Colère des agriculteurs : à rebours de la FNSEA, la Confédération paysanne joue la carte anti-libérale

Par latribune.fr  |   |  762  mots
L'une des revendications premières de la Confédération paysanne : l’interdiction d'achat des produits agricoles en-dessous de leur prix de revient (coût de production + rémunération). (Crédits : Reuters)
Les membres de la Confédération paysanne partagent « les constats » de l'ensemble des agriculteurs français mobilisés depuis près de deux semaines en France. Ils préconisent en revanche des « solutions différentes » : pas moins de normes environnementales, mais plutôt de « sortir l'agriculture des lois du marché ».

Avec plus de 100 points de blocage et 10.000 manifestants selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, la mobilisation du monde agricole se poursuit ce mercredi 31 janvier en France.

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 Parmi les acteurs exprimant leur colère se trouve la Confédération paysanne. Le 3e plus gros syndicat agricole du pays, classé à gauche, a appelé ce mardi à « bloquer les centrales d'achat » de la grande distribution. Ce mercredi, elle a notamment indiqué avoir installé un barrage filtrant devant l'une d'elle de l'enseigne Carrefour dans la banlieue toulousaine, et bloqué la plateforme logistique de produits frais de Leclerc à Cabannes (Bouches-du-Rhône) qui dessert normalement quelque 70 magasins.

Ses responsables, ainsi que ceux de la Coordination rurale (2e syndicat agricole), ont été reçus par Gabriel Attal à Paris ce mercredi, selon une source proche de l'exécutif. Aucune déclaration suite à cette rencontre n'a été faite pour le moment.

Les centrales d'achat dans le viseur...

Parmi les demandes de la Confédération paysanne : l'interdiction d'achat des produits agricoles en-dessous de leur prix de revient (coût de production + rémunération).

« On veut que la grande distribution et les industriels partagent au mieux leurs marges et qu'elles payent les agriculteurs au prix juste », a déclaré à l'AFP Laurent Thérond, porte-parole de la Confédération paysanne du Vaucluse.

Pour cela, le syndicat préconise que les lois Egalim visant à protéger leur revenu soient non seulement plus contrôlées mais aussi renforcées. Pour sa secrétaire générale Véronique Marchesseau, il faut un « arbitrage public » dans les négociations pour s'assurer que les agriculteurs ne vendent pas sous ce prix.

Sur ce sujet, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a assuré qu'il allait « lancer des contrôles » sur les centrales d'achats européennes auxquelles ont recours les enseignes de supermarchés, dont les agriculteurs jugent qu'elles permettent à la grande distribution de s'affranchir des lois Egalim.

... mais aussi la PAC et les accords de libre-échanges

Là n'est pas la seule revendication de la Confédération paysanne. La question de la taille des exploitations est une de ses grandes préoccupations : elle demande de longue date une réforme des subventions de la Politique agricole commune (PAC).

« La PAC devrait servir à soutenir l'emploi sur les fermes et à financer la transition écologique, mais au lieu de ça, elle paie les surfaces », déplore Pierre-Luc Laemmel, porte-parole en Alsace de la confédération, qui dénonce également les accords de libre-échange signés par l'Union européenne.

Le syndicat exige que la France s'implique fortement pour arrêter les négociations sur le Mercosur. « Ce sont des politiques qui vident nos campagnes, qui obligent ceux qui restent à être toujours plus compétitifs, à bouffer le voisin », estime ce maraîcher de 37 ans, qui produit aussi de la volaille. Le gouvernement ne cesse depuis le début de la semaine de justement clamer haut et fort qu'il refuse de conclure un tel accord avec des puissances agricoles comme le Brésil ou l'Argentine. Ce mercredi, c'est le ministre de l'Économie Bruno Le Maire qui a promis un « bras de fer » avec l'Union européenne pour que cet accord « tel qu'il est aujourd'hui ne soit pas signé ».

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Paris et Bruxelles dégainent des annonces

Soucieux de multiplier les annonces de mesures à l'égard du monde agricole, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a annoncé que le « fonds d'urgence » destiné aux viticulteurs en difficulté serait finalement abondé à hauteur de 80 millions d'euros, soit 60 millions de plus que ce qui était jusque-là sur la table.

Il est attendu ce mercredi après-midi à Bruxelles, avant Emmanuel Macron jeudi, pour défendre plusieurs revendications des agriculteurs : l'exemption de l'obligation de laisser des terres en jachères mais aussi la concurrence des produits ukrainiens exemptés de droits de douane, l'accord commercial avec les pays latino-américains du Mercosur.

La Commission européenne n'a d'ailleurs pas attendu son arrivée pour faire des annonces sur ce sujet. Elle a fait savoir ce mercredi qu'elle allait accorder pour 2024 une dérogation « partielle » aux obligations de jachères imposées par la Politique agricole commune. Et assuré qu'elle introduirait un « frein d'urgence » pour éviter que l'exemption de droits de douane dont bénéficient les produits agricoles ukrainiens entrant dans l'UE depuis la guerre avec la Russie ne perturbe le marché européen.

(Avec AFP)