Un enregistrement relance l'affaire Kerviel-Société générale

Par latribune.fr  |   |  714  mots
Jérôme Kerviel doit plaider pour la révision de sa condamnation, en 2014, à cinq ans de prison dont trois ferme.
La requête de l'ancien trader de la Société Générale, présentée ce lundi, pour faire annuler sa condamnation, en 2014, à 5 ans de prison dont 3 ferme, est marquée par la diffusion, la veille, d'un enregistrement clandestin incriminant l'établissement.

Le rebondissement intervient à la veille d'une semaine judiciaire chargée pour Jérôme Kerviel. Un témoignage diffusé par la presse, dimanche, pourrait bien servir la défense de l'ex-trader de la Société Générale dès ce lundi 18 janvier. Jérôme Kerviel, qui a été condamné en 2014 à cinq ans de prison dont trois ferme, se présente en effet ce lundi à une audience devant la Commission d'instruction de la Cour de révision afin de faire annuler sa condamnation. Et mercredi 20 (jusqu'au vendredi 22 janvier), il doit assurer sa défense devant la Cour d'appel de Versailles dans le procès d'appel sur le volet civil de l'affaire.

Dans cet enregistrement, réalisé à son insu en juin 2015, une ancienne vice-procureure du parquet de Paris qui a suivi l'affaire Kerviel met en cause sa hiérarchie et la Société Générale, selon des extraits de retranscription diffusés dimanche par Mediapart et 20 Minutes. La banque a aussitôt réagi, dénonçant des "pseudo-révélations" et "une nouvelle manipulation médiatique".

"La Société Générale savait, c'est évident"

"Quand vous en parlez, tous les gens qui sont un peu dans la finance, ils rigolent, sachant très bien que la Société générale savait. (...) La Société générale savait, savait, c'est évident, évident", déclare, selon ces deux médias, Chantal de Leiris, ancienne vice-procureure au parquet.

La magistrate se confie alors à Nathalie Le Roy, ancienne commandante de la Brigade financière qui avait été en charge de l'enquête, et qui avait elle-même exprimé ses doutes sur le dossier; c'est elle qui enregistre la magistrate à son insu. L'idée que la Société Générale connaissait les prises de risques colossales sur les marchés de l'ancien trader et qu'elle les a couvertes est un des principaux axes de défense de Jérôme Kerviel.

Déclaré coupable en première instance et en appel, Jérôme Kerviel a été condamné définitivement à cinq ans de prison dont trois ferme en avril 2014, mais la Cour de cassation avait rejeté la somme de 4,9 milliards d'euros de dommages-intérêts demandée par la Société Générale, soit l'équivalent de sa perte en reprochant à la banque d'avoir failli dans ses mécanismes de contrôle. Cette éventualité avait été qualifiée de véritable "peine de mort civile" par son avocat, Me David Koubbi.

Le parquet mis en cause

Dans les extraits publiés dimanche, Chantal de Leiris revient sur le "classement" de ces plaintes par le parquet en 2012 et met en cause sa hiérarchie directe.

"C'est surtout Michel Maes [chef de la section financière au parquet à l'époque, Ndlr]. Sans arrêt, il me disait: 'Tu vas pas mettre en défaut, en porte-à-faux, la Société Générale. Ca a été jugé, t'as pas à y revenir'. C'est eux qui ont voulu à tout prix sabrer [les plaintes] (...) Mais, c'est vrai ce que vous dites: vous avez été entièrement manipulée par la Société Générale", déclare Chantal de Leiris à son interlocutrice, selon les extraits.

Depuis, Jérôme Kerviel a de nouveau porté plainte avec constitution de partie civile, entraînant l'ouverture d'une information judiciaire.

Un enregistrement clandestin

Interrogé par l'AFP, le parquet de Paris indique qu'"il est extrêmement délicat de s'exprimer alors qu'il est fait état d'un enregistrement de 41 minutes, que les propos qui sont retranscrits sont forcément parcellaires et qu'on ne connaît pas le contexte dans lequel ils ont été tenus". Le parquet précise que Chantal de Leiris n'est plus vice-procureure au parquet, mais "réserviste", c'est-à-dire "magistrat honoraire qui fait des vacations".

Dans un communiqué, la Société Générale a fustigé des "allégations mensongères", qui "s'appuient de surcroît sur des éléments semble-t-il obtenus par des moyens contraires à l'éthique policière et judiciaire". La banque déplore une "nouvelle manipulation médiatique" visant "faire pression sur la justice et occuper la scène médiatique à la veille de l'examen de la recevabilité de la demande de révision de la condamnation pénale de Jérôme Kerviel".

(Avec AFP)