Actions gratuites : la majorité commence le détricotage de la loi Macron

Par Hugo Baudino  |   |  572  mots
La majorité n'a pas attendu longtemps avant d'attaquer l'héritage laissé par Emmanuel Macron.
Le nouveau régime fiscal favorisant les distributions d'actions gratuites mis en place par la loi Macron est en passe d'être raboté par un amendement déposé par un député de la majorité.

Les absents ont toujours tort... Un peu plus d'un an après la promulgation de sa loi et quelques mois après son départ du gouvernement, Emmanuel Macron ne pourra que constater que ses anciens collègues n'auront pas mis longtemps à remettre en cause son action. Par un amendement du député socialiste de l'Essonne Romain Colas adopté en commission des finances de l'Assemblée nationale ce matin lors de l'examen du projet de loi de finances, une mesure de la loi Macron est en passe d'être grandement vidée de son sens. Soutenu par Valérie Rabault (rapporteure générale de la Commission des finances), l'amendement devrait "probablement être soutenu par le gouvernement", selon ce que nous a confié Jérôme Dedeyan, co-fondateur d'Eres, société de gestion de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié.

La loi Croissance et Activité du 6 août 2015 a mis en place un nouveau régime fiscal pour les distributions d'actions gratuites. Plus avantageux, il a réduit le forfait social (taxe payée par l'employeur) de 30% à 20% et reporté le paiement de cette taxe au moment où l'action gratuite est effectivement perçue par le salarié (au moins un an après la distribution). "Avant cette mesure, un employeur pouvait payer un forfait social de 30% sur une action jamais distribuée au salarié", précise Jérôme Dedeyan. La loi Macron instaurait également un abattement de 50 puis de 65% pour durée de détention.

L'amendement Colas a pour objectif de revenir sur cette partie-là du nouveau régime des actions gratuites, laissant en vigueur les autres aspects : la suppression du forfait social « pour les PME au sens européen qui n'ont jamais distribué de dividendes » et de la surtaxe de 10% à charge du salarié sur la plus-value d'acquisition. Pour l'instant simplement adopté par la commission des finances de l'Assemblée nationale, l'amendement devra encore passer l'épreuve du vote en séance. La première lecture du PLF 2017 doit débuter la semaine prochaine.

Entre "avantage fiscal très conséquent" et "ventilateur réglementaire"

Le député Colas a justifié son abattement en parlant d'un "avantage fiscal très conséquent à des personnes aux revenus très élevés". Le vice-rapporteur de la commission des Finances Dominique Lefebvre a de son côté exprimé la nécessité de "border certaines dérives". Jérôme Dedeyan reconnaît que "certains en ont profité pour se goinfrer", tout en regrettant que l'intégralité des entreprises soient pénalisées à cause de ça. Dans La Tribune, Jean-Charles Simon, président de Facta Média, avait en avril dernier bien cerné la potentielle aubaine pour les patrons du CAC 40 : " On peut estimer que pour une attribution d'actions d'une valeur d'un million d'euros, la nouvelle fiscalité va faire économiser en moyenne environ 200.000 euros de prélèvements obligatoires au bénéficiaire et 150.000 euros à l'entreprise...".

Jérôme Dedeyan voit surtout dans ce potentiel retour à la case départ un nouveau signe de l'instabilité des politiques fiscales du gouvernement, "ce ventilateur réglementaire", très mal perçue par les entrepreneurs. Comme il fallait s'y attendre, les lobbys patronaux se sont élevés contre cette remise en cause des engagements votés : selon Jean-Baptiste Danet, président de CroissancePlus, "nous avons le sentiment d'assister au vote d'un amendement revanchard d'une majorité qui n'arrive pas assumer politiquement l'héritage de la loi Macron".

(Avec AFP)