L'Europe doit s'ouvrir au Mercosur

Les discussions sur un accord commercial avec le Mercosur sont au point mort. Or l'Europe aurait intérêt à un tel accord. Par le Cercle de Bélèm
L'agriculture du Mercosur -ici au Brésil- peut faire l'objet de négociations avec l'Europe

Alors que les négociations sur le traité transatlantique (TTIP) reprenaient le 2 février dernier, les discussions concernant l'accord de libre-échange entre l'UE et le Mercosur - Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay et Venezuela - sont au point mort : démarré en 1995, le projet a fait l'objet de discussions régulières depuis 2010 et en juillet 2014, les deux parties s'étaient engagées à fournir une proposition. Côté Mercosur, la proposition est prête depuis juillet 2015 et tous les regards se tournent à présent vers l'UE. Etrangement, il semblerait que les avancées du second soient conditionnées au succès du premier. Pourtant, il s'agit là de deux accords totalement différents, tant dans leur contenu que dans les résultats que l'on peut en attendre.

Une crainte légitime des Européens

Au-delà des critiques relatives à l'absence de transparence dans les négociations et à l'introduction d'un mécanisme d'arbitrage entre les Etats et les grandes entreprises, l'hostilité d'une partie des Européens à l'égard du TTIP tient principalement à la crainte de voir deux géants économiques se concurrencer sur des secteurs identiques. Ainsi, certains secteurs en Europe pourraient souffrir directement de l'ouverture des échanges, et cela nécessite, comme nous l'avons déjà proposé, de mettre en place des politiques actives de formation pour les personnes dont l'emploi est menacé. Dans ce contexte, la crainte des Européens est donc légitime et implique la mise en place de mesures d'accompagnement.

Dans le cadre de l'accord UE-Mercosur, la réalité est tout autre. Les pays d'Amérique du Sud, Brésil en tête, ont des économies encore en transition, peu productives et tirées par le travail plutôt que par le capital et l'innovation. Tout l'inverse de l'Union Européenne ! Aussi, une ouverture des échanges serait mutuellement profitable car les économies Européennes et Sud-Américaines sont parfaitement complémentaires. Aujourd'hui déjà, plus de 60% des importations européennes en provenance du Mercosur sont composées de matières premières et de denrées alimentaires.

 Des critères de qualité revus à la hausse

A cet égard, il convient d'ailleurs de rassurer les Européens soucieux de la qualité des produits agricoles en provenance du Mercosur. Bien que leurs réglementations diffèrent des standards européens, les pays Sud-Américains revoient actuellement leurs critères de qualité afin de se conformer aux exigences européennes. A titre d'exemple, rappelons que, pour faciliter ses exportations, le Brésil respecte déjà les réglementations européennes relatives à la traçabilité des produits alimentaires. En conséquence, la qualité des produits importés ne peut être invoquée pour freiner le processus d'ouverture.

 Un gain substantiel à l'échange

Concernant les exportations européennes à destination du Mercosur, la grande majorité provient des secteurs automobiles, pharmaceutiques et de la vente de machines (70% des exportations). Autrement dit, les deux espaces sont spécialisés dans des domaines distincts, garantissant ainsi un gain substantiel à l'échange. Selon un rapport de la Direction Générale du Commerce de la Commission Européenne, publié en mai 2011, l'ouverture bilatérale des échanges entre l'UE et le Mercosur rapporterait 15 milliards d'euros au pays Sud-Américains et 32 milliards d'euros aux pays d'Europe.

Un risque pour l'agriculture européenne

Bien sûr, le secteur agricole européen pourrait être affaibli par cette nouvelle concurrence et c'est sur ce point que doivent porter les négociations. Pour autant, des solutions existent - introduction de quotas sur certains produits, notamment les viandes bovines, voire exclusion pure et simple de ces mêmes produits - et la question de l'agriculture ne doit pas servir de prétexte pour abandonner ce projet. Les marges de manœuvres sont grandes pour l'UE, qui représente 20% du commerce extérieur du Mercosur tandis que ce dernier ne représente que 3% du commerce extérieur européen. Ainsi, nul doute que les pays du Mercosur sauraient consentir à quelques concessions pour bénéficier pleinement du marché européen.

L'Europe est en position de force pour négocier et elle aurait tout à gagner à rouvrir rapidement ce dossier. Alors que la croissance européenne est atone, les débouchés offerts par un tel accord ne sont pas négligeables. Qui plus est, les récentes élections présidentielles en Argentine et législatives au Venezuela ont levé les derniers freins à l'émergence d'un accord entre les deux espaces. La situation est idéale, tant au niveau économique que politique. L'UE doit donc agir. Les dirigeants Sud-Américains attendent mais leur patience à des limites et faute d'une reprise rapide des négociations, ils se tourneront vers d'autres partenaires.

Le Cercle de Bélem regroupe des intellectuels européens libéraux et progressistes. Il a été créé par Nicolas Bouzou et Pierre Bentata et rassemble Eline Van Den Broek, Demosthenes Davvetas, Stefano Adamo et Josef Montag.

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