Agriculteurs : le gouvernement va annoncer de nouvelles mesure mardi pour calmer la colère

Par latribune.fr  |   |  1713  mots
Emmanuel Macron a donné « pour consigne » de « garantir que les tracteurs ne se rendent pas à Paris et dans les grandes villes pour ne pas créer des difficultés extrêmement fortes » (Photo d'illustration). (Crédits : BENOIT TESSIER)
Des centaines d'agriculteurs barrent depuis lundi huit grands axes autoroutiers desservant Paris pour continuer à mettre la pression sur le gouvernement de Gabriel Attal, qui promet d'annoncer de « nouvelles mesures » mardi après un premier volet jugé insuffisant avant le week-end. Certains agriculteurs vont camper sur les autoroutes, décidés à maintenir la pression.

[Article publié lundi 29 janvier 2024, à 7h21, mis à jour à 19h40] Après une première journée de blocages sur les autoroutes en vue d'un « blocus » sur Paris, les agriculteurs ne décolèrent pas. Huit barrages de tracteurs sont, lundi soir, toujours actifs. Et demain matin, mardi, un bataillon repartira en direction de Rungis, au sud de la capitale, où des agriculteurs de la Coordination rurale prévoient d'arriver « mardi soir ou mercredi matin ».

Face à ce mouvement qui risque de s'installer, rappelant les gilets jaunes sur les ronds-points, de « nouvelles mesures seront prises dès demain » en faveur des agriculteurs, a annoncé la porte-parole du gouvernement. « Le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a fait savoir que de nouvelles mesures seront prises dès demain » mardi, a affirmé Prisca Thevenot dans son compte-rendu à la presse du Conseil des ministres.

La représentante du gouvernement a confirmé en outre que Gabriel Attal allait recevoir « ce soir les représentants » des syndicats agricoles.

Une journée de blocages

La journée avait déjà été rythmée par plusieurs blocages d'autoroutes partout en France. Dans le détail, la gare-péage de Buchelay dans les Yvelines (environ 60 km au nord-ouest de Paris), l'autoroute A13 est bloquée dans le sens province-Paris. De l'autre côté de la capitale, à Jossigny (Seine-et-Marne), un blocage de l'A4 a aussi débuté avec l'installation en épi des premiers tracteurs des deux côtés du terre-plein central. La ville de Paris elle-même n'est pas bloquée, tout comme le marché vital de Rungis (Val-de-Marne) et les aéroports parisiens.

« Le Premier ministre nous a fait une mise en bouche, on voudrait qu'il continue de travailler un peu et qu'il nous en fournisse un petit peu plus sur d'autres sujets », a déclaré Arnaud Lepoil, de la FNSEA, auprès de l'AFP.

« Pas de violence », a assuré la FNSEA

Selon la gendarmerie, 30 départements sont touchés et 16 autoroutes concernées. Les renseignements territoriaux comptabilisaient à la mi-journée un total de 25 blocages mobilisant 1.710 agriculteurs, contre 113 blocages vendredi et 17.500 agriculteurs.

Interrogé plus tôt dans la matinée au micro de RTL, le président du principal syndicat, la FNSEA, Arnaud Rousseau, avait assuré que la capitale « va être entourée par un certain nombre de convois de tracteurs, mais à bonne distance parce qu'on ne souhaite pas de violence ». Selon lui, les agriculteurs devaient se poster entre 30 et 40 kilomètres de Paris sur les principaux axes autoroutiers.

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« Modération » demandée aux forces de l'ordre

Dans la région lyonnaise, la mobilisation a, elle aussi, repris, selon la préfecture du Rhône, qui a évoqué une opération escargot venue des Monts du Lyonnais, suivis de blocages d'autoroutes. Les branches locales de la FNSEA et les JA ont promis « des ramifications partout dans la région ».

Signe de l'urgence de la situation au plus haut sommet de l'Etat, une réunion a eu lieu à l'Elysée, en présence de plusieurs ministres, en milieu d'après-midi. Dans un second temps, un Conseil des ministres a été programmé à 16 heures, avant le départ du chef de l'Etat en Suède. Représentant de l'exécutif, en l'absence d'Emmanuel Macron, Gabriel Attal devrait recevoir les patrons de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs à partir de 18 heures, ce lundi.

Si le gouvernement fait toujours preuve de tolérance vis-à-vis des actions, force est de constater que le ton, lui, se veut plus ferme. Dimanche, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a professé une « tolérance zéro sur les violences et les dégradations », tout en disant douter qu'un blocage d'accès routiers à Paris serve les « intérêts des agriculteurs ». A l'issue d'une réunion interministérielle de crise, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a fait part d'une « modération » demandée aux quelque 15.000 membres des forces de l'ordre mobilisés qui ne devront pas « intervenir sur les points de blocage », mais les « sécuriser ».

Le ministre a expliqué qu'Emmanuel Macron avait donné « pour consigne » de « garantir que les tracteurs ne se rendent pas à Paris et dans les grandes villes pour ne pas créer des difficultés extrêmement fortes », et également de faire en sorte que le marché international de Rungis « puisse fonctionner ainsi que les aéroports parisiens d'Orly et de Roissy ».

 « On appelle tout le monde au calme et à la détermination », a déclaré de son côté Arnaud Rousseau, disant ne pas vouloir un drame comme celui de Pamiers (Ariège), où une agricultrice et sa fille ont été tuées mardi sur un barrage : « Pas question qu'il y ait d'autres accidents ». Il a aussi exhorté le gouvernement à « aller beaucoup plus loin » dans ses annonces en faveur du monde agricole.

Des annonces insuffisantes pour les agriculteurs

Vendredi dernier, le Premier ministre Gabriel Attal a dévoilé des mesures d'urgence, dont l'abandon de la hausse de la taxe sur le gazole non routier (GNR), des indemnités gonflées pour les éleveurs dont les bovins ont été touchés par la maladie hémorragique épizootique, dans le but d'apaiser les tensions. Finalement, cela ne suffira pas.

« On n'a pas bien vécu ce qui s'est passé la semaine dernière: la com', les caméras, le ballot de paille et tout ça, ce n'est pas notre truc. Ce qu'il nous faut nous, c'est des décisions dont on sent qu'elles changent le logiciel », a lancé Arnaud Rousseau face à des paysans bloquant l'autoroute A16 à la hauteur de Beauvais (Oise).

Selon le patron de la FNSEA, la séquence qui s'ouvre est celle d'une « semaine de tous les dangers, soit parce que le gouvernement ne nous entend pas, soit parce que la colère sera telle qu'ensuite chacun prendra ses responsabilités ». Il a par ailleurs annoncé qu'il était « prévu » qu'il parle avec le Premier ministre dans la journée pour évoquer les possibles solutions à la crise agricole.

Attal résolu à « avancer vite »

De son côté, Gabriel Attal a concédé « que, à travers ces premières mesures, on n'a pas encore répondu à tout ce que je viens d'évoquer et ce qui constitue le malaise et le mal-être de nos agriculteurs aujourd'hui ». « Et je suis résolu à avancer, avancer résolument, à avancer vite », a déclaré le Premier ministre à La Riche (Indre-et-Loire).

Peu auparavant, dans une ferme au nord-est de Tours, Gabriel Attal a été interpellé sur de multiples volets de la crise : baisse des revenus, retraites faibles, complexité administrative, inflation des normes, concurrence étrangère... « Je veux qu'on clarifie les choses et qu'on voie les mesures que l'on peut prendre, supplémentaires, sur ces histoires de concurrence déloyale », a assuré le chef du gouvernement.

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Le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a confirmé lundi sur France 2 que de nouvelles mesures seraient annoncées « dans les 48 heures (pour) compléter et montrer la globalité » de la réponse du gouvernement face à une crise « multiple ».

Les oppositions vent debout contre le libre-échange et la PAC

Du côté des oppositions, les avis et critiques sur cette crise ne manquaient pas ce lundi. Sur BFMTV-RMC, le président du Rassemblement national Jordan Bardella a appelé Emmanuel Macron à défendre à Bruxelles les agriculteurs français face aux « voitures allemandes » dans les négociations au long cours entre l'UE et le Mercosur sur un accord de libre-échange multisectoriel.

« Tant que l'Allemagne, dans l'ensemble des accords de libre-échange qui sont négociés, fera peser tout son poids pour continuer à exporter des voitures allemandes au détriment de l'agriculture française, eh bien Emmanuel Macron fera la chaise vide », a-t-il plaidé ce matinPour rappel, dans cette négociation avec le Mercosur, l'UE souhaite pouvoir exporter davantage de biens industriels et de services vers les pays latino-américains qui veulent de leur côté un plus grand accès au marché agricole européen.

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A gauche, Raphaël Glucksmann, probable tête de liste du Parti socialiste aux élections européennes, appelle à une refonte de la Politique agricole commune (PAC), dans un entretien au quotidien régional Ouest-France. « Il faut que l'Union européenne cesse d'être le dindon de la farce des échanges internationaux », juge-t-il. Pour le député européen, la situation des agriculteurs français est d'abord liée à « des politiques commerciales iniques » qui les mettent en concurrence « avec des agriculteurs du bout du monde qui ne sont pas soumis aux mêmes règles qu'eux ». Et de dénoncer le fait que les « aides publiques bénéficient d'abord aux plus grands exploitants ».

Plusieurs ports bloqués en Allemagne

Outre-Rhin, la mobilisation des agriculteurs est toujours aussi active. Ce lundi, ces derniers ont bloqué les axes de circulation menant à plusieurs ports allemands : celui de Hambourg (nord), celui de Jade-Weser-Port (en Basse-Saxe) et un port de conteneurs près de la ville de Wilhelmshaven. Des colonnes composées de centaines de tracteurs ont aussi occasionné des perturbations du trafic dans l'ensemble du centre-ville de Hambourg, alors qu'une manifestation d'agriculteurs se tient devant la gare, ont ajouté les autorités.

Ces actions s'inscrivent dans un mouvement de mobilisation massif des agriculteurs allemands, qui s'opposent depuis plusieurs semaines contre la réforme de la fiscalité sur le diesel agricole, qui prévoit à partir de 2026 la suppression d'une exonération dont ils bénéficiaient. Elles interviennent après une période de négociations ayant échoué entre syndicats et gouvernement.

(Avec AFP)