A quoi sert la Cour des comptes ?

Par Fabien Piliu  |   |  729  mots
En 2016, 19,5% des 1.623 recommandations formulées par la Cour des comptes présidée par Didier Migaud (à gauche sur la photo) n'ont pas été mises en œuvre et 7,3% se sont vues opposer un refus de la part des ministères, organismes, administrations et institutions concernés.
Chaque année, la Cour des comptes formule plus d'un millier de recommandations. Plus d'un quart d'entre elles ne sont pas mises en œuvre ou tout simplement rejetées.

"Chargée de s'assurer du bon emploi des deniers publics", comme elle l'explique dans son rapport annuel publié ce mercredi, la Cour des comptes dégaine chaque année depuis le début des années 2000 une série - impressionnante -  de recommandations. Au cours des trois dernières années, pas moins de 1.600 recommandations ont été formulées chaque année par la rue Cambon.

En 2016, ce sont au total 1.623 recommandations qui ont été adressées au secteur public. Mais combien d'entre elles sont suivies, partiellement ou totalement, sachant qu'un certain nombre sont répétées année après année, conséquence de l'inaction ou de l'inertie des ministères, administrations, institutions et organismes concernés ?

Les trois quarts des recommandations sont partiellement ou totalement suivies

"L'indicateur de suivi des recommandations connaît une légère amélioration en 2016 : 72% des recommandations sont totalement ou partiellement mises en œuvre, après une légère progression entre 2014 et 2015. Ainsi, sur 1.623 recommandations suivies en 2016, 1.168 ont été partiellement ou totalement mises en œuvre", indique le rapport de la Cour.

Un quart des recommandations ne sont pas mises en oeuvre, ou refusées

Si l'on entre dans le détail, les statistiques deviennent plus intéressantes. Ainsi, 19,5% des 1.623 recommandations n'ont pas été mises en œuvre et 7,3% se sont vues opposer un refus de la part des ministères, organismes, administrations et institutions concernés.

" Dans certains cas, les recommandations de la Cour restent, au moins un temps, sans effet, ou font l'objet d'un refus explicite de mise en œuvre de la part des administrations concernées ", reconnait la Cour. En 2016, quelles ont été les recommandations qui ont été refusées ?

Trois exemples marquants

Citons celles qui concernent la politique du logement en Île-de-France. "Le rapport public thématique sur la politique du logement en Île-de-France fournit plusieurs exemples de refus de principe de mise en œuvre des recommandations argumentés par le ministère chargé du logement. Elles concernent : la modulation des loyers sociaux en fonction des revenus, l'harmonisation du seuil de population applicable pour l'obligation de 25 % de logements sociaux entre l'Île-de-France et la province, la suppression du droit au maintien dans les lieux dans le parc social des personnes de plus de 65 ans, et le ciblage du dispositif d'investissement locatif Pinel ", indique la Cour.

Pôle emploi est aussi en opposition avec la Cour. " Dans son rapport publié en juillet 2015, "Pôle emploi à l'épreuve du chômage de masse", la Cour formulait de nombreuses recommandations qui sont encore inégalement mises en œuvre. Le directeur général de Pôle emploi exprime plusieurs désaccords avec la Cour. C'est par exemple le cas de la recommandation visant à fixer aux conseillers ou aux équipes de conseillers des objectifs individualisés qualitatifs mais aussi quantitatifs, le cas échéant en renégociant un accord collectif de 2004 relatif au suivi de l'activité, comme la convention collective prévoyait de le faire en 2010 ". Dont acte.

La recommandation concernant la répartition de la contribution des collectivités territoriales au redressement des comptes publics a également reçu une fin de non-recevoir.

" La contribution des collectivités au redressement des comptes publics s'est matérialisée par une baisse des dotations de l'État en 2014 et en 2015. Cette baisse des dotations se poursuit en 2016. Celles-ci ont pour objectif d'inciter les collectivités locales à mieux maîtriser l'évolution de leurs dépenses et à réduire leur endettement. Dans son rapport consacré aux finances publiques locales de 2014, la Cour a formulé une recommandation relative aux modalités de répartition de cette contribution entre collectivités, demandant que soient adoptées des modalités de répartition, entre catégories de collectivités, de la baisse des dotations de l'État qui prennent mieux en compte l'existence de marges de manœuvre plus importantes au sein du bloc communal " , précise la Cour.

Mais, comme l'indique le rapport, " cette recommandation fait l'objet d'un refus de mise en œuvre au motif que la contribution des collectivités est le résultat d'un consensus au sein du Comité des finances locales et que le Gouvernement ne souhaite pas « ouvrir à nouveau le débat ». Par l'absence ou le refus de mise en œuvre des recommandations de la Cour, les administrations renoncent, souvent, à la réalisation d'économies dont sont porteuses ces recommandations ".