2003-2014 : retour sur l'échec de la politique économique de la France

Par Fabien Piliu  |   |  736  mots
Entre 2003 et 2014, la politique économique gouvernementale a totalement raté son objectif de faire grandir les entreprises
Entre 2003 et 2014, le nombre de PME et d'ETI a stagné, cela en dépit des très nombreuses mesures gouvernementales censées favoriser la croissance des entreprises tricolores, selon l'Observatoire de BPCE.

Cet article a été publié le 3 juin 2016.

C'est un loupé. Magnifique. De ceux qui devraient rester dans les annales de l'histoire. Depuis que la France a cédé la place de locomotive de la zone euro à l'Allemagne, les gouvernements qui se sont succédés ont martelé le même message, découlant du même diagnostic : la perte de vitesse de l'économie française, et notamment de son industrie, trouve son origine dans la faible densité de son tissu d'entreprises et en particulier d'entreprises de taille intermédiaire (ETI). Il faut dire que la comparaison avec notre partenaire et concurrent allemand est instructive. La France compte moins de 5.000 ETI, quand l'Allemagne en affiche plus de 12.000, lesquelles composent son fameux Mittelstand.

Créer un Mittelstand français

Selon les gouvernements, les économistes de tous bords, c'est cet écart qui expliquerait en grande partie les différences de performance entre le France et l'Allemagne dans le domaine économique, symbolisées par les niveaux diamétralement opposés de leurs balances commerciales. Combien de rapports ont-ils été publiés sur ce sujet depuis le début des années 2000 ?

Leurs conclusions étaient-elles fausses ? Absolument pas. En revanche, l'exécutif et l'ensemble de l'environnement règlementaire et financier des PME et des ETI n'ont pas su créer les conditions d'une croissance des entreprises.

Telle est la principale conclusion du volumineux rapport de l'Observatoire du groupe BPCE qui revient avec précision sur la démographie du tissu économique français entre 2003 et 2014.

Au cours de cette période, le nombre de PME n'a progressé que de 3,6%. Dans ces PME, l'emploi a reculé de 1%...

Seulement 200 nouvelles entreprises de taille intermédiaire

De son côté, le nombre d'ETI a fait un bond de 5,7% pour passer de 4.712 à 4.982... Seule bonne nouvelle, les embauches dans ce type d'entreprises augmenté de 4,5%. " Certes, 200 ETI environ ont vu le jour, mais la taille moyenne des PME a baissé ", explique Alain Tourdjman, le directeur des études économiques du groupe BPCE

Et pourtant, depuis 2003, les PME sont au centre des préoccupations du gouvernement. La création du statut des Gazelles, les réformes d'Ubifrance, les allègements de charges pour les plus bas salaires qu'embauchent surtout les TPE et les PME, le développement accéléré d'Oseo, la consécration du statut d'entreprise de taille intermédiaire par la loi de modernisation économique en 2008, le lancement de Bpifrance entre autres mesures de poids en direction des TPE, PME et des ETI ont donc eu peu d'effet sur le tissu économique.

La France en bas de classement

Concrètement, la densité économique , c'est-à-dire le nombre d'entreprises de 250 à 4.999 salariés pour 10.000 habitants est l'une des plus faibles de l'Union européenne, la France se classant 23ème sur 25 selon ce critère. Autre enseignement majeur de cette enquête, il faut en moyenne 21 ans à une PME tricolore pour devenir une ETI...

La crise de 2008-2009 est-elle en partie responsable de cette situation ? Les données recueillies par l'Observatoire ne témoignent pas d'une rupture flagrante au cours de cette période. En revanche, cette crise a vraisemblablement accentué les inquiétudes des chefs d'entreprises, en particulier dans le domaine financier, ces derniers ayant accordé leurs priorités à la consolidation financière, via l'accumulation de fonds propres, la stabilisation de la dette en pourcentage de la valeur ajoutée. Bref, rivés sur les comptes, les dirigeants ont considéré qu'une politique d'investissement, notamment pour se développer à l'international - la France compte 125.000 exportateurs, la moitié étant occasionnels, contre 350.000 en Allemagne - était risquée, trop risquée pour être tentée.

La course à la taille n'est pas un enjeu

Doit-on en déduire qu'entre 2003 et 2014 le développement des entreprises tricolores ait été nul ? Si l'on prend le critère de la taille, c'est une évidence. Mais comme le précise l'Observatoire du groupe BPCE, leur développement fut différent, car contraint. A la course à la taille critique, ils ont préféré développer une stratégie plus qualitative en valorisant leurs marques et plus globalement leurs actifs immatériels ou en améliorant les conditions de travail de leurs salariés. Le soutien massif aux startups est-il de nature à favoriser le développement  des entreprises ? Selon Alain Tourdjman, le risque est élevé que le gouvernement fasse fausse route, ses prodigalités, notamment dans le domaine fiscal, créant des effets d'aubaine à court terme.