Emmanuel Macron chahuté mais écouté au Salon de l’Agriculture

Par latribune.fr  |   |  762  mots
(Crédits : POOL New)
[VIDEO] Pour sa longue visite samedi 24 février au Salon de l'Agriculture Porte de Versailles, le président de la République a été certes sifflé mais n'a pas mâché ses mots pour redire, deux jours après avoir reçu 1000 jeunes agriculteurs à l'Elysée, que le gouvernement veut aider l'agriculture française.

Emmanuel Macron s'est dit convaincu que l'agriculture française était une "terre de conquête" en se rendant samedi 24 février à l'ouverture publique du 55e salon du secteur, Porte de Versailles. Il a été accueilli par des sifflets, mais aussi des applaudissements, illustration des tensions actuelles au sein d'un monde paysan en pleine réorganisation.

Les incertitudes portent notamment sur l'avenir de la politique agricole commune (PAC) dont la France est l'un des principaux bénéficiaires, après le départ du Royaume-Uni en 2020. Vendredi à Bruxelles, les dirigeants européens ont fait le constat de leurs divisions sur le sujet. "On est là pour faire le point sur les professions, le financement, le modèle social, la recherche, préparer les prochaines échéances (notamment) le schéma de la PAC à venir, clarifier les choses, donner de la visibilité à ceux qui vont bénéficier des aides et clarifier les impacts sur les financements des uns et des autres", a déclaré le président, arrivé dès 7h45 au salon, lors d'une première réunion, à huis-clos, avec les acteurs institutionnels de l'agriculture.

Il doit aussi rencontrer dans la journée le Commissaire européen à l'Agriculture Phil Hogan, présent Porte de Versailles. "Je sais l'importance qu'a notre agriculture, je sais les attentes, les angoisses et la souffrance sur le terrain. Je suis convaincu qu'il y a un avenir certain pour notre agriculture, mais à inventer ensemble, il y a des décisions difficiles à prendre dans certains secteurs. L'agriculture française est aussi une terre de conquête, il y a beaucoup de choses à faire", a ajouté Emmanuel Macron.

Le président est ensuite allé à la rencontre des exposants, arrivant vers 9h30 dans le hall hébergeant la vache Aubrac "Haute", égérie du salon, et l'ensemble des animaux. Il a tout d'abord été accueilli par des agriculteurs déguisés, des bousculades et des applaudissements, ont constaté deux journalistes de l'AFP.

"Je suis heureux de passer la journée avec des passionnés" a-t-il affirmé lors de sa rencontre avec Thibault Dijols, l'éleveur de Haute, venu d'Aveyron. "Elle n'est pas farouche, c'est incroyable, on dirait presque qu'elle cherche la caresse", a-t-il commenté après avoir passé la main sur le museau de la vache.

Plus loin, il a toutefois été sifflé pendant plusieurs minutes par une dizaine de membres des Jeunes Agriculteurs (JA), qui ont brandi des T-shirts portant l'inscription "Attention agriculteurs en colère". Plus tôt, une quinzaine de militants pro-vegan avaient aussi manifesté très brièvement, avant d'être expulsés manu militari.

Alors que de nouveaux sifflets de Jeunes Agriculteurs ont retenti lors de son passage au stand Interbev (interprofession bétail et viande), le chef de l'Etat a bifurqué pour aller répondre à ses contempteurs, des céréaliers qui protestaient contre la fin du glyphosate et contre le projet d'accord de libre-échange UE-Mercosur. "Je vous engueule parce que j'aime pas qu'on me siffle derrière; mais après je viens vous voir et on s'explique", leur a-t-il dit calmement, promettant que "personne ne serait laissé sans solution".

Les éleveurs craignent notamment l'importation à taux réduit sur le continent de 70.000 tonnes de viande bovine sud-américaine par an, à droits de douane réduits si l'UE signe un accord commercial avec les quatre pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay).

Pour déminer le terrain, le président expliqué jeudi à 700 jeunes agriculteurs reçus à l'Elysée sa vision de l'agriculture de l'avenir: il veut la réorganiser en "filières" pour tenter de garantir sa rentabilité, tout en la sortant de sa dépendance aux fonds publics européens. Il a aussi laissé entrevoir le lancement d'un système de "préretraites agricoles avec une sortie progressive de l'activité", afin de permettre à un jeune de prendre la suite de ses parents.

Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, présent à la réunion du matin, a indiqué à l'AFP qu'il avait surtout fait passer le message selon lequel les "agriculteurs se sentaient abandonnés, qu'ils en avaient assez des discours et demandaient des actes". Les inquiétudes sont d'autant plus fortes que les paysans français peinent à vivre de leur travail en raison de la guerre des prix impulsée par la grande distribution. "Il y aura des contrôles, regardez moi bien dans les yeux, il y aura des contrôles et des résultats concrets", a promis M. Macron à un agriculteur déguisé en vache, qui se plaignait de "la grande distribution qui se moque" d'eux.

(avec l'AFP)