, le volume des nouvelles affaires continuait à reculer pour le 22ème mois consécutif. Signe de la faiblesse intrinsèque de l'économie européenne. Par ailleurs, certaines économies, comme celle de l'Italie, ne montrent aucun signe de réelle amélioration.

Quelle croissance pour la zone euro demain ?

Aussi peut-on s'interroger sur le potentiel de la croissance européenne à moyen terme. Rappelons que les anticipations des autorités européennes, comme l'a souligné Mario Draghi dans sa dernière conférence de presse, reposent principalement sur le développement des exportations. Or, ce scénario ne se réalisera pas sans la Chine. Une Chine qui montre de plus en plus de signes de ralentissement. Les chiffres publiés ce week-end sont, de ce point de vue, inquiétants. En mai, les importations chinoises ont reculé de 0,3 % et la production industrielle a ralenti sa croissance.

Certes, la Chine est toujours en croissance et les sociétés européennes peuvent y trouver des opportunités. Mais elles sont moins nombreuses. Surtout, face à des produits japonais dopés au yen faible, les exportations européennes, notamment en dehors de l'Allemagne, vont donc avoir fort à faire.

Sur son blog, l'économiste de Natixis Asset Management, Philippe Waechter, prévient : « le commerce mondial ne redémarre pas. Les échanges évoluent lentement et les flux de commandes à l'exportation sont relativement stables. » Et de conclure : « Imaginer que la reprise sera initiée d'abord par le commerce mondial est probablement inverser la causalité, car la croissance du commerce mondial sera le résultat des efforts de chacun pour retrouver la croissance. En zone Euro et en France, les politiques d'austérité ne vont pas dans ce sens. »

Manque de dynamique interne

Et c'est là que le bât blesse : sans dynamique interne, les pays de la zone euro vont manquer de souffle. Or, au mieux, la consommation se stabilisera-t-elle, selon JP Morgan. L'investissement devrait se reprendre, mais pas suffisamment, faute de dynamique dans le commerce mondial, pour tirer l'économie vers le haut. D'autant que l'on sait que l'accès au crédit demeure extrêmement difficile et que la BCE a indiqué qu'elle ne pouvait pas faire beaucoup à court terme sur ce front.

On voit mal alors comment l'emploi pourrait se redresser. Or, sans dynamique sur le marché de l'emploi, il n'y aura pas de reprise de la demande intérieure. La croissance restera au mieux molle et donc incapable de créer des emplois. Au final, le risque récessif est donc loin d'avoir disparu en zone euro. Du reste, la pression de la désinflation continue à peser sur nombre de secteurs. Si le ralentissement chinois est plus brutal que prévu et si le commerce mondial ne se redresse pas rapidement, la « stabilisation » de l'économie européenne fera long feu.

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