McKinsey : Véran contredit Le Maire, il n'y a eu ni « dérive » ni « abus » dans le recours aux cabinets de conseil

Par latribune.fr  |   |  1024  mots
Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran. (Crédits : Reuters)
« On n'avait vraiment, vraiment pas le choix », a rétorqué le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, ce lundi. Il répondait ainsi au propos du ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, qui a reconnu, la veille, une « dérive » dans la consultation de cabinets de conseil et les montants dépensés par l'Etat. Il a toutefois plaidé que ces excès étaient aujourd'hui corrigés, Bercy ayant réduit de 34% le recours à ces sociétés entre le 1er semestre 2021 et le 1er semestre 2022.

[Article publié dimanche 27.11.2022 à 15:15, mis à jour le lundi 28.11 à 10:34]

Ni « dérive » ni « abus ». C'est ce qu'a assuré Olivier Véran, ce lundi à propos du recours aux cabinets de conseil.

« Je ne sais pas ce que c'est qu'une dérive ou un abus, je sais que, quand j'ai eu besoin de rattraper l'Allemagne dans la campagne vaccinale [contre le Covid-19, Ndlr], j'ai fait appel à une entreprise qui venait de conseiller l'Allemagne dans l'élaboration des centres de vaccination », a déclaré le porte-parole du gouvernement, ancien ministre de la Santé entre févier 2020 et mai 2022.

De la perte de confiance dans les compétences internes...

Il répliquait ainsi au ministre de l'Économie Bruno Le Maire qui, la veille, dimanche sur France 3, s'était livré à un exercice de contrition, en reconnaissant « bien volontiers, nous sommes allés trop loin, depuis des années, c'est ce gouvernement, les gouvernements précédents, des majorités précédentes... On avait pris sans doute trop l'habitude de dire "l'administration n'est pas capable de faire ce travail, on va externaliser et demander à des cabinets de conseil" ».

« Je pense qu'il y a eu effectivement une dérive, que cette dérive a été corrigée », a-t-il ajouté, et ce, notamment par une circulaire de la Première ministre Élisabeth Borne demandant au gouvernement de réduire de 15% le recours aux cabinets de conseil.

Selon lui, Bercy a réduit de 34% le recours à ces sociétés entre le 1er semestre 2021 et le 1er semestre 2022. « Je pense que c'est la même tendance ailleurs », a-t-il encore dit dans une déclaration plutôt floue, à propos des autres ministères.

... au retour en grâce des fonctionnaires de Bercy

En revanche, dans ses déclarations suivantes, le ministre portait un regard neuf sur son administration, ses subordonnés, qui pourrait augurer d'un retour en grâce de leurs compétences délaissées :

« Il y a eu certainement des abus. On doit d'abord s'appuyer sur son administration, surtout quand on a une administration de la qualité exceptionnelle du ministère de l'Économie et des Finances, réduire le recours aux cabinets de conseil », a-t-il encore précisé.

Gabriel Attal, le ministre délégué chargé des Comptes publics, interrogé sur BFMTV sur ces déclarations, se plaçait assez facilement dans le sillage de son ministre de tutelle en évoquant « des exemples qui avaient été donnés effectivement sur certaines missions qui avaient été réalisées et dont on ne comprenait pas trop l'objet ou ce que ça apportait ».

« On n'avait vraiment, vraiment pas le choix » (Olivier Véran)

En revanche, Olivier Véran laissait entendre un son de cloche tout différent, ce lundi, en évoquant des procédés d'attribution «  super clairs et transparents » :

« Ce n'est pas que je dis que je ne suis pas d'accord ou non » avec Bruno Le Maire, c'est que dans la crise Covid, « on n'avait vraiment, vraiment pas le choix », a rétorqué .

Rappelant le mot d'ordre du président Emmanuel Macron de « réduire la voilure sur les contrats passés avec les cabinets privés », il a regretté que l'État n'ait « plus les compétences suffisantes pour tout seul arriver à tout gérer ».

« Il y a eu les programmes de réduction des fonctionnaires dont certains présidents se sont faits les hérauts », a-t-il rappelé. À l'époque, « l'État a considéré que ce n'était plus à lui de garder des fonctionnaires (...) et qu'il passerait par du privé quand il en aurait besoin », a-t-il déploré.

En mars dernier, le ton de Bruno Le Maire était beaucoup plus offensif

Toutefois, à propos des déclarations du ministre de l'Économie, dimanche, il faut rappeler qu'elle témoignent d'un réel changement de ton alors qu'en mars 2022, deux semaines avant l'élection présidentielle d'avril 2022.

Face au très embarrassant rapport sénatorial publié mi-mars dénonçant l'influence des cabinets de conseil privés sur la formation des décisions publiques, il montait au créneau soutenu par une escadrille de ministres dont notamment l'ancienne ministre de la Transformation et de la Fonction publique, Amélie de Montchalin, pour défendre Emmanuel Macron et son gouvernement :

« Aucun cabinet de conseil n'a décidé d'aucune réforme et la décision revient toujours à l'État », avait entre autres défendu Amélie de Montchalin, mercredi 30 mars.

Le même jour, sur Europe 1, Bruno Le Maire lui avait emboîté le pas, sur un ton plus martial :

« [Le gouvernement] n'a pas de leçons à recevoir en matière de lutte contre l'optimisation fiscale », avait-il martelé en réponse aux soupçons d'optimisation fiscale pesant sur des filiales françaises du cabinet conseil McKinsey engagé par le gouvernement.

Le PNF enquête sur les deux campagnes 2017 et 2002 de Macron

Mais, en ce mois de novembre 2022, le contexte juridique a changé avec l'annonce, il y a trois jours, par le Parquet national financier (PNF) que deux nouvelles enquêtes avaient été ouvertes, le 20 octobre dernier, par la justice sur l'intervention des cabinets de conseil dans les campagnes électorales d'Emmanuel Macron en 2017 et 2022, pour tenter de savoir si celles-ci n'auraient pas indûment bénéficié de financements en retour de contrats publics.

« Je ne commente pas les procédures judiciaires en cours », a dit Bruno Le Maire sur France 3, mais il a néanmoins posé quelques mots d'appréciation sur cette affaire, laissant entendre qu'il ne faut pas se focaliser sur une éventuelle sanction mais sur les mesures correctives apportées depuis :

« Ce qui compte est ce que nous faisons pour répondre aux abus qui ont eu lieu sur le recours à des cabinets de conseil extérieurs », a-t-il assuré.

Dans cet esprit, Bruno Le Maire postulait que cette affaire ne laisserait aucune trace dans la vie politique française :

« À partir du moment où la justice fait son travail, que nous tirons les leçons des abus, et je ne crois pas que ce soit le sujet de préoccupation majeure des Français. »

(avec AFP)