Emploi : le patronat remet le sujet d'un « CDI seniors » sur la table dans les négociations avec les syndicats

Par latribune.fr  |   |  792  mots
Si le taux d'emploi des seniors continue de progresser en France, atteignant 56,9% en 2022 pour les personnes de 55 à 64 ans, il reste inférieur à celui de la moyenne européenne (62,4%). (Crédits : Isotck)
Le patronat a mis sur la table jeudi la création d'un « CDI seniors » pour inciter à l'embauche des demandeurs d'emploi à partir de 60 ans. Cette piste - déjà incorporée à la réforme des retraites à la demande de la droite sénatoriale, avait été rejetée par le Conseil constitutionnel en tant que « cavalier législatif » - a été plus que fraîchement accueillie.

L'employabilité des seniors revient au cœur de l'actualité, après avoir été l'un des sujets les plus sensibles lors des débats parlementaires en 2023 autour de la réforme des retraites. En avril dernier, le Conseil constitutionnel avait finalement censuré le « CDI seniors » et « l'index seniors ». Destiné à permettre de mieux connaître la place des salariés en fin de carrière dans les entreprises, ce dernier devait être obligatoire dès 2023 pour les entreprises de plus de 1.000 salariés, un seuil abaissé à 300 salariés en 2024.

Mais c'est bien le « CDI seniors » qui fait actuellement l'objet de nouvelles discussions dans le cadre de négociations entre patronat et partenaires après que le patronat ait mis le sujet sur la table jeudi. L'objectif : inciter à l'embauche des demandeurs d'emploi à partir de 60 ans.

D'autant que le gouvernement a fixé l'objectif d'un taux d'emploi de 65% « à l'horizon 2030 » pour les 60-64 ans (contre 36,2% en 2022). « On a proposé de créer un CDI seniors pour les demandeurs d'emploi », pour permettre aux salariés âgés ayant perdu leur emploi de revenir plus facilement sur le marché du travail, a ainsi expliqué le négociateur du Medef Hubert Mongon.

Permettre à l'entreprise d'avoir « une visibilité sur la date de départ du salarié »

Ce « contrat incitatif à l'embauche »  qui s'ouvrirait « à partir de 60 ans » (plus tôt potentiellement en cas d'accord de branche), doit « permettre d'accompagner le salarié jusqu'à la retraite, éventuellement en cumulant ce CDI avec l'allocation chômage différentielle s'il est moins bien rémunéré par rapport à la précédente activité », a-t-il détaillé. Il a mis en avant un avantage pour l'employeur d'avoir « une visibilité sur la date de départ, puisque la mise à la retraite serait possible dès l'obtention des conditions de retraite à taux plein et non à 70 ans comme c'est le cas légalement aujourd'hui ». L'employeur pourra décider de continuer le contrat au-delà de l'âge du taux plein.

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Le patronat envisage aussi de revoir le régime social d'indemnité de mise à la retraite du CDI seniors « en supprimant la contribution spécifique employeur de 30% » a poursuivi le négociateur. Et pour éviter d'éventuels effets d'aubaine, « un délai de carence de six mois » serait prévu entre un licenciement et une réembauche dans la même entreprise.

Une proposition qui ne convainc pas les syndicats

Dans les rangs syndicaux, cette piste du CDI seniors - déjà incorporée à la réforme des retraites à la demande de la droite sénatoriale, mais rejetée par le Conseil constitutionnel en tant que « cavalier législatif » - a été plus que fraîchement accueillie. « On est convaincus que ce n'est pas l'enjeu de cette négociation », a notamment affirmé Olivier Guivarch (CFDT). Cela n'aura « pas d'impact sur le taux d'emploi », et « c'est contradictoire avec le fait de dire qu'on veut lutter contre les stéréotypes », a-t-il ajouté.

C'est « une pancarte lourde à porter » pour les demandeurs d'emploi seniors, a abondé Jean-François Foucard (CFE-CGC), tandis que Nathalie Bazire (CGT) s'est prononcée contre « ce nouveau contrat (qui) ne nous va pas ».

Un taux d'emploi qui diminue nettement avec l'âge

Le taux d'emploi des seniors augmente depuis 2000, en lien notamment avec les réformes des retraites allongeant les durées de cotisation puis reculant l'âge d'ouverture des droits, pointe une étude publiée mercredi par le ministère du Travail. En effet, il a atteint 56,9% en 2022 pour les personnes de 55 à 64 ans. En tenant compte des personnes au chômage, « ce sont 60,3% des seniors qui sont actifs, soit 0,6 point de plus qu'en 2021 », éclaire l'étude.

Plus précisément, entre 2000 et 2022, le taux d'emploi et le taux d'activité des seniors ont progressé respectivement de 25,9 et 27,4 points. Ce taux diminue nettement avec l'âge : en 2022, il était de 82,5% pour les 25-49 ans, puis de 76,4% pour les 55-59 ans et de 36,2% pour les 60-64 ans.

Malgré cette progression, le taux d'emploi pour cette frange de la population reste inférieur à celui de la moyenne européenne (62,4%). La France se place ainsi en 17e position parmi les 27 pays de l'UE, précise la Dares. Dans le détail, le taux d'emploi des 60-64 ans est nettement en-deçà de la moyenne européenne (-12,3 points), alors que celui des 55-59 ans y est supérieur (+1,4 point). Le taux d'emploi des femmes seniors en France est toutefois proche de la moyenne européenne (respectivement 55,5% et 56,2%) alors qu'il est inférieur de près de 10 points pour les hommes (58,3% contre 68,7%).

Les partenaires sociaux doivent désormais poursuivre les discussions, notamment ce vendredi sur l'usure professionnelle. Ils commenceront à plancher sur un projet d'accord à partir de début mars, avec l'objectif d'aboutir à la fin du même mois.

(Avec AFP)