Colère des agriculteurs : Darmanin convoque une réunion de crise pour éviter tout blocage à Paris

Par latribune.fr  |   |  1041  mots
(Crédits : SARAH MEYSSONNIER)
Le chef du gouvernement Gabriel Attal envisage des mesures supplémentaires pour protéger les agriculteurs français contre la concurrence déloyale d'autres pays qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes règlementaires. De son côté, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin prépare un « dispositif défensif important » afin d'éviter un siège de la capitale, une menace brandie par certains syndicats d'agriculteurs.

Article mis à jour à 16h47 avec les réactions du ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et du président de la FNSEA Arnaud Rousseau

En visite ce dimanche sur une exploitation agricole de Parçay-Meslay, en Indre-et-Loire, le Premier ministre Gabriel Attal a déclaré qu'il envisageait des mesures « supplémentaires », aux niveaux national et européen, pour protéger les agriculteurs contre la concurrence déloyale d'autres pays qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes règlementaires.

« Je veux qu'on clarifie les choses et qu'on voie les mesures que l'on peut prendre, supplémentaires, sur ces histoires de concurrence déloyale », a-t-il déclaré alors que la colère des agriculteurs ne semble pas dégonfler malgré les annonces faites vendredi soir, comme l'annulation de la hausse du gazole non-routier (GNR) et un « choc de simplification » administrative.

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« Ce n'est pas normal que vous soyez empêchés d'utiliser certains produits », alors que « des pays voisins, Italie ou autres » peuvent y avoir recours, a dit le chef du gouvernement, cherchant à répondre à l'une des revendications des agriculteurs.

« Avancer sur les jachères »

Engagé dans une discussion à bâtons rompus avec plusieurs agriculteurs, Gabriel Attal n'a pas donné plus de précisions sur les mesures qui pourraient être prises. Ces contraintes règlementaires environnementales touchent principalement à des produits phytosanitaires que les agriculteurs français ne peuvent plus utiliser.

« Développer notre agriculture, ça veut dire produire et retrouver notre souveraineté alimentaire. Il faut arrêter d'importer des produits qu'on pourrait faire chez nous », a assuré Gabriel Attal.

Il a ajouté que des progrès étaient possibles sur d'autres sujets de mécontentement des agriculteurs. « Je suis convaincu que dans les prochains jours, dans les prochaines semaines, on va montrer qu'on est capable d'avancer encore sur les jachères. Evidemment qu'il faut bouger là-dessus », a-t-il dit.

Les agriculteurs français contestent le Pacte vert européen qui prévoit une « trajectoire de décroissance de l'ordre de 15% » de la production agricole, ainsi que le refus de Bruxelles de prolonger en 2024 la dérogation permettant de mettre en culture les terres en jachère (environ 4% des terres arables). Gabriel Attal a par ailleurs évoqué la publication prochaine d'un rapport sur la retraite des agriculteurs.

Au cours de son échange, le Premier ministre a été mis en garde par la présidente de la FDSEA d'Indre-et-Loire, Frédérique Alexandre.

« Quelle agriculture française vous voulez ? Moi je ne comprends pas. A force de pas comprendre on en est là, on est dans le dur ", lui a-t-elle lancé. « Sachez que si vous n'étiez pas venu, le département, je pense, aurait été à feu et à sang ce matin », a-t-elle ajouté.

« Siège de la capitale »

Certains syndicats d'agriculteurs, non satisfaits des premières mesures dévoilées vendredi, promettent un « siège de la capitale » à partir de lundi.

« Dès lundi 29 janvier à 14h les agriculteurs des départements de l'Aisne, l'Aube, l'Eure, l'Eure & Loir, l'Île-de-France, la Marne, le Nord, l'Oise, le Pas-de-Calais, la Seine & Marne, la Seine-Maritime et la Somme, membres du réseau FNSEA et Jeunes Agriculteurs du Grand Bassin Parisien entament un siège de la capitale pour une durée indéterminée », ont écrit dans un communiqué les agriculteurs de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs (JA) du bassin parisien, précisant que « tous les axes lourds menant à la capitale seront occupés par les agriculteurs ».

« Nous voulons assécher Paris », a même précisé sur France Info, un cadre des Jeunes agriculteurs. Désormais en pointe de la contestation agricole, la Coordination rurale du Lot-et-Garonne, a, quant à elle, annoncé que ses troupes prendront la route lundi pour aller bloquer le marché de Rungis près de Paris.

Bloquer Paris ne servira pas les « intérêts des agriculteurs », a rétorqué dimanche le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.

« C'est un acte qui, à la fin, vient pénaliser principalement les Parisiens. Bloquer l'ensemble de l'Ile-de-France, je suis pas sûr que ça va rendre service aux intérêts des agriculteurs », a-t-il dit à l'antenne de BFMTV.

Gérald Darmanin organisera une réunion de crise à 18h

Pour éviter un siège de la capitale, Gérald Darmanin a demandé aux responsables des forces de l'ordre de mettre en place « un dispositif défensif important afin d'empêcher tout blocage » par les agriculteurs du marché de Rungis, des aéroports franciliens et « d'interdire toute entrée dans Paris ». Le ministre de l'Intérieur a ainsi réuni place Beauvau les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie, Frédéric Veaux et Christian Rodriguez, ainsi que le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a-t-on précisé dans l'entourage de M. Darmanin.

Dans le prolongement de cet échange, le ministre tiendra à 18h00 une réunion interministérielle de crise à laquelle participera le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau. Dès le début de soirée, des forces de l'ordre seront déployées aux abords de Rungis.

Par ailleurs, le ministre a renouvelé sa demande de « modération » de la part des forces de l'ordre à l'encontre des agriculteurs. « La posture reste la même : les forces de l'ordre doivent agir avec grande modération », a-t-on expliqué place Beauvau. Les forces de l'ordre, a-t-on ajouté, « n'interviennent qu'en dernier recours et dans le seul cas où l'intégrité des personnes serait menacée ou les bâtiments/biens publics ou privés exposés à de graves dégradations » (par exemple des actions visant des camions étrangers).

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Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a, quant à lui, appelé ce dimanche, depuis un barrage installé sur l'A16 près de Beauvais (Oise), les agriculteurs au « calme et à la détermination » avant une « semaine de tous les dangers », prévenant que leur mobilisation restait « totale ». Il a aussi exhorté le gouvernement à « aller beaucoup plus loin » pour satisfaire les demandes de la profession.

(Avec AFP)