Budget 2019 : la complexe équation du gouvernement pour la rentrée

Par latribune.fr  |   |  1602  mots
(Crédits : Rafael Marchante)
Emmanuel Macron organise à l’Élysée demain mercredi 22 août une réunion d'arbitrages budgétaires. L'exercice s'annonce d'emblée acrobatique pour un gouvernement qui s'est fixé un ambitieux plan de réduction des dépenses comme du déficit public mais qui doit désormais faire avec une croissance 2017 qui s'annonce moins forte que prévu. Un conseil des ministres est prévu. La rentrée sociale et législative sera dense avec l'annonce attendue d'une dizaine de projets (pauvreté, hôpitaux, Constitution, loi Pacte, etc.).

Un mois après la tempête Benalla qui a écorné son image, Emmanuel Macron fait sa rentrée. De retour de vacances ce mardi, le chef de l'Etat va d'emblée entrer dans le dur en s'attaquant au budget 2019. Dès ce mercredi, dans la foulée d'un conseil des ministres de rentrée, il réunit le Premier ministre Edouard Philippe et les ministres de l'Economie Bruno Le Maire, des Comptes Publics Gérald Darmanin, du Travail Muriel Pénicaud et de la Santé Agnès Buzyn pour trancher les derniers arbitrages du budget 2019 qui sera présenté fin septembre. Aucune prise de parole n'est prévue à l'issue de cette réunion, a-t-on précisé.

La croissance s'annonce moins forte

L'équation s'annonce complexe. Le gouvernement devra en effet trouver les moyens de comprimer les déficits publics à 2,3% du PIB comme il s'y est engagé tout en finançant des mesures coûteuses, comme la suppression partielle de la taxe d'habitation ou la transformation du CICE (crédit d'impôt compétitivité emploi) en allègement de charges pérenne, le tout avec une croissance qui s'annonce inférieure aux prévisions, puisqu'elle devrait se situer à 1,8% au lieu de 1,9% comme prévu initialement. Or, moins de croissance signifie moins de recettes fiscales, rendant plus difficile l'effort à fournir pour redresser les comptes publics.Indépendamment de l'effet de la croissance, le gouvernement tiendra ses objectifs des comptes publics par la baisse des dépenses publiques.

Selon l'Elysée, le budget 2019 s'inscrira "dans la continuité du budget précédent avec la volonté d'éviter des coups de rabot avec des économies uniformes pour tous les ministères.Au contraire, le budget comportera des "hausses franches" de crédits pour certains ministères (éducation et formation, développement durable, sécurité, justice, défense) et des « baisses nettes » pour d'autres, dit-on dans l'entourage du chef de l'Etat.

Les ministères du Travail et de la Cohésion des territoires seront touchés

Le gouvernement est resté jusqu'à présent très discret sur les mesures d'économies envisagées, notamment en matière de suppressions d'emplois dans la fonction publique, pour tenir son engagement auprès de Bruxelles de continuer la baisse du déficit public. Début août, Gérald Darmanin a assuré que l'objectif de déficit de 2,3% du PIB serait tenu malgré le ralentissement de la croissance.

Comme en 2018, les ministères les plus touchés par les réductions budgétaires devraient être le ministère du Travail, en raison d'une nouvelle baisse des emplois aidés et celui de la Cohésion des territoires, avec une nouvelle réduction des aides au logement. Ceci confirme les éléments contenus dans le document de travail remis en juillet aux parlementaires à l'occasion du débat d'orientation budgétaire.

Rentrée sociale et législative dense

Outre le travail sur le budget, le gouvernement se prépare à une rentrée sociale et législative dense, avec la présentation attendue du plan pauvreté, de la réforme des hôpitaux, de la loi Pacte et la poursuite de l'examen de la révision constitutionnelle. Une dizaine de dossiers attendent les membres du gouvernement et les parlementaires.

> Plan pauvreté

Initialement prévue pour début juillet, la présentation de la stratégie gouvernementale de lutte contre la pauvreté a été repoussée à "la rentrée" pour une mise en oeuvre "au 1er janvier 2019". Devant le Congrès le 9 juillet, le chef de l'Etat a assuré que le plan pauvreté "ne se contentera pas de proposer une politique de redistribution classique mais une politique d'investissement et d'accompagnement social, non pas de nouvelles aides en solde de tout compte mais un accompagnement réel vers l'activité, le travail, l'effectivité des droits fondamentaux, la santé, le logement, l'éducation".

> Réforme de l'hôpital

Très attendue par un secteur à bout de souffle, la réforme de l'hôpital, qui devait être initialement dévoilée "d'ici l'été", sera présentée "au tout début du mois de septembre".

"Cela prend du temps, ce n'était pas une réforme qui avait été programmée", a expliqué en juillet la ministre de la Santé Agnès Buzyn pour justifier ce report. "Ce n'est pas une réforme de l'hôpital, il s'agit d'une réforme beaucoup plus large et plus complexe (...) qui vise le long terme, par une transformation en profondeur de notre système."

Emmanuel Macron a assuré en avril qu'il n'y aurait "pas d'économies sur l'hôpital dans ce quinquennat" et a réaffirmé sa promesse de campagne de réduire la part de la tarification à l'activité (T2A) dont les dérives entraînent une inflation du nombre d'actes dans les établissements hospitaliers.

> Projet de loi alimentation et agriculture

Issu des Etats généraux de l'alimentation organisés en 2017, ce texte, dit "Egalim", doit notamment permettre de rééquilibrer les relations commerciales entre agriculteurs, transformateurs et distributeurs, et de mettre fin à une guerre de prix mortifère pour l'ensemble des acteurs de la filière. Pour y parvenir, le gouvernement propose l'inversion de la construction des prix en partant du coût de revient de l'agriculteur, le relèvement limité et sous conditions du seuil de revente à perte et un encadrement des promotions.

Le bien-être animal, l'introduction de produits "bio" dans la restauration collective et la régulation de l'utilisation de pesticides et de produits phytopharmaceutiques sont aussi au menu de ce texte.

Si ces objectifs font globalement consensus, l'examen de ce texte a donné lieu à d'âpres débats et s'est soldé le 10 juillet dernier, en commission mixte paritaire (CMP), par un échec. Faute d'accord, les débats reprendront donc le 12 septembre à l'Assemblée avant une nouvelle lecture prévue le 25 septembre au Sénat.

> Projet de loi logement, dit Elan

Présenté début avril, ce projet de loi "d'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique" doit permettre de réformer le secteur HLM et faciliter la construction en France, via notamment des fusions entre bailleurs HLM, un réexamen de la situation des locataires du parc social tous les six ans, une simplification des démarches de location et de construction. Des mesures de lutte contre les abus des locations temporaires et d'expérimentation du plafonnement des loyers sont aussi prévues.

Voté mi-juin par l'Assemblée, le texte a été adopté en première lecture par le Sénat fin juillet et doit faire l'objet en septembre d'une commission mixte paritaire pour tenter de parvenir à un accord des deux chambres sur une version commune.

> Réforme des institutions

Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, cette réforme majeure a été la victime collatérale de l'affaire Benalla, qui a poussé le 23 juillet le gouvernement à suspendre jusqu'à la rentrée l'examen du volet constitutionnel.

Le volet constitutionnel, qui nécessite une majorité des trois cinquièmes au Parlement réuni en Congrès à Versailles, prévoit entre autres la suppression de la Cour de justice de la République, une réforme du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil économique, social et environnemental (Cese). La suppression du mot "race" de la Loi fondamentale, l'ajout d'une référence à la protection de l'environnement et la reconnaissance de la spécificité de la Corse sont prévus.

Deux autres textes - une loi ordinaire et une loi organique qui doivent acter la réduction d'un tiers du nombre de parlementaires et l'introduction d'une dose de proportionnelle aux élections législatives - sont aussi sur la table.

> La loi Pacte

Le plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) est destiné à favoriser la croissance des entreprises, tout en associant davantage les salariés à leurs résultats. Le texte, qui a été présenté en conseil des ministres le 18 juin, devrait être discuté au Parlement à partir de septembre. Cette loi inclut la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP) et de la Française des Jeux. Bruno Le Maire a toutefois laissé entendre que cet examen pourrait être décalé en raison des perturbations du calendrier parlementaire consécutives à l'affaire Benalla.

> PLF/PLFSS

Après la sortie de la procédure de déficit excessif, l'exécutif va devoir donner des gages sur la manière dont il compte tenir ses objectifs de rétablissement des comptes publics.

Resté discret jusqu'ici sur les mesures d'économies envisagées, notamment sur les suppressions d'emplois dans la fonction publique, le gouvernement devrait préciser ses intentions dans les projets de budgets de l'Etat et de la sécurité sociale, qui doivent être présentés fin septembre.

> Assurance-chômage

Des rencontres bilatérales sont prévues en septembre entre les partenaires sociaux et l'exécutif afin d'établir un diagnostic sur lequel se basera la feuille de route de la négociation sur l'assurance-chômage censée aboutir en janvier 2019.

> Projet de loi d'orientation des mobilités (LOM)

Attendu de longue date par les acteurs du secteur des transports, ce texte, qui était initialement annoncé pour le printemps, est désormais attendu pour la rentrée avec une présentation en conseil des ministres. Le plan vélo devrait notamment être dévoilé à cette occasion. Le projet de loi devrait reprendre une partie des mesures présentées le 19 juillet, dont la mise en place de voies réservées au covoiturage, un soutien à l'achat de véhicules propres et un déploiement des bornes de recharge pour voitures électriques.