Le gouvernement Attal attendu au tournant sur l'emploi des seniors

À la veille d'une réunion cruciale entre le patronat et les syndicats, le gouvernement de Gabriel Attal va devoir s'attaquer au sujet brûlant de l'emploi des seniors. L'objectif affiché est de doubler le taux d'emploi des 60-64 ans et de parvenir au plein emploi. Mais le tour de vis envisagé sur la durée d'indemnisation du chômage des plus de 55 ans passe mal chez les organisations syndicales. Un bras de fer se profile alors qu'Emmanuel Macron doit recevoir les partenaires sociaux cette semaine.
Grégoire Normand
Le premier conseil des ministres du gouvernement Attal vendredi 12 janvier.
Le premier conseil des ministres du gouvernement Attal vendredi 12 janvier. (Crédits : Reuters)

L'emploi des seniors risque une nouvelle fois d'occuper le devant de la scène. Les syndicats et le patronat doivent se retrouver à Paris ce mardi 16 janvier. Au programme, un cycle de trois réunions cruciales pour établir un diagnostic sur l'emploi des seniors. Un an jour pour jour après la présentation de la réforme décriée des retraites par l'ex-Première ministre Elisabeth Borne, le gouvernement met la pression sur les entreprises.

Lors de ses voeux aux acteurs de l'économie le lundi 9 janvier, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a tapé du poing sur la table. « Vous, chefs d'entreprise, vous avez une responsabilité particulière : vous devez rompre avec cette pratique d'un autre temps - la mise à la retraite déguisée de vos salariés les plus âgés », a-t-il déclaré, d'un ton martial, devant un parterre de dirigeants de groupes du CAC 40 et de plus petites entreprises. «Dans la négociation en cours, j'invite par conséquent les partenaires sociaux à faire preuve de la plus grande ambition pour l'emploi des plus de 55 ans », a-t-il poursuivi.

Nommée la semaine dernière à la tête du ministère du Travail à la place d'Olivier Dussopt convoqué par la justice à partir de ce 16 janvier, Catherine Vautrin issue des rangs de la droite récupère un dossier particulièrement sensible rue de Grenelle. En effet, Emmanuel Macron risque de réaffirmer l'objectif du « plein emploi » lors de sa conférence de presse de ce mardi soir. Or, le chômage est reparti à la hausse en 2023 après plusieurs années de baisses consécutives. Et les perspectives sont loin d'être optimistes pour 2024.

Lire aussiLa promesse de plein emploi s'éloigne, le chômage devrait encore grimper en 2024 selon l'Insee

Le gouvernement veut doubler le taux d'emploi des seniors de 60 à 64 ans

Sur la catégorie des 60-64 ans, le gouvernement veut doubler la part des seniors en emploi en passant de 32% à 65%. « Depuis le début des négociations sur les seniors, nous avons toujours dit que l'emploi devait être une priorité », explique à La Tribune, Fréderic Souillot, secrétaire général de Force ouvrière. « On doit absolument éviter les licenciements des 55 ans et plus dans les entreprises. Avant la loi Travail et les ordonnances Macron, les licenciements devaient prendre en compte l'âge, l'expérience. Désormais, ce n'est plus le cas », déplore-t-il.

Lors de la concertation de mardi avec le patronat, le syndicat va demander « de retirer par décret dans le code du travail que les personnes soient considérées comme senior à partir de 45 ans »En cas de rupture conventionnelle, la confédération veut également demander un alignement des cotisations équivalentes à celles d'un licenciement pour motif économique.

Bercy souhaite un tour de vis sur la durée d'indemnisation des seniors au chômage

Pour faire grimper le taux d'emploi des plus âgés, Bercy planche sur plusieurs hypothèses explosives. Lors de plusieurs interventions, le ministre de l'Economie n'a pas caché sa volonté de durcir la vis sur les conditions d'indemnisation des seniors inscrits au chômage.

Actuellement, les personnes de plus de 55 ans peuvent toucher des indemnités durant 27 mois contre 18 mois pour les moins de 53 ans. Le projet brûlant de l'exécutif est d'aligner les règles des plus de 55 ans sur les autres catégories sachant que depuis février 2023, cette durée a déjà baissé de 25%. « Réduire l'indemnisation des plus de 55 ans, c'est les pousser un peu plus vers la précarité et les minimas sociaux. Les seniors auraient bien aimé conserver leur emploi. Lorsqu'ils recherchent un emploi, ils sont jugés trop vieux, pas assez mobiles », explique Fréderic Souillot.

La difficile gestion des fins de carrière

L'autre sujet brûlant sur lequel les partenaires sociaux vont négocier concerne la gestion des fins de carrière. Dans les débats sur la réforme des retraites, les syndicats avaient poussé l'exécutif à prendre en compte la pénibilité en facilitant les projets de reconversion professionnelle. Le texte adopté en force au 49-3 et entré en vigueur en septembre dernier a pris en compte cette demande en permettant aux salariés titulaires d'un compte professionnel de prévention (C2P) de se former plus facilement à des métiers moins exposés à des risques. Si les syndicats ont salué cette mesure, ils ne sont pas complètement satisfaits de la forme du dispositif. « Le projet de reconversion professionnelle (PRP) doit être compris comme un droit, et non comme un dispositif supplémentaire permettant de changer de métier », souligne Force Ouvrière dans un communiqué.

Report de l'âge de départ à la retraite : les risques de la trappe à pauvreté

Le report de l'âge légal de départ à la retraite risque d'amplifier le phénomène des seniors ni en emploi ni à la retraite si les entreprises et le secteur public ne changent pas leur politique de ressources humaines à l'égard des seniors. Dans l'Hexagone, près de 16% des personnes âgées de 55 à 69 ans ne sont ni en emploi, ni à la retraite et cette part atteint 28% juste avant 61 ans, selon de récents chiffres de l'Insee.

Ces seniors subissent en grande partie cette situation, soulignent les statisticiens. « 45 % des personnes ni en emploi ni à la retraite de 55 à 61 ans sont sans emploi pour une raison de santé ou de handicap, 19 % sont sans emploi malgré une recherche active et sont donc au chômage au sens du BIT», explique l'institut de statistiques. Autant dire que le chantier de l'emploi des seniors est immense.

En France, un taux d'emploi des seniors inférieur à l'Europe

Dans l'Hexagone, le taux d'emploi des personnes âgées de 55 ans à 64 ans est environ 5 points inférieur à celui de la moyenne de l'Union européenne. En 2022, cette proportion se situait à 57% contre 62% sur le Vieux continent. La France se situait à la 17ème place sur 27. La Suède (77%), l'Allemagne (73%) et le Portugal figurent dans le haut du tableau.

À l'opposé, la Belgique (56%) et l'Italie (55%) sont légèrement en deca du niveau de la France. Dans le détail, c'est surtout la tranche des 60-64 ans qui fait la différence en France par rapport au reste de l'Europe (-12 points). En revanche, le taux d'emploi des 55-60 est légèrement supérieur à la moyenne européenne selon une étude de la direction de la recherche du ministère du travail.

Grégoire Normand
Commentaires 14
à écrit le 16/01/2024 à 18:55
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Il y aura une grande loi nationale pour l'emploi des seniors qui sera votée démontrant l'unité nationale à l'égard de cette question de l'emploi des seniors. Les décrets d'application seront pris dans les 10 mois. La circulaire de mise en œuvre des t...

le 17/01/2024 à 18:05
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Je ne prends pas le pari car c'est tout à fait ça ! On pourra même ajouter une commission à l'Assemblée Nationale et une autre au Sénat avec un responsable dans chaque Préfecture de région en charge de l'emploi des séniors en relation avec France Tra...

à écrit le 16/01/2024 à 9:22
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De toutes façons, le mal est fait : si on n'avait pas viré les seniors après 56 ans pendant 20 ans, ils seraient encore au boulot, les caisses de retraite iraient beaucoup mieux, et il y aurait bien moins de chômage des jeunes. Parce que l'activité c...

le 16/01/2024 à 18:06
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C'est tout à fait ça. Et quand on entend " on en a besoin", ce n'est jamais au sujet des séniors...

à écrit le 16/01/2024 à 8:44
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Qui a dit que la véritable révolution à ce sujet serait une cotisation proportionnelle au salaire pour une pension forfaitaire égale pour tous ?

à écrit le 16/01/2024 à 8:40
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Il sera attendue mais rien ne peut être fait...! Si ce n'est de baisser l'âge de la retraite pour leur permettre de faire du bénévolat dans le domaine public !

à écrit le 16/01/2024 à 8:10
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Les syndicats ne sont pas à l'aise sur l'emploi des séniors où le double langage n'est pas loin. Concilier l'emploi par le maintien en activité et laisser faire ou favoriser les départs anticipés réclamés par les salariés est une véritable gageure. L...

le 16/01/2024 à 9:43
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@belineen Il n'y avait qu'une proposition dans le programme de Macron lors de la présidentielle de 2022 ,la retraite à 65 à l'époque puis 64 ans ensuite pour faire passer la pilule ,ça n'a pas empêché que tous les syndicats ont appelé à voter pour...

à écrit le 16/01/2024 à 8:10
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Les syndicats ne sont pas à l'aise sur l'emploi des séniors où le double langage n'est pas loin. Concilier l'emploi par le maintien en activité et laisser faire ou favoriser les départs anticipés réclamés par les salariés est une véritable gageure. L...

à écrit le 15/01/2024 à 23:32
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Sans coercition le patronat français ne fera rien et les éventuelles aides seront détournées … la parole politique n est que de la Gesticulation c est comme ça que ça marche en France malheureusement : faut force le bras pour quelque chose change...

à écrit le 15/01/2024 à 22:32
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Non, il est attendu sur son absence de majorité. Les débauchages individuels ne servent à rien s'ils ne s'accompagnent pas de reports de voix en conséquence

à écrit le 15/01/2024 à 21:17
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Quels sont les âges mini, maxi et moyen du ministère?

à écrit le 15/01/2024 à 21:03
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Il y a quinze ou vingt ans, dans mon entreprise, la patronne nous avait fait un bilan de la boite, ou elle faisait des stats sur l'age des employés. En nous disant qu'il fallait veiller a ce que la moyenne d'age n'augmente pas trop... Aujourd'hui, c'...

à écrit le 15/01/2024 à 19:06
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