Affaire Kerviel : les députés lorgnent la ristourne fiscale de la Société générale

Par Mathias Thépot  |   |  681  mots
Y aura-t-il un nouveau procès Kerviel ?
Le nouveau témoignage de la commissaire de police jadis en charge de l'affaire Kerviel instaure le doute quant à l'absence de responsabilité de la Société Générale dans cette affaire. Les députés espèrent désormais que le procès soit révisé et que, par la même occasion, l'incroyable déduction fiscale de 1,7 milliard d'euros accordée à la Société générale soit restituée à l'Etat français.

Ce n'est pas le point le plus connu de l'affaire Jérôme Kerviel, mais il revêt une importance fondamentale : après que les positions spéculatives prises par l'ancien trader aient fait tanguer la Société générale en janvier 2008, la banque a bénéficié d'une déduction fiscale de 1,7 milliard d'euros au titre des pertes provoquées par Jérôme Kerviel.

Pour qu'une telle déduction s'applique, une jurisprudence du Conseil d'Etat dit qu'il faut que la perte financière délictueuse ait été commise à l'insu des dirigeants, et que les dirigeants n'aient pas été, directement ou indirectement, à l'origine de la perte en cause.

Des révélations qui changent la donne

Or, les dernières révélations de la commandante de police de la brigade financière chargée de l'affaire Kerviel, Nathalie Le Roy, qui dit avoir désormais la certitude que la hiérarchie de Jérôme Kerviel ne pouvait ignorer les positions prises par ce dernier, remettent clairement en question l'opportunité de la déduction fiscale offerte à la Société générale.

Ce problème ne pourra toutefois être posé que si ce témoignage, qui fait naître un doute quant à la seule culpabilité de Jérôme Kerviel dans cette affaire, entraine une révision du procès.

Afin de faire réémerger l'affaire, un peu plus d'une demi-douzaine de parlementaires, tous bords politiques confondus, ont été réunis par le PS Yann Galut, ce mercredi 27 mai, à l'Assemblée. En cette période de forte pression sur les comptes publics, ils espèrent notamment que l'Etat récupérera cette somme de 1,7 milliard d'euros accordée à la banque. Ils demandent donc au ministère de la Justice qu'il enclenche, comme il en a le droit, une révision du procès.

Les députés estiment également qu'une commission d'enquête parlementaire s'impose. Au-delà de la question de la responsabilité de la Société Générale, « il s'agit ici de transparence, du fonctionnement de l'institution judiciaire et du fonctionnement du système bancaire », explique Yann Galut.

Pas là pour abattre la Société générale

Jusqu'ici, la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, n'a pas donné suite aux demandes des parlementaires. Pour convaincre le gouvernement d'agir pour rouvrir le dossier, les députés appuient donc sur la corde sensible de la fraude fiscale : car, s'il devait être acté que les dirigeants de la Société générale étaient au courant des agissements de leur trader, alors « il parait évident que la Société générale devra rembourser à l'Etat cette somme de 1,7 milliard d'euros », estime Georges Fenech, député UMP. « Nous ne sommes pas là pour abattre la Société Générale mais pour restaurer la justice fiscale ! », rappelle de son côté le député EELV Eric Alauzet.

Les députés aimeraient notamment que lumière soit faite sur le mode de détermination de l'abattement fiscal de 1,7 milliard d'euros, ainsi que sur les pertes réelles de la Société générale dans cette affaire. « Sur les 5 milliards d'euros de pertes annoncées par la Société générale, environ 3 milliards se sont volatilisés et, pour le reste, ce sont les citoyens français qui ont payé ! », note Georges Fenech.

Le verrou de Bercy

Problème, les députés restent confrontés à ce qu'ils appellent « le verrou de Bercy » qui aime entretenir l'opacité sur les agissements des banques au nom du «secret fiscal ». Des pratiques « du Moyen Age » s'agace le député Nicolas Dupont-Aignan.

Ainsi, les parlementaires buttent régulièrement sur l'argument de ce «secret fiscal » lorsqu'ils tentent d'en savoir plus sur des affaires financières. « Il y a un réel problème concernant la notion de secret fiscal », ajoute Eric Alauzet. « Ce n'est pas la justice et les magistrats qui décident des poursuites en matière fiscale mais le ministère des Finances », déplore-t-il. Ce qui pose, selon lui «un problème au sein même de notre démocratie».