Accord de libre-échange UE-Mercosur : Hulot le juge "trop préjudiciable" pour les agriculteurs

Par latribune.fr  |   |  680  mots
L'Union européenne souhaite ouvrir davantage son marché au bœuf sud-américain pour accélérer les négociations avec le Mercosur, en vue de la signature d'un accord de libre-échange. (Crédits : Daniel Becerril)
Depuis plusieurs semaines, les agriculteurs -surtout les éleveurs de bovins- sont vent debout contre le projet d'accord de libre-échange, en cours de négociation, entre l'Union européenne et quatre pays d'Amérique latine (Mercosur). Le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot a remis le sujet sur le tapis, hier, lors d'un entretien au JDD, en estimant que ce traité n'est "pas acceptable, en l'état".

Nicolas Hulot exprime de longue date des réticences à propos du traité de libre-échange que la Commission européenne négocie en ce moment avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay), mais aussi du Ceta (accord UE-Canada), entré en vigueur partiellement en septembre dernier.

"Tels qu'ils existent, [le Ceta et l'accord UE-Mercosur] ne sont pas climato-compatibles", a-t-il tout simplement considéré lors d'un entretien accordé, hier, au Journal du Dimanche (JDD).

Alors que les agriculteurs ont manifesté, cette semaine, partout en France, contre ce projet d'accord, le ministre de la Transition écologique a aussi estimé "qu'en l'état, ce traité n'est pas acceptable".

"Il serait trop préjudiciable, notamment pour nos agriculteurs, et la France a des lignes rouges très claires", a ajouté le ministre.

Concurrence déloyale sur le boeuf

Au Salon de l'agriculture, dimanche, le chef de l'État a pu prendre la mesure de la colère qui gronde au sein de la filière bovine. Car c'est sur le bœuf que se cristallisent justement les craintes des éleveurs. Lors de son passage au stand "Interprofession bétail et viande", de nombreux sifflets ont retenti, portés par une dizaine de membres des Jeunes Agriculteurs (JA) qui ont brandi des T-shirts portant l'inscription "Attention agriculteurs en colère".

Ce que les éleveurs craignent, c'est l'importation à taux réduit sur le continent de 70.000 tonnes de viande bovine sud-américaine par an, à droits de douane réduits, si l'UE signe cet accord commercial avec le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay. Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, parle même d'une "véritable catastrophe pour une filière en crise". L'importation de milliers de tonnes de bœuf "30% moins chères" constituerait, selon elle, une concurrence déloyale. La FNSEA estime à 33.000 le nombre d'emplois menacés par an en Europe.

Le scandale sanitaire "Carne Fraca" encore dans tous les esprits

Dans un communiqué daté du 25 janvier, la Fédération nationale bovine s'interroge : "Le Brésil n'est-il toujours pas, suite à l'affaire Carne Fraca [viande avariée], dans l'incapacité de démontrer la fiabilité du système de traçabilité et de certification sanitaire de ses viandes ?" À la suite de ce scandale, l'UE avait décidé d'interrompre les importations de viande issue des entreprises mises en cause pour avoir mélangé de la viande avariée avec de la viande vendue au Brésil et à l'étranger.

Avec ce traité de libre-échange, les agriculteurs craignent aussi l'entrée sur le marché européen de denrées produites dans des conditions moins contraignantes, des viandes d'animaux nourris aux farines animales, aux OGM ou encore traités aux hormones. Pourtant, aux centaines d'agriculteurs invités à l'Elysée la veille de l'ouverture du Salon de l'agricole, Emmanuel Macron a tenté de calmer les esprits en assurant qu'il n'y aura "jamais de bœuf aux hormones en France." Dont acte.

Harmonisation des critères de qualité

Certains intellectuels européens libéraux et progressistes, membres du Cercle de Belem, font effectivement état de réglementations différentes entre les pays Sud-Américains et les standard européens. Mais certains d'entre eux seraient en train de revoir leur critères de qualité :

"Il convient de rassurer les Européens soucieux de la qualité des produits agricoles en provenance du Mercosur (...) Rappelons que, pour faciliter ses exportations, le Brésil respecte déjà les réglementations européennes relatives à la traçabilité des produits alimentaires. En conséquence, la qualité des produits importés ne peut être invoquée pour freiner le processus d'ouverture", argumentent-ils.

Lire aussi : L'Europe doit s'ouvrir au Mercosur

Cet accord, c'est pour quand ?

Les négociations sont toujours en cours à Asuncion, la capitale du Paraguay. Selon un article du Monde, Emmanuel Macron serait partisan d'une finalisation "rapide" de l'accord entre les deux parties. Ils devraient s'entendre d'ici à la fin mars, avant le début de la campagne pour l'élection présidentielle au Brésil. Sinon, la possibilité d'un accord sera reportée à mi-2019, dans le meilleur des cas.

(Avec agences)