Après la Loi Travail, le grand vide ?

Par Fabien Piliu  |   |  863  mots
Après la loi Macron et la loi Travail, l'exécutif ne devrait pas se lancer dans des chantiers trop ambitieux.
Jeudi, après cinq mois de polémiques et de tensions, le gouvernement a fait adopté la Loi Travail par le Parlement. D'autres chantiers de réformes seront-ils lancés d'ici la fin du quinquennat ? Rien n'est moins sûr.

Quel soulagement ! Après cinq moins de polémiques, de débats et de tensions au sein même de la majorité, le gouvernement a réussi jeudi à faire adopter le projet de loi Travail porté par Myriam El Khomri.

Quelle sera la suite ? A la fin du mois, les membres du gouvernement prendront quelques jours de congés avant une rentrée programmée très tôt, dans la seconde quinzaine du mois d'août.

Dans le contexte actuel, quelques jours après l'attentat de Nice, François Hollande devrait intimer l'ordre à ses ministres de ne pas trop s'éloigner du territoire, et de rester discret sur leur destination de vacances. En effet, à quelques mois maintenant des prochaines élections présidentielles, et compte tenu de la situation économique et sociale, François Hollande et Manuel Valls espèrent éviter les fautes de goût.

Les dégâts de la loi Macron et de la Loi Travail

La campagne serait donc lancée ? Sans aucun doute. François Hollande, s'il fait toujours mystère de ses intentions pour 2017, conditionnant sa candidature à une baisse massive du chômage, est déjà prêt. Ses récentes déclarations officielles avaient la couleur d'un programme.

C'est la raison pour laquelle la Loi Travail devrait être la dernière réforme d'envergure du quinquennat. Compte tenu des polémiques provoquées par ce texte - le gouvernement s'est mis à dos une partie de sa majorité ainsi que le Front de Gauche -, on imagine mal l'exécutif prendre le risque de déstabiliser sa base d'électeurs en proposant une réforme à nouveau en contradiction avec les promesses faites en 2012. La loi Macron avait fait des dégâts à gauche. La Loi Travail a amplifié la rupture avec une partie de ses électeurs traditionnels.

Très peu de nouvelles réformes dans les cartons

Ces quelques mois seront-ils synonymes d'immobilisme ? Ce serait aller trop loin. Plusieurs réformes importantes ont déjà été annoncées et devraient prendre effet, donnant l'image d'un exécutif mobilisé jusqu'au bout. Le projet de loi Numérique sera définitivement adopté en septembre par le Sénat. La réforme des minimas sociaux que Manuel Valls souhaite voir aboutir au plus vite devrait être annoncée à la rentrée. Quant à la retenue à la source, elle est prévue pour 2018. Quelques mesures de simplifications administratives devraient également animer l'actualité.

Quant au projet de loi de finances 2017, bien que lesté de quelques gestes - cadeaux ? - fiscaux catégoriels (SNCF, Education nationale, chercheurs...), il devrait être dans le droit fil des précédents budgets en donnant la priorité à la réduction du déficit public. La traque aux niches fiscales, dont le nombre s'élève à 449, ne devrait pas s'intensifier. Pourtant, ce chantier, souvent promis, jamais lancé, aurait pu constituer l'amorce d'une réforme fiscale d'envergure. Mais on ne touche pas aux niches, fruits d'intenses démarches de lobbying, qui sont la reconnaissance et la prise en compte fiscale des particularismes de la société. Surtout à quelques mois des élections présidentielles. Trop risqué.

Une reprise compromise

Comme il a l'a déjà fait lors de son intervention télévisée le 14 juillet, François Hollande s'attelle maintenant à jouer les rassembleurs, à apaiser les tensions au sein de son propre camp en espérant que la situation économique s'améliore. Actuellement, la plupart des indicateurs sont dans le vert, même si l'industrie subit quelques hoquets qui pourraient être inquiétants s'ils devaient se prolonger après l'été. En 2016, le PIB pourrait progresser de 1,6%, ce qui constituerait la meilleure performance du quinquennat. En 2017, c'est une progression de 1,5% de l'activité anticipe officiellement.

Malheureusement, cette prévision pourrait être révisée à la baisse, à cause du Brexit, qui n'est pas intégré par Bercy dans la trajectoire des finances publiques, et de ses conséquences sur le commerce extérieur tricolore. En 2015, c'est avec le Royaume-Uni que la France affichait son excédent commercial le plus élevé : 12,1 milliards d'euros. Une baisse des importations britanniques, due au repli de la livre et à la modification des accords commerciaux, est fortement envisageable. C'est la raison pour laquelle le Fonds monétaire international a révisé sa prévision de croissance de 0,1 point pour la France pour la porter à 1,1% en 2017. A ce rythme, on imagine mal une reprise massive de l'emploi.

Une politique économique de gauche ?

Quelles sont ses chances de succès ? Il est trop tôt pour le dire. Au sein de la majorité, avant la primaire de gauche, aucun concurrent crédible ne semble se dégager pour l'instant. A droite, c'est toujours le grand flou, même si la candidature de Nicolas Sarkozy est fortement pressentie à la primaire qui sera organisée en novembre. Ensuite, et c'est un avantage pour François Hollande, le candidat officiel de l'opposition sera bien en peine pour présenter un programme économique qui tranche avec l'action du gouvernement, notamment depuis le virage libéral pris depuis mars 2014 avec l'arrivée de Manuel Valls à Matignon et la nomination d'Emmanuel Macron au ministère de l'Economie au mois d'août de la même année.