Emploi des seniors  : le bras de fer entre syndicats et patronat se prolonge, l'issue de la négociation repoussée

Par latribune.fr  |   |  1024  mots
Les syndicats veulent obtenir des contreparties pour les salariés au relèvement de l'âge de départ en retraite à 64 ans (Photo d'illustration). (Crédits : Isotck)
Les négociations entre syndicats et patronat pour aboutir à un accord sur l'emploi des seniors doivent se prolonger ce mardi, après une longue et laborieuse journée de discussions la veille. Le gouvernement attend l'issue des discussions pour lancer une nouvelle réforme de l'assurance chômage.

[Article publié le mardi 9 avril 2024 à 07h10 et mis à jour à 09h12] La fumée blanche se fait désirer. Les négociations entre syndicats et patronat pour aboutir à un accord sur l'emploi des seniors n'ont pas abouti lundi. Pour se donner une chance d'y parvenir, les partenaires sociaux ont convenu de se retrouver ce mardi à 10 heures, afin d'aborder l'ensemble de la dernière mouture du texte. Cette dernière reste très éloigné des revendications des syndicats. Les organisations veulent obtenir des contreparties pour les salariés au relèvement de l'âge de départ en retraite à 64 ans.

Le patronat est encore sur un « hors-sujet », a estimé mardi la numéro un de la CGT à quelques heures de la reprise des discussions, au micro de RTL.

« Le patronat n'a pas vraiment compris l'objet de cette négociation » et « nous propose dans son projet d'accord de multiples façons de mieux licencier les seniors, donc on est encore sur un hors-sujet », a déclaré sur RTL Sophie Binet.

Lire aussiEmploi des seniors: négociations de la dernière chance avant la nouvelle réforme de l'assurance chômage

Les organisations patronales ont rédigé lundi une nouvelle version de trois des cinq chapitres. Concernant les parcours professionnels, les entretiens tout au long de la carrière et les reconversions professionnelles, « on constate déjà des reculs pour les salariés », notamment sur « le rythme des entretiens professionnels », s'est inquiété la négociatrice de la CGT, Sandrine Mourey.

A l'issue d'une formation à un nouveau métier, le salarié pourrait voir son contrat de travail initial rompu, sans indemnités de départ. « Pour toutes les organisations syndicales, il faut qu'il y ait le maintien du contrat de travail », a ajouté la syndicaliste.

Le CDI seniors en suspens

Le projet d'accord crée notamment un « contrat de valorisation de l'expérience » pour faciliter l'embauche des chômeurs âgés. Initialement baptisé « CDI seniors », ce contrat peut être rompu par l'employeur dès que le salarié a atteint l'âge légal de départ en retraite et peut partir avec une pension de retraite à taux plein. Une autre ligne rouge pour les syndicats.

Une avancée : la négociation obligatoire sur l'emploi et les conditions de travail des seniors s'ouvrira tous les trois ans dans les entreprises à partir de 300 salariés, et tous les quatre ans dans les branches. La précédente version du projet d'accord faisait de l'emploi des seniors un thème de dialogue social.

Désormais, le sujet fera l'objet d'une négociation séparée. Mais « on n'a aucune spécification de la négociation et on n'a rien sur les entreprises de moins de 300 salariés », a regretté le négociateur de la CFDT, Yvan Ricordeau. Il a tout de même vu dans cet engagement une première ouverture de la partie patronale, même si selon lui « on n'a pas commencé à négocier » lundi.

Un texte retranscrit dans la loi

Si les partenaires sociaux parviennent à un accord, le gouvernement s'est engagé à transcrire dans la loi ce texte qui doit notamment augmenter le taux d'emploi des seniors. Le Compte épargne temps universel (Cetu), promu par la CFDT - mais rejeté par le Medef et la CPME -, est absent du texte patronal.

Lire aussiEmploi des seniors : le compte épargne temps universel (Cetu) écarté de la négociation de la dernière chance

Il pourrait toutefois faire l'objet d'une négociation séparée à l'initiative de l'Union des entreprises de proximité (U2P), la troisième organisation patronale qui représente artisans, professions libérales et commerçants. Pour l'U2P, le Cetu peut améliorer l'attractivité des très petites entreprises.

Après la négociation sur l'emploi des seniors, les syndicats signataires de la convention d'assurance chômage de novembre dernier (CFDT, FO et CFTC) et les trois organisations patronales doivent se retrouver mercredi à l'Unédic pour signer un avenant sur l'indemnisation des seniors. Il s'agit de relever de deux ans les limites d'âge pour bénéficier d'une indemnisation plus longue, ouvrant la voie à la validation de l'accord paritaire par le gouvernement.

Nouvelle réforme de l'assurance chômage

Mais cette convention devrait vite être obsolète puisque le chef du gouvernement a déjà annoncé une nouvelle réforme de l'assurance chômage « en 2024 », malgré l'hostilité d'une partie de sa majorité et celle des syndicats. Le Premier ministre souhaite un modèle social plus « incitatif » au retour à l'emploi en durcissant encore les conditions d'indemnisation des chômeurs. Il est « probable qu'une nouvelle lettre de cadrage soit envoyée » aux partenaires sociaux afin de négocier une nouvelle convention, a confirmé mercredi la ministre du Travail Catherine Vautrin lors d'un débat à l'Assemblée nationale.

Le Premier ministre a demandé aux partenaires sociaux d'ouvrir de nouvelles négociations sur l'assurance chômage, autour de trois pistes. D'abord la réduction de « plusieurs mois » de la durée d'indemnisation des chômeurs, actuellement de 18 mois pour les moins de 53 ans, sans aller en-dessous de 12 mois. Ensuite une possible augmentation de la durée d'affiliation, soit le temps qu'il faut avoir travaillé pour avoir droit à des indemnités. Et enfin, une modification du « niveau d'indemnisation du chômage » et de sa dégressivité pour les revenus élevés - cette dernière piste a toutefois moins la « préférence » du Premier ministre.

«  Est-ce vraiment pertinent que les plus de 55 ans aient une durée d'indemnisation plus longue, s'était interrogé fin mars Bruno Le Maire, ministre de l'Economie dans un entretien accordé à Ouest-France. N'est-ce pas une façon de transformer l'assurance chômage en mise à la retraite déguisée ? »

Le ministre propose « un contrat dans lequel les seniors travailleraient 80% de leur temps, toucheraient 90% de leur salaire et auraient droit à 100% de la retraite ».

(Avec AFP)