Croissance, déficit... l'optimisme intact de Michel Sapin

Par Fabien Piliu  |   |  1073  mots
La croissance " sera quelque part entre 1,3% et 1,5% ", a précisé le ministre de l'Economie et des Finances jeudi sur l'antenne de France Info.
Le ministre de l'Economie et des Finances a admis que l'objectif de croissance pourrait ne pas être tenu cette année. Néanmoins, le déficit public devrait selon lui baisser comme prévu.

Michel Sapin a dû s'y résoudre : l'économie française ne devrait pas être aussi dynamique que prévu cette année. En raison d'un deuxième trimestre jugé " décevant " et de la faible reprise observée au troisième trimestre, période au cours de laquelle l'activité a augmenté de 0,2%, la croissance "sera quelque part entre 1,3% et 1,5%", a précisé le ministre de l'Economie et des Finances jeudi sur l'antenne de France Info. "Il y a eu une croissance très, très importante au premier trimestre. Personne ne l'a remarqué, mais elle a été de 0,7%. C'est considérable", a déclaré le ministre, omettant de rappeler que cette performance avait été revue à la baisse par l'Insee au printemps. Le PIB a en fait progressé de 0,6% entre janvier et mars.

Jusqu'à aujourd'hui, Michel Sapin était catégorique : l'Insee et le FMI, qui depuis cet été visent une hausse de 1,3% du PIB tricolore cette année, se trompaient.

Si le PIB progresse à ce rythme, ce serait la première fois que l'activité n'augmente pas d'une année sur l'autre pendant le quinquennat. Il a progressé de 0,2% en 2012, de 0,6% en 2013, de 0,7% en 2014 et de 1,3% l'année dernière. "La croissance en France a repris", estime néanmoins Michel Sapin.

"La croissance en France a repris"

Toutefois, il faudrait que ces vents contraires soufflent bien plus forts pour que l'optimisme du ministre soit véritablement écorné. Avec ce niveau de croissance, "le chômage continuera à diminuer et l'équilibre budgétaire de la France sera exactement conforme à ce que nous avons prévu. Ce qui veut dire que le déficit en France ne cesse pas de diminuer, année après année, depuis 2012", a poursuivi le ministre.

Selon la loi de finances 2016, le déficit public devrait s'élever à 3,3% du PIB cette année.

Un secteur de la construction dynamique

Sur quels éléments repose la confiance de Michel Sapin ? Dans l'entourage du ministre, on attend encore une accélération de l'activité au quatrième trimestre, en particulier dans le secteur de la construction. Si les enquêtes de confiance ne témoignent pas d'un optimisme extraordinaire dans ce secteur, les statistiques sont assez enthousiasmantes. Au troisième trimestre, la production du secteur a fait un bond de 1% quand l'activité globale ne progressait que de 0,2%.

Dans ce secteur, l'investissement a augmenté de 0,9% sur la période. Entre juillet et septembre, les mises en chantier de logements neufs affichaient une hausse de 7% sur un an à 82.400 unités selon le ministère du Logement. Fin septembre et sur douze mois, elles ont accéléré de 8,1% pour atteindre 367.000 unités contre 363.500 unités un mois plus tôt. Sur cette même période, 432.300 permis de construire ont été accordés, un chiffre en hausse de 3,5%.

Une correction possible ?

A Bercy, on espère également, voire on mise, sur une correction a posteriori de l'activité de la part de l'Insee. En 2014, la hausse du PIB fut pendant un temps estimée à + 0,2% ! Elle a été, on l'a vu, plus forte de 0,5 point de PIB. Les écarts d'appréciation statistiques peuvent donc être parfois importants, l'Insee procédant à de nouveaux calculs en continu. En 2014, ce relèvement de la croissance s'expliquait principalement par "une contribution comptable plus importante" qu'anticipé des variations des stocks", comme le précisait l'Institut dans un communiqué.

La prévision est un art difficile. Ce n'est pas la première fois qu'un ministre de l'Economie et des Finances ou que l'Insee se trompe. C'est même monnaie courante. Par volontarisme le plus souvent, rarement à cause d'une prudence excessive, les chefs de Bercy sont fréquemment obligés de réviser leurs prévisions initiales.

Prudent ou imprudent ?

Dans le cas présent, le problème réside dans le fait que la prévision de Michel Sapin était considérée comme très prudente. Après avoir critiqué l'indéfectible optimisme du ministre - qui lorsqu'il était ministre du Travail et du Dialogue social promettait l'inversion de la courbe du chômage fin 2013 - les experts lui reprochaient en 2015 sa prudence excessive. Selon eux, l'économie française devait progresser à un rythme largement supérieur à 1,5% cette année compte tenu de l'environnement macroéconomique favorable, porté par la faiblesse des cours des matières premières et du repli de l'euro face au dollar.

L'objectif de 2017 est-il menacé ?

Ce n'est pas le seul problème. Si la croissance est plus faible que prévue cette année, l'objectif de croissance 2017 pourrait également s'avérer plus compliqué à tenir. Pour l'instant, le projet de loi de Finances 2017 vise une augmentation de 1,5% du PIB l'année prochaine.

Peu d'économistes valident cette hypothèse. C'est notamment le cas des experts du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), autorité chargée d'évaluer le réalisme des prévisions du gouvernement. Lors de la présentation du PLF 2017 fin septembre, il a jugé "optimiste" la prévision de croissance du gouvernement compte tenu des multiples incertitudes qui pèsent sur la conjoncture économique, notamment le Brexit et l'issue de l'élection présidentielle en France et, dans une moindre mesure, aux Etats-Unis. Selon le HCFP, "le scénario de croissance retenu par le gouvernement (...) tend à s'écarter du principe de prudence qui permet d'assurer au mieux le respect des objectifs et des engagements pris en matière de finances publiques". Résultat, l'objectif de réduction du déficit public émis par le gouvernement est considéré comme "improbable".

La France rassure Standard and Poor's

Seule bonne nouvelle pour Michel Sapin, la France retrouve progressivement les faveurs des agences de notation. Le 21 octobre, Standard and Poor's (S&P) a confirmé la note AA et relevé la perspective de la France, en dépit d'un niveau de dette record qui atteignait 98,4% du PIB à la fin du deuxième trimestre pour s'élever à 2.170,6 milliards d'euros.

En relevant sa perspective de "négative" à "stable", l'agence américaine indique donc que le risque que la note de la France soit dégradée à court terme est donc faible.

Dans un communiqué de presse, l'agence avait justifié sa décision en évoquant la mise en œuvre progressive de réformes visant à soutenir la croissance - la politique de l'offre entamée en 2014 - et à redresser les finances publiques, en dépit de la persistance de "risques budgétaires" et des menaces qui pèsent sur la croissance...