Attractivité : le dossier STX, symbole du mal français

Par Fabien Piliu  |   |  964  mots
L'entreprise STX, dont l'État n'est plus l'actionnaire majoritaire depuis l'entrée dans le capital du finlandais New Aker Yards, a failli disparaitre en 2008.
Le gouvernement a décidé de nationaliser temporairement STX France, en attendant de trouver un accord plus équilibré avec l'italien Fincantieri. Cette décision peut-elle nuire à l'attractivité de la France ?

Les gouvernements ont beau se succéder, la France est incorrigible. C'est du moins ce que doivent légitimement penser nos partenaires et concurrents commerciaux. Trois ans après l'épisode Yahoo-Dailymotion, l'exécutif s'immisce à nouveau dans un dossier industriel en bloquant la reprise du chantier STX France par l'italien Fincantieri.

Jeudi, le gouvernement a indiqué la nationalisation temporaire des chantiers navals STX France. Elle coûterait environ 80 millions d'euros à l'État, une somme prise en charge par l'Agence des Participations de l'État. Bruno le Maire, le ministre de l'Économie a indiqué l'État pourra "récupérer cette mise (...) dès que nous aurons trouvé une solution industrielle" avec l'Italie et le groupe Fincantieri, seul candidat à la reprise de STX France.

Pourtant, l'affaire semblait conclue. Le 3 janvier, le groupe de Trieste avait été choisi par le gouvernement de François Hollande pour reprendre STX France, la filiale française de STX, le groupe sud-coréen actuellement en grandes difficultés financières. Rappelons que l'Italien était le seul investisseur à se manifester...

Pour acquérir 66,6% du capital des chantiers de Saint-Nazaire, Fincantieri s'était engagé à débourser 79,5 millions d'euros. Cet accord a ensuite été renégocié pour que Fincantieri n'ait pas les pleins pouvoirs. L'Italien s'est contenté d'acquérir 48% des parts, sauf que, grâce aux 7% détenus par une fondation de Trieste, il avait le champ libre pour guider à sa guise l'entreprise.

Face à cette situation, et après une prise de conscience que l'on considérerait comme bien tardive si l'on était italien, le gouvernement français a voulu une nouvelle modifier cet accord pour partager le capital de STX France à parts égales. Fincantieri a refusé, obligeant Paris a sortir son portefeuille.

Des raisons légitimes, mais tardives

Pourquoi ce revirement ? Certes, STX France se porte bien, car le carnet de commandes est actuellement plein. Mais son activité est cyclique, très sensible aux aléas de la conjoncture mondiale. L'entreprise, dont l'État n'est plus l'actionnaire majoritaire depuis l'entrée dans le capital du finlandais New Aker Yards, a failli disparaitre en 2008.

Dans ce contexte, l'État s'inquiète des conséquences sociales en cas d'une prochaine chute de l'activité.

Les relations étroites entre Fincantieri et la Chine inquiètent également. En février, l'Italien a signé un accord dont le montant s'élève à un contrat de 1,5 milliard de dollars pour la construction en Chine de deux navires de croisière pour le marché local, avec son partenaire China State Shipbuilding Corporation. Un transfert de savoir-faire est redouté par Paris

Enfin, les chantiers de Saint-Nazaire sont le seul site capable de construire de grandes coques pour des navires militaires. Un enjeu de souveraineté stratégique existe donc bel et bien.

La France is back, ou pas

Toutes ces raisons sont légitimes. Il est simplement regrettable qu'elles n'aient pas été évoquées avant la signature du contrat avec Fincantieri. Avec ce revirement, la France trouble son image auprès des investisseurs étrangers et en l'occurrence avec des investisseurs italiens. Dans la Péninsule, la colère est vive.

La décision du gouvernement français " est grave et incompréhensible. Nous considérons grave et incompréhensible la décision du gouvernement français de ne pas donner suite à des accords déjà conclus ", affirment dans un communiqué conjoint le ministre de l'Économie et des Finances Pier Carlo Padoan et celui du Développement économique Carlo Calenda.

Certes, Emmanuel Macron a appelé le chef du gouvernement italien Paolo Gentiloni pour " dissiper toute mauvaise interprétation " de la décision française et souligner son souhait " d'un accord qui fasse une large place " au groupe italien Fincantieri, a indiqué l'Élysée.

" C'est évidemment une décision transitoire pendant laquelle les discussions continuent pour trouver un accord, et notre souhait est évidemment que cet accord fasse une large place à Fincantieri ", a fait valoir l'Élysée, assurant que " M. Gentiloni était très apaisé" à l'issue de sa conversation avec le président français.

On saura très vite s'il a eu raison d'être apaisé.

La France coutumière du fait ?

Ce n'est pas la première fois que la France agit ainsi ces dernières années. En 2012, le gouvernement avait exigé et obtenu des compensations pour les salariés du groupe ArcelorMittal, après que la direction du  groupe sidérurgique ArcelorMittal ait annoncé son intention de fermer la filière chaude de son site de Florange.

En 2014, Arnaud Montebourg alors ministre de l'Économie s'était largement immiscé dans le dossier Alstom, tentant de faire racheter la branche énergie de l'industriel français par l'allemand Siemens, au détriment de l'américain GE. Toujours en 2014, le gouvernement, par la voie de son ministre de l'Économie, s'était opposé à la reprise de Dailymotion, le site de vidéos en ligne, par l'américain Yahoo.

Un an plus tard, son successeur à Bercy, Emmanuel Macron avait repoussé les offensives du chinois PCCW sur cette même proie.

Ne nous leurrons pas, cette attitude n'est pas l'apanage de la France. Tous ses rivaux défendent avec ardeur leurs intérêts économiques quand ils sont stratégiques. Lorsqu'en 2014 le gouvernement a publié des décrets pour protéger les secteurs stratégiques, il n'a fait que combler un retard de la France par rapport à bien de ses concurrents, Allemagne et États-Unis en tête. Le seul problème, c'est que cette volonté de protéger STX France intervient alors même qu'Emmanuel Macron tente de donner une autre image de la France auprès des investisseurs internationaux. "La France is back", martèle le président de la République dès qu'il en a l'occasion auprès de ses interlocuteurs étrangers. Back to the past ? Peut-être.