Agriculture : les chiffres de la détresse

Par latribune.fr  |   |  502  mots
200.000 demandes de primes d'activité ont été déposées depuis le début de l'année.
Les demandes de primes d'activité, ainsi que les appels à la permanence de prévention des suicides, dépassent les attentes, souligne la Mutualité sociale agricole. Et la situation risque encore d'empirer.

Dans le secteur agricole, les demandes de primes d'activité, nouveau dispositif pour les travailleurs à revenus modestes qui a remplacé le RSA activité, ont le vent en poupe. La Mutualité sociale agricole (MSA), sécurité sociale des agriculteurs, en attendait 60.000 pour l'ensemble de 2016. Or, elle a déjà reçu 200.000 demandes depuis le début de l'année, a-t-elle souligné lors d'une conférence de presse mardi 11 octobre, une semaine après la présentation par le gouvernement de son plan d'aide. Ces requêtes concernent pour un tiers les chefs d'exploitations, et pour deux tiers les salariés agricoles.

Cette explosion de la demande est un indicateur incontestable de l'aggravation de la crise agricole: alors qu'en 2014 18% des agriculteurs imposés au régime réel avaient eu des revenus équivalents à 354 euros par mois, en 2015 30% d'entre eux se sont retrouvés dans cette situation, notamment parmi les exploitants laitiers et les éleveurs bovins, relève la MSA. En 2016, la situation risque d'ailleurs encore d'empirer, avec la chute de 32% de la production de blé tendre en raison de la mauvaise météo.

1.700 appels en six mois

Autre indicateur mis en avant par la MSA, même s'il est à prendre avec plus de prudence: le nombre d'appels auprès de la permanence de prévention du suicide chez les agriculteurs, Agri'écoutes. Au premier semestre, ils ont été 1.700, soit une moyenne de 285 appels par mois, contre une centaine par mois sur la même période un an plus tôt. Si la nouveauté du dispositif, lancé en octobre 2014, et qui n'a commencé à être connu qu'à compter des mois de mars/avril 2015, compte sans doute, la MSA souligne également un changement dans la nature des appels. Ce sont en effet désormais de plus en plus souvent les épouses qui contactent Agri'écoutes, "par rapport au désarroi de leur mari". Michel Brault, directeur général de la MSA, l'explique ainsi:

"Lorsqu'il n'y a plus de revenus qui rentrent, un fort endettement, l'homme n'ose plus appeler. Il se réfugie dans le travail, ne s'occupe plus des papiers, des échéances. C'est le conjoint qui est confronté à cela".

300 suicides en 2011

Pourtant, le risque de suicide est concret: selon des chiffres publiés la semaine passée par Santé Publique France et la MSA, près de 300 agriculteurs se sont suicidés en 2010 et 2011, sur une population de 480.000 personnes, avec une surmortalité particulièrement marquée chez les éleveurs bovins (lait et viande) âgés de 45 à 54 ans. La MSA souhaite donc passer à la prise de contact directe et à l'accompagnement personnalisé, en s'appuyant sur ses 900 travailleurs sociaux présents sur tout le territoire.

L'organisation est en revanche plus sceptique concernant le dispositif de remplacement gratuit mis en place par le gouvernement pour permettre aux exploitants de souffler: "Assez peu d'agriculteurs ont demandé à en bénéficier", relève Michel Brault, qui souligne:

"L'agriculteur ne ressent pas le besoin de partir en vacances. Pour lui, c'est un sentiment de fuite devant ses problèmes".

 (Avec AFP)