Les agriculteurs veulent assiéger Paris pour faire plier l'exécutif

Alors que certains syndicats d'agriculteurs promettent un « siège de la capitale » à partir de lundi, le Premier ministre Gabriel Attal doit retourner sur le terrain dimanche pour tenter de répondre à la colère des agriculteurs
(Crédits : Rémi Benoit)

Faire le  « siège de la capitale ». C'est en utilisant ce terme militaire que les agriculteurs de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs (JA) du bassin parisien ont répondu ce samedi aux 10 propositions annoncées la veille par Gabriel Attal pour calmer la colère paysanne.

« Dès lundi 29 janvier à 14h les agriculteurs des départements de l'Aisne, l'Aube, l'Eure, l'Eure & Loir, l'Île-de-France, la Marne, le Nord, l'Oise, le Pas-de-Calais, la Seine & Marne, la Seine-Maritime et la Somme, membres du réseau FNSEA et Jeunes Agriculteurs du Grand Bassin Parisien entament un siège de la capitale pour une durée indéterminée », ont-ils écrit dans un communiqué, précisant que « tous les axes lourds menant à la capitale seront occupés par les agriculteurs ».

« Nous voulons assécher Paris », a même précisé sur France Info, un cadre des Jeunes agriculteurs

Désormais en pointe de la contestation agricole, la Coordination rurale du Lot-et-Garonne, a annoncé que ses troupes prendront la route lundi pour aller bloquer le marché de Rungis près de Paris.

Attal sur le terrain dimanche

Ce dimanche, A deux jours de son discours de politique générale, le Premier ministre Gabriel Attal prendra la parole dans la foulée d'une visite dans une exploitation bovine en Indre-et-Loire.

Ce regain de pression intervient au moment où des barrages se lèvent et la circulation a repris samedi sur certaines autoroutes. Ainsi, l'autoroute A9, qui a été fermée vendredi matin en raison d'actions des agriculteurs sur le tracé, a rouvert samedi « dans sa quasi-totalité à 17h30 », plus précisément sur une large portion reliant Montpellier et la frontière espagnole, selon Vinci Autoroutes. A hauteur de Nîmes néanmoins, des agriculteurs occupaient les voies au niveau de l'échangeur entre les autoroutes A9 et A54 et ont dit leur intention d'y passer la nuit.

Du côté de l'autoroute A64, où un premier barrage d'agriculteurs avait été installé il y a 10 jours au niveau de Carbonne (Haute-Garonne), la circulation a repris. « On a été entendu, on a eu quelques réponses » même si « tout ne sera pas parfait de suite », a estimé Joël Tournier, l'un des porte-parole du mouvement à Carbonne, avec l'éleveur Jérôme Bayle.

Dans Bouches-du-Rhône, les agriculteurs doivent aussi lever le dernier barrage du département dans la soirée, selon le préfet, qui a annoncé une série de discussions locales sur des sujets comme la gestion de l'eau ou les besoins du secteur en main d'oeuvre étrangère. Selon la gendarmerie, le nombre de blocages et de départements touchés diminue fortement : il y avait moins de 40 actions touchant 28 départements samedi matin.

Mais le mouvement reste diffus, avec des situations qui varient localement à travers l'Hexagone et des agriculteurs partagés entre ceux qui estiment avoir obtenu satisfaction et d'autres qui souhaitent relancer le mouvement après une pause.

En effet, avec ses 10 propositions d'urgence annoncées en Occitanie, berceau de la contestation, Gabriel Attal, a accédé à quelques-unes des demandes les plus pressantes des manifestants entre l'abandon de la hausse de la taxe sur le gazole non routier (GNR), des indemnités gonflées pour les éleveurs touchés par la maladie des bovins MHE, des sanctions lourdes contre trois industriels de l'agro-alimentaire ne respectant pas les lois Egalim sur les prix.

Lire aussiGabriel Attal détaille son plan pour sortir de la crise des agriculteurs

« Les gens sont excédés par le fait que ce n'est pas les annonces qu'on attendait », a déclaré samedi Lucie Delbarre, secrétaire générale de la FDSEA du Pas-de-Calais. « On a un Etat qui se moque de ses agriculteurs. On le voit bien, c'est une cocotte-minute prête à exploser ».

A Narbonne, c'est un bâtiment de la Mutualité sociale agricole (MSA) qui avait été incendié vendredi après-midi en marge d'une manifestation d'agriculteurs, tandis qu'à Nîmes, un bureau des Douanes et huit véhicules ont été brûlés.

D'autres mesures

Mais le gouvernement devrait aller plus loin. Les mesures « sont appelées à se décliner sur d'autres sujets », a, en effet promis samedi le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, en évoquant des « mesures » qu'il annoncera « la semaine prochaine sur la viticulture », ou encore sur la maladie du mildiou et la « trésorerie ».

« J'irai mercredi au niveau européen pour débloquer un certain nombre de sujets. Je pense au sujet de la jachère et je pense que dans la semaine on pourra avoir des réponses. Et le président de la République y mettra tout son poids », a-t-il encore annoncé.

Dans le Lot-et-Garonne, la redoutée Coordination rurale

Désormais en pointe de la contestation agricole, la Coordination rurale du Lot-et-Garonne, dont les troupes prendront la route lundi pour aller bloquer le marché de Rungis près de Paris, est aussi influente que redoutée dans ce « verger de la France ».

Blé, maïs et tournesol y occupent plus de la moitié des surfaces mais fruits et légumes génèrent 40% de la valeur de la production selon l'Insee, et représentaient 3.300 salariés en 2021. D'après le Conseil départemental, le Lot-et-Garonne est le premier producteur de fraises, d'aubergines, de poivrons et piments, de noisettes, de kiwis et de tabac brun, avec des spécialités reconnues comme la tomate de Marmande ou le pruneau d'Agen.

Depuis deux décennies, la Coordination rurale (CR47) y contrôle la Chambre d'agriculture, avec 60% des suffrages lors des derniers scrutins, et est omniprésente sur le terrain derrière l'emblématique Serge Bousquet-Cassagne, 64 ans, président de la Chambre depuis 2013.

Les actions qu'il a menées avec la CR47 (opération commando chez un négociant, occupation des locaux de la Mutualité sociale agricole, saccages de supermarchés et centrales d'achat, blocages d'Agen) ont en effet souvent fini devant la justice. Serge Bousquet-Cassagne a été condamné à de la prison avec sursis, notamment, pour avoir fait construire la retenue d'eau de Caussade durant l'hiver 2018-2019 sans autorisation... ce qui n'empêche pas celle-ci d'avoir toujours fonctionné depuis, comme l'a déploré récemment la Cour des comptes.

La CR47 est ciblée aussi par une information judiciaire ouverte après une plainte de la secrétaire nationale d'EELV, Marine Tondelier, dont un déplacement dans le Lot-et-Garonne, l'an dernier, avait été fortement perturbé par le syndicat - il lui avait signifié, la veille, qu'elle n'était « pas la bienvenue ».

La responsable écologiste avait alors fustigé « un syndicat d'extrême droite », un fils de Serge Bousquet-Cassagne ayant été cadre du Front national (devenu par la suite Rassemblement national) dans le Lot-et-Garonne, et le père assumant sa proximité « avec toutes les droites ».

Après que les agriculteurs aux bonnets jaunes, couleur de la CR, eurent allumé un gros feu devant la préfecture d'Agen mercredi soir, la députée RN Hélène Laporte est venue les assurer de son soutien jeudi matin. En novembre, 300 agriculteurs et 80 tracteurs, à l'appel du syndicat, avaient déjà déversé pneus et lisier devant des bâtiments administratifs à Agen. Le préfet avait « désapprouvé » et refusé de recevoir le syndicat, avant qu'une banderole accrochée aux grilles de la préfecture -« honte au préfet qui méprise les paysans »- ne le fasse changer d'avis.

Cette semaine, ils étaient 600 à camper sur l'A62 et ont multiplié les opérations coup de poing sans que personne n'y trouve à redire - « je comprends bien sûr », a même dit le directeur d'une base logistique Super U quand des tracteurs y ont déversé du purin.

(AFP)

   

Commentaire 1
à écrit le 28/01/2024 à 9:05
Signaler
Allez chiche ! Tous à la Défense ! ^^

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.