[Article publié le mardi 30 janvier 2024 à 08H17 et mis à jour à 15H20] Face à l'ampleur de la colère des agriculteurs qui manifestent dans plusieurs pays de la zone euro, la réponse doit se faire à l'échelle européenne. Le président français a d'ailleurs profité d'une visite d'Etat en Suède pour porter un message auprès des 27.
Si Emmanuel Macron a estimé ce mardi que ce serait de la « facilité de tout mettre sur le dos de l'Europe » pour expliquer les difficultés des agriculteurs français, il a par ailleurs expliqué s'opposer à l'accord commercial en négociations entre l'Union européenne et les pays du Mercosur en raison de « règles qui ne sont pas homogènes avec les nôtres », et a demandé des « mesures claires » pour les importations de poulets et de céréales d'Ukraine.
Peu avant, ce mardi, Bruxelles avait déjà annoncé que « à l'heure actuelle, l'analyse de la Commission est que les conditions pour conclure des négociations avec le Mercosur ne sont pas réunies », a fait savoir son porte-parole, Eric Mamer.
Mais « les discussions continuent et l'Union européenne continue à poursuivre son objectif d'atteindre un accord qui respecte les objectifs de l'UE en matière de durabilité et qui respecte nos sensibilités, notamment dans le domaine agricole », a-t-il néanmoins précisé.
Pour rappel, l'accord concerne l'Union européenne et le Mercosur, c'est-à-dire le Marché Commun de l'Amérique du Sud. Ce dernier rassemble l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay au sein d'une zone de libre-échange institutionnalisée. Dans le détail, l'accord avec le Vieux continent prévoit de favoriser certaines exportations européennes et certaines importations sud-américaines.
Les négociations entre l'UE et le Mercosur pour la conclusion d'un accord commercial ont débuté... il y a près d'un quart de siècle, en 2000 ! Un accord politique avait été conclu en 2019, mais l'opposition de plusieurs pays, dont la France, en a bloqué l'adoption définitive.
« Impossible de conclure dans ces conditions »
Les propos de la Commission ce mardi détonnent avec ceux de l'Elysée. Et pour cause, elle avait assuré, en amont, que l'exécutif européen aurait décidé « de mettre fin aux négociations en cours au Brésil sur le Mercosur, un projet de traité de libre-échange avec l'Amérique du Sud ».
Et pour cause, les conditions dans lesquelles sont importées des denrées alimentaires produites à l'étranger sont au cœur des revendications des agriculteurs français. Ainsi, en déplacement à Montastruc-du-Salies (Haute-Garonne), vendredi 26 janvier, pour tenter de répondre à la colère des agriculteurs, le Premier ministre Gabriel Attal avait prévenu que la France s'opposait à la signature du traité avec le Mercosur.
« Emmanuel Macron a réitéré auprès de la Commission avec la plus grande fermeté le fait qu'il était impossible de conclure dans ces conditions », a fait savoir l'Elysée.
De nouvelles annonces attendues ce mardi
En attendant, les agriculteurs français continuent leurs actions. Un cortège en route pour investir le marché de Rungis (MIN) a ainsi été freiné dans sa progression par les forces de l'ordre, ce mardi. Ces convois s'ajoutent aux blocages d'axes stratégiques autour de Paris. Les agriculteurs déterminés à montrer qu'ils peuvent tenir plusieurs jours si les « nouvelles mesures » dévoilées dans la journée par le gouvernement déçoivent encore.
Selon une source policière, les blocages autour de Paris ont impliqué lundi un millier d'agriculteurs et « un peu plus de 500 engins ». « L'objectif de tenir jusqu'à vendredi est manifeste », selon cette source.
Dans l'optique d'esquisser une sortie de crise, Gabriel Attal a reçu une nouvelle fois lundi soir Arnaud Rousseau, et son homologue du syndicat allié Jeunes agriculteurs (JA) Arnaud Gaillot. La réunion a duré 3h30. Les participants ne se sont pas exprimés à l'issue. Non convié, le syndicat minoritaire Confédération paysanne, de gauche, appelle les autres organisations à porter avec lui principalement « deux mesures » : « l'arrêt des accords de libre-échange et la suspension immédiate de toutes les négociations » et « l'interdiction formelle de l'achat des produits agricoles en dessous de leur prix de revient ».
(Avec AFP)