C'en est fini du Cetu... du moins pour l'instant. Le compte épargne temps universel, promesse d'Emmanuel Macron lors de sa campagne pour un second mandat, ne fait désormais plus partie de la feuille de route des négociations sur l'emploi des seniors menées par les syndicats et le patronat et dont le dernier round se tiendra le 8 avril prochain.
Celui-ci doit aboutir à un accord dans lequel ne figurera donc pas le Cetu auquel la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et le Medef sont farouchement opposés. Ce dispositif permettrait d'offrir aux salariés la possibilité d'épargner des congés payés ou RTT non pris, mais surtout, de les transférer d'une entreprise à une autre. Il serait alors possible de les poser en fin de carrière, par exemple, et ainsi gagner quelques mois, voire années. Au-delà d'être une promesse de campagne, le CETU avait été brandi par l'ancienne Première ministre, Elisabeth Borne, comme une contrepartie à la réforme des retraites tant contestée.
« Une usine à gaz » pour la CPME
Mais pour la CPME, « le Cetu n'est rien d'autre qu'une usine à gaz qui pose beaucoup plus de questions qu'elle ne résout de problèmes », expliquait à La Tribune son vice-président, Eric Chevée, en mars dernier, quand le Medef y voit un dispositif trop complexe qui ne répond pas aux attentes des entreprises et des salariés et qui comporte des « obstacles insurmontables » selon ses propos lors de la onzième séance de discussions avec les syndicats.
D'autant qu'un système, actuellement en vigueur, permet déjà aux salariés d'accumuler des jours de repos, et, s'ils le souhaitent, de les transformer en complément de rémunération, grâce au compte épargne-temps (CET). Mis en place en 1994, il est néanmoins conditionné à la conclusion d'un accord d'entreprise ou de branche. En outre, ce cumul n'est pas conservé par le salarié lorsque celui-ci quitte son entreprise. À la différence du Cetu qui introduit l'idée d'une portabilité d'un emploi à l'autre et d'une entreprise à une autre. Seuls 10 % à 20 % des salariés du secteur privé disposeraient d'ailleurs d'un CET, selon les chiffres de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) datant de 2022.
Un « accord parallèle »
Et pour cause, il est trop fastidieux à mettre en place dans les très petites entreprises (TPE, moins de 20 salariés), répond l'Union des entreprises de proximité (l'U2P). À l'inverse, mettre en place le Cetu au sein des entreprises serait « neutre » pour ces dernières, selon son président Michel Picon. Les heures, jours, déposés sur le CETU seraient ainsi gérées par un organisme tiers, qui pourrait être la Caisse des dépôts et consignations, expliquait-il à La Tribune le 21 mars.
Mais Michel Picon ne s'avoue pas vaincu. « Il n'y aura aucune mention du Cetu dans ce qui va aboutir de ces négociations, ce qui ne nous empêchera pas de valider ce dispositif », assure-t-il, aujourd'hui. L'U2P entend ainsi inviter les cinq syndicats (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC et CFTC), « et bien sûr la CPME et le Medef s'ils souhaitent venir », à « une négociation parallèle pour conclure un accord particulier sur le Cetu ».
C'est d'autant plus une nécessité selon le président de l'U2P que « notre conviction est que le gouvernement mettra dans tous les cas en place un Cetu ». Or, « la transposition de l'accord parallèle que l'on signera pourra constituer une base de travail pour le gouvernement, plutôt que de s'exposer à un texte qui émanerait directement du gouvernement ou du parlement », explique-t-il.
Malgré l'absence de ce que l'U2P voit comme « un progrès social », le syndicat patronal ne compte pas, pour autant, s'opposer à l'accord qui verra le jour des négociations officielles. « On estime qu'il ne faut pas bloquer cet accord, car il contient quand même des éléments positifs et nous le signerons probablement », précise Michel Picon.
« Ça ne fait pas progresser le paritarisme », dénonce la CPME
De son côté, la CPME s'étonne de la proposition de négociations parallèles menées par l'U2P. « Ça ne fait pas progresser le paritarisme », regrette Eric Chevée, interrogé par La Tribune. Quant à voir le Cetu revenir sous la forme d'une loi, « nous sommes un groupe de pression et nous savons faire passer nos messages quand il faut », assure-t-il.
« Je pense qu'il faut que le message du patronat soit très clair sur le sujet : c'est non ! » insiste-t-il, estimant que « c'est une fausse bonne idée et que ce n'est pas en ce moment, alors que la productivité française s'effondre, d'ajouter des possibilités de s'échapper du travail ».