Adecco condamné pour avoir mis en place un « filtrage basé sur la couleur de peau » de ses intérimaires

Par latribune.fr  |   |  607  mots
Adecco a été condamné à 50.000 euros d'amende. (Crédits : Arnd Wiegmann)
Le géant de l'intérim a été condamné ce mercredi à Paris à 50.000 euros pour avoir pratiqué « un fichage ethnique et une discrimination » de ses intérimaires, de même que deux anciens directeurs de l'agence de Montparnasse. Une affaire qui remonte à 2001.

Le verdict est tombé : ce mercredi, Adecco a été condamné à 50.000 euros d'amende pour discrimination à l'embauche et fichage à caractère racial. Les prévenus, Olivier P. et Mathieu C., anciens directeurs de l'agence d'intérim Montparnasse, ont quant à eux été condamnés à 10.000 euros d'amende, dont 7.000 avec sursis.

Le tribunal correctionnel de Paris a rendu sa décision en se basant sur « un faisceau d'indices » permettant d'établir « l'existence d'un fichage ethnique et d'une discrimination » de la part de la société d'intérim à l'encontre de certains de ses employés. Spécialisée dans la restauration, cette dernière travaillait notamment avec le ministère des Affaires étrangères, Eurodisney et la Société des wagons-lits.

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Une affaire remontant à 2001

Pour rappel, le groupe franco-suisse et deux de ses cadres, étaient poursuivis par d'anciens salariés et des associations antiracistes pour avoir mis en place un système de discrimination fondé sur la couleur de peau, à travers le fichier « PR 4 », comportant les noms d'intérimaires très majoritairement de couleur de peau noire.

Entre 1997 et 2001, l'agence, que les deux prévenus dirigeaient dans le quartier Montparnasse à Paris, aurait ainsi fiché quelque 500 intérimaires, écartés de certaines missions. Une information judiciaire avait été ouverte en 2001 à Paris après une plainte de l'association SOS Racisme, qui avait été alertée par un ancien salarié chargé du recrutement dans cette même agence. Le ministère public avait requis 50.000 euros d'amende à l'encontre de la société d'intérim, ainsi que trois mois de prison avec sursis à l'encontre des deux anciens directeurs d'agence.

Ce mercredi, le tribunal a notamment reconnu l'implication des deux anciens directeurs dans ce « filtrage basé sur la couleur de peau » sans en avoir été à l'origine, tout en n'ayant « rien mis en place pour y mettre fin ».

Une défense qui n'a pas convaincu les juges

Lors du procès, les prévenus avaient pourtant soutenu que le critère « PR 4 » ne qualifiait pas la couleur de peau mais « un mix de l'expérience professionnelle et du savoir-être du candidat », notamment sa maîtrise du français. « Je n'ai jamais cautionné ni pratiqué la discrimination, il y a un paradoxe énorme, j'ai passé ma vie à lutter contre la discrimination », avait expliqué à la barre Olivier P., aujourd'hui à la retraite après 17 ans au sein d'Adecco.

Mais la défense n'a pas convaincu. Selon la procureure, les explications données sont « fantaisistes ». « Il faut avoir envie d'y croire », avait-elle alors ironisé.

Une année 2023 compliquée pour Adecco

Adecco enchaîne les mauvaises nouvelles puisqu'il a aussi annoncé, fin février, un bénéfice net de 325 millions d'euros en 2023, en baisse de 5% par rapport à l'année précédente, et un chiffre d'affaires de 23,9 milliards d'euros, en hausse de 1%, a indiqué le groupe dans un communiqué. Il a également déçu sur son bénéfice net au quatrième trimestre, en hausse de 6% à 68 millions d'euros, alors que les analystes l'attendaient plutôt à 89 millions d'euros. Le groupe a expliqué cette progression plus faible qu'attendu par des frais exceptionnels, dépenses d'intérêts et impôts plus élevés.

Adecco a terminé l'année sur une note « solide » dans un marché « difficile », a néanmoins déclaré son patron, le Français Denis Machuel, cité dans le communiqué, le groupe ayant gagné des parts de marché durant « six trimestres consécutifs », a-t-il souligné.

Toutefois, le géant de l'intérim a fait état d'une demande en volumes « marginalement en dessous des niveaux du quatrième trimestre » pour le début de l'année 2024.

(Avec AFP)