De Hulot à de Rugy, quels changements pour le ministère de l'Écologie ?

Par latribune.fr  |   |  2122  mots
(Crédits : Stephane Mahe)
Le président de l'Assemblée nationale François de Rugy a été nommé mardi ministre de la Transition écologique et solidaire en remplacement de Nicolas Hulot, qui a démissionné la semaine dernière. Seul écologiste de poids de la majorité, beaucoup d'observateurs se posent la question de la compatibilité de l'écologie avec le macronisme. Portrait d'un marcroniste de la dernière heure.

>> Article en ligne le 4/09/2018 à 15h35 | Mise à jour à 17h53

Le président de l'Assemblée nationale François de Rugy a pris mardi la succession de Nicolas Hulot, avec pour mantra de "l'action, encore de l'action et toujours de l'action". À 44 ans, de Rugy obtient pour la première fois un portefeuille ministériel. Un choix logique pour Pascal Durand, proche de Hulot :

"François de Rugy a donné des gages" à la majorité et "a de vraies convictions écolos", affirme l'ancien secrétaire national d'EELV à l'AFP.

Un parlementaire de la majorité se montre plus sévère :

"Rugy, c'est le recroquevillement de la politique écologique, une énorme erreur, mais en même temps un signal très clair", cingle-t-il.

Interrogé la semaine dernière sur RTL, de Rugy avait affirmé n'être "candidat à rien". Mais il avait aussi écrit sur Facebook qu'en matière d'écologie, "on ne peut plus se dérober devant la nécessité de l'action".

Chantre depuis toujours d'une écologie "réformiste", François de Rugy avait rompu en août 2015 avec EELV, en critiquant la "dérive gauchiste" de ses camarades et leur choix de ne pas participer au gouvernement de Manuels Valls.

Arrivé tardivement au macronisme

Ancien adjoint du maire de Nantes Jean-Marc Ayrault, ce n'est pas un macroniste de la première heure, ni un membre du premier cercle du président. Candidat à la primaire organisée par le PS et ses alliés pour la présidentielle, il avait annoncé dans la foulée son ralliement à Emmanuel Macron, en dépit de son engagement à soutenir le vainqueur Benoît Hamon. Devenu vice-président de l'Assemblée après le départ de Denis Baupin en mai 2016, il a été élu au perchoir au début de la mandature.

Au Palais Bourbon, il n'a pas fait l'unanimité, s'attirant la vindicte des Insoumis et des critiques au sein même de la majorité, en raison notamment de ses attaques contre les "multirécidivistes de l'absence". "Ça bosse ici", lui avait rétorqué en février le président du groupe LREM Richard Ferrand, dont le nom est cité pour lui succéder au perchoir.

"Oui, il est contesté", affirmait en juin un député LREM, soulignant l'incapacité du député de Loire-Atlantique à avoir un "discours fédérateur". Autre reproche : on a "rapidement compris qu'il ne tiendrait pas sa promesse de remettre en jeu la présidence au bout de deux ans et demi, alors qu'il a été élu sur cet engagement", une critique qui s'éteint avec sa nomination au gouvernement.

"Mettre de l'ordre dans l'ordre du jour"

Opposé à la limitation du droit d'amendement parlementaire, François de Rugy a aussi appelé en juin le gouvernement à "mettre de l'ordre dans l'ordre du jour". Mais l'opposition ne lui en a pas particulièrement su gré, le député PCF Sébastien Jumel y voyant les "coups de menton" et "fausses colères" d'un président ayant "dealé un affaiblissement du Parlement", via le projet de réforme institutionnelle. Pour lui, ces inimitiés découlent en partie de sa volonté de moderniser l'institution - il a lancé en ce sens un vaste chantier toujours en cours.

Issu de la noblesse, et "assez souvent" attaqué sur son nom (patronyme complet: François Goullet de Rugy), selon son entourage, il n'a pourtant ni "château", ni trésor" et des parents enseignants.

Ce diplômé de Sciences Po a d'abord été assistant parlementaire du groupe Radical citoyen et Vert de 1997 - date de son adhésion aux Verts, après un passage à Génération écologie - à 2002. À partir de 2001, il a été adjoint aux transports du maire de Nantes d'alors, Jean-Marc Ayrault. Il a été élu député en 2007 puis en 2012, avec le soutien du PS.

Les dossiers brûlants de l'après-Hulot

Du nucléaire à la réintroduction d'ours, voici quelques dossiers brûlants que François de Rugy va trouver sur son bureau.

  • Nucléaire

Le nucléaire sera au coeur de la feuille de route énergétique 2019-2023 et 2024-2028, attendue après l'été.

Alors que Nicolas Hulot avait annoncé en novembre que la France ne pourrait pas tenir l'objectif de ramener la part de l'atome de 75% à 50% de la production d'électricité à l'horizon 2025, nombre de questions restent en suspens, comme le nombre de réacteurs à fermer.

Le ministre démissionnaire avait promis un "échéancier" précis sur la fermeture de centrales. En jetant l'éponge, il a laissé entendre qu'il avait eu des difficultés à imposer ses vues.

Un rapport commandé par son ministère et celui de l'Économie recommande la construction de six nouveaux EPR à compter de 2025. Bruno Le Maire a préconisé jeudi d'attendre que l'EPR de Flamanville (Manche) soit achevé avant de décider d'en bâtir d'autres.

  • Energies renouvelables

L'objectif est de développer les énergies renouvelables, alors que les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse en France en 2017. Après le solaire et l'éolien terrestre, l'avenir des énergies marines notamment est sur la table.

Le résultat de l'appel d'offres du parc éolien marin de Dunkerque doit être annoncé en 2018, tandis qu'un appel d'offres pour l'île d'Oléron annoncé lors du précédent quinquennat, est attendu. Dans l'éolien flottant, les acteurs attendent un premier appel d'offres commercial.

La France, mise en demeure par la Commission européenne en 2015 d'ouvrir à la concurrence ses concessions hydroélectriques, aurait proposé à Bruxelles la mise en concurrence de certaines concessions dès cette année qui limiterait la place d'EDF.

  • Transports

Alors que les transports sont la première source d'émissions de gaz à effet de serre en France, le projet de loi d'orientation sur les mobilités doit être présenté à l'automne.

En cours de finalisation, le texte comprend des volets sur la programmation des infrastructures, l'évolution des compétences des diverses autorités locales, les mobilités propres (qualité de l'air, circulation en ville...). La partie "recettes" risque de faire grincer des dents, si l'État choisit d'instaurer une vignette poids lourds ou des péages sur des routes gratuites.

Le ministère des Transports, qui dépend de celui de la Transition écologique, doit présenter en septembre un "plan vélo" visant à multiplier par trois la part du vélo d'ici 2024, avec la construction de pistes cyclables, des incitations... Les associations demandent 200 millions d'euros par an, ce que Nicolas Hulot avait qualifié de "faisable".

  • Loi Alimentation

Fin en septembre de l'examen au Parlement de la loi Alimentation, pilotée par le ministère de l'Agriculture mais suivie de près par Nicolas Hulot. Certains voudront-ils reparler du taux de bio dans les cantines ? Ou du glyphosate, alors que les députés avaient rejeté un amendement, soutenu par Hulot, inscrivant la fin du pesticide d'ici trois ans ?

  • Constitution

Les députés ont donné en juillet leur feu vert à l'inscription de la "préservation de l'environnement" à l'article 1er de la Constitution. Mais l'examen de la révision constitutionnelle a été suspendu jusqu'à la rentrée.

  • Biodiversité

Après la présentation en juillet d'un plan biodiversité sans grandes mesures contraignantes, certains défenseurs de l'environnement craignent que cette question retombe dans l'oubli. Se pose la question de définir l'échéance de l'objectif de zéro artificialisation nette des sols ou la mise en oeuvre de la réforme de la chasse.

  • Ours

Nicolas Hulot avait annoncé au printemps la réintroduction à l'automne de deux nouveaux ours dans les Pyrénées. Le plan ours publié en mai évoque des lâchers, sans autre précision. Les éleveurs de brebis espèrent que le futur ministre renoncera à cette opération. L'Union européenne avait mis en demeure fin 2012 la France pour avoir manqué à ses obligations de protection de cette espèce.

  • Eau

La deuxième phase des Assises de l'eau se penchera sur la préservation de la ressource en eau. Un risque de querelle entre défenseurs de l'environnement et agriculteurs, en particulier sur l'irrigation.

  • Gaz

En juillet 2017, le Conseil d'État a jugé les tarifs réglementés contraires au droit européen, imposant à l'État de les supprimer. Le gouvernement envisage une fin à l'horizon 2023 pour tous les particuliers, mais doit préciser comment la mettre en oeuvre.

Passation entre Hulot et de Rugy (4 septembre 2018, Paris)

Ferrand favori pour le perchoir

Le chef de file des députés La République en Marche, Richard Ferrand, est favori pour succéder à François de Rugy à la présidence de l'Assemblée nationale, a-t-on appris mardi de sources parlementaires concordantes.

A l'instar des autres groupes, LREM doit désigner un candidat pour lui succéder en vue d'un vote dans l'hémicycle où le parti présidentiel est majoritaire. Les prétendants de la majorité ont jusqu'à mercredi soir pour se faire connaître, en vue d'un vote interne mardi lors des journées parlementaires LREM de Tours (Indre-et-Loire).

Le scrutin final impliquant tous les députés aura lieu le 12 septembre, date du début de la session extraordinaire de l'Assemblée. D'ici là c'est Carole Bureau-Bonnard, vice-présidente LaRem de l'Assemblée, qui assure l'intérim au "Perchoir".

Richard Ferrand n'a jamais caché son désir de briguer le poste de quatrième personnage de l'Etat, alors que les règles instaurées par l'actuel pouvoir prévoient une remise en jeu des postes à responsabilité de l'Assemblée à mi-mandat, fin 2019.

"Il a une forte légitimité en 'macronie', une solide connaissance de l'institution et de bonnes relations avec les présidents des groupes d'opposition", dit un proche.

Yaël Braun-Pivet, qui s'est fait remarquer à la tête de la commission des Lois à la faveur de "l'affaire Benalla", a dit à Reuters qu'elle se portait également candidate. Le député écologiste LaRem François-Michel Lambert a quant à lui émis sur LCI le souhait que Barbara Pompili, autre élue à la fibre "verte", brigue elle aussi la présidence.

Plusieurs députés se sont d'ores et déjà prononcés en faveur de Richard Ferrand. Tel Florian Bachelier, premier questeur de l'Assemblée, qui apporte dans un communiqué un "soutien sans réserve" à la "candidature naturelle" de l'élu breton.

Un avis partagé par Aurore Bergé, porte-parole du groupe. "Richard Ferrand est le candidat naturel de notre groupe pour la présidence de l'Assemblée, je souhaite qu'il puisse le devenir", a-t-elle déclaré à Reuters.

Député du Finistère, proche d'Emmanuel Macron, Richard Ferrand est brièvement entré au gouvernement en mai 2017 avant de se retirer en raison d'ennuis judiciaires concernant un bien immobilier acquis à Brest par sa compagne, puis loué aux Mutuelles de Bretagne, dont Richard Ferrand était alors le directeur général (1998-2012).

LFI réclame une femme

Richard Ferrand a bénéficié d'un classement sans suite en octobre 2017. Mais l'affaire a rebondi en janvier 2018 avec l'ouverture d'une information judiciaire pour prise illégale d'intérêts après une plainte avec constitution de partie civile de l'association Anticor. Le dossier a été délocalisé de Paris à Lille.

La menace d'une mise en examen pèse donc sur le candidat à la présidence de l'Assemblée, comme le fait sévèrement remarquer un élu LREM. "Je ne le vois pas comme candidat naturel : ce n'est ni le 'Nouveau monde', ni le dialogue, ni l'autorité, ni l'exemplarité", assène ce député sous couvert d'anonymat.

Pour La France insoumise, qui proposera Mathilde Panot pour la présidence, une candidature féminine serait bienvenue. "On pense que c'est au tour d'une femme de présider l'Assemblée et ce serait à LREM de le faire", dit une source au groupe.

Interrogé par Reuters, le député de La France Insoumise (LFI) Eric Coquerel juge pour sa part que le future présidence "ne saurait être pire que celle de Monsieur de Rugy qui a oublié qu'il présidait l'Assemblée et pas un groupe" et servait de "courroie de transmission de l'Elysée."

Premier groupe d'opposition, Les Républicains s'interrogent sur l'intérêt de présenter un candidat au "perchoir", comme en juin 2017, "vu l'intérêt relatif que cela présente". Quant à la candidature de Richard Ferrand, "elle est logique", juge une source au groupe dirigé par Christian Jacob.

Le jeu des chaises musicales a également commencé pour remplacer, le cas échéant, Richard Ferrand à la tête des troupes LREM. Les noms de Gilles Le Gendre, Aurore Bergé et Hugues Renson circulaient mardi.

(avec agences)