Croissance de la France : et si l'on parlait des vraies réformes ?

Par Fabien Piliu  |   |  1115  mots
Christine Lagarde souhaite que le France continue de se réformer. Mais dans quels domaines ?
Sur France 2, Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), a plaidé ce vendredi 22 janvier pour une nouvelle série de réformes afin d'accélérer la croissance tricolore. Quelles devraient être les priorités?

Les rapports se suivent et se ressemblent. Les injonctions, conseils et recommandations des experts et prescripteurs également. Ce vendredi, sur le plateau de France 2 en direct de Davos, Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) a été claire. "La France a déjà mené des réformes mais du point de vue du FMI, il faut impérativement qu'elle continue à les faire. Il y a un talent, il y a un potentiel, il y a des compétences. Il faut libérer ces énergies et il faut leur permettre de développer leur activité. (...) En période de coûts financiers faibles, en période d'euro compétitif entre guillemets, et en période de coût des matières premières faibles, il y a quand même beaucoup d'éléments et d'atouts pour que la France tire un peu son épingle du jeu ", a-t-elle déclaré sans préciser toutefois quelles mesures pourraient être prises.

C'est dommage. Il eut été intéressant de connaître le fond de la pensée de celle qui fut ministre de l'Economie française de 2007 à 2011.

La France sort à peine de la crise

Il est vrai que l'économie française n'est pas rayonnante. Elle porte encore les stigmates de la crise de 2008-2009, en témoigne le niveau extraordinairement élevé des défaillances d'entreprises. En 2015, le PIB a probablement - et péniblement - progressé de 1%, conformément aux prévisions du gouvernement qui vise une augmentation de 1,5% de l'activité en 2016 et 2017. Des estimations que le FMI ne valide pas. Cette semaine, l'institution de Washington a abaissé sa prévision pour la croissance française en 2016 de 0,2 point à 1,3%.

Quelles réformes doivent-elles être menées ? Là est toute la question. Faut-il flexibiliser davantage encore le marché du travail ? C'est le souhait de beaucoup. Pourtant 90% des embauches actuelles se font en CDD et en intérim.

Les jeunes peuvent en témoigner, la flexibilisation du marché du travail est déjà une réalité. Quant à la liberté de licencier des personnes en CDI, elle a été considérablement assouplie depuis l'entrée en vigueur de la rupture conventionnelle en 2008. Adoptée le 10 juillet 2015, la loi Macron et son volet « licenciements et réforme des prud'hommes » participent également à la réduction des incertitudes et des risques à licencier pour les employeurs.... Surtout quand le barème des indemnités prud'homales sera mis en place

Réduire le coût du travail, l'obsession

Dans ce contexte, pourquoi certains réclament encore et toujours un marché du travail plus flexible ? Pour réduire le coût du travail, tout simplement. De nouvelles réformes en ce sens permettraient de partager davantage le temps de travail, surtout pour les emplois non qualifiés, de créer de nombreux petits jobs cumulables peu coûteux pour l'entreprise. Avantage de cette méthode, la création de ces petits boulots permettrait de réduire le chômage. Formidable ! C'est exactement ainsi que fonctionne le modèle anglo-saxon. Résultat, aux caisses des milliers d'hypermarchés Walmart se bousculent des jeunes et des personnes très âgées obligées de continuer à travailler pour bénéficier d'une retraite décente et s'offrir une vague protection sociale. Le dynamisme de l'économie américaine est à ce prix. Encore faut-il le savoir. Outre-Atlantique, poser le débat sur le départ à la retraite à 62 ans passerait pour une blague de mauvais goût.

De fait, lorsque le gouvernement met la pression sur les partenaires sociaux en mettant sur le table le sujet de la réduction du montant et de la durée des allocations chômage, il participe à cette tendance de fond actuellement à l'œuvre. Si le montant de l'indemnisation baisse, le niveau des cotisations diminuera-t-il ? Peut-être.

Les salariés, l'emploi seront-ils les bénéficiaires des économies de cotisations que cette réforme de l'assurance chômage permettrait ? Rien n'est moins sûr. Par ailleurs, s'ils sont moins bien indemnisés, et moins longtemps, les demandeurs d'emplois ne seront-ils pas obligés d'accepter n'importe quel petit boulot ? Des petits boulots que le gouvernement actuel, et les autres avant lui, subventionnent à coup d'allègements de charges ?

Le redressement de la compétitivité hors-prix, la seule priorité qui vaille

En s'engageant plus profondément dans cette voie, l'exécutif ne joue-t-il pas les apprentis sorciers ? Vouloir réduire à outrance le coût du travail pour redresser la compétitivité-prix des biens fabriqué en France est-il vraiment raisonnable alors que la France et la zone euro sont au bord de la déflation ?

La situation conjoncturelle actuelle en est la preuve la plus frappante. La dépréciation de l'euro face au dollar, la chute des cours du brut et l'entrée en vigueur des allégements de cotisations patronales prévus par le Pacte de responsabilité depuis le 1er janvier 2015 n'ont absolument pas permis aux exportations tricolores de s'envoler dans les pays situés hors de la zone euro et de rééquilibrer la balance commerciale, déficitaire depuis 2003. Les gains de compétitivité-prix dont bénéficient aujourd'hui les entreprises n'ont jusqu'ici permis qu'une petite reprise de l'investissement.

Plutôt que de choisir le nivellement par le bas, ne faudrait-il pas se préoccuper des réformes capables de faire progresser le niveau d'éducation des jeunes Français, des salariés, des chômeurs, à même de renforcer la compétitivité hors-prix des entreprises françaises qui souffrent toujours de la comparaison avec celle affichée par leurs concurrentes allemandes ? A moins que l'ambition de Bercy et du gouvernement soit de poser la France comme un rival industriel de l'Espagne ou du Portugal, voire de la Roumanie, c'est la voie qu'il conviendrait de choisir.

Réduire le coût du travail est-il la solution pour sortir par le haut de la crise actuelle ? C'est probablement la plus simple. En revanche, simplifier réellement le quotidien administratif des chefs d'entreprises en s'attaquant à la fois au flux et au stock de lois et de règlements, faire respecter la loi pour que les retards de paiement soient éradiqués, ce qui permettrait aux entreprise d'utiliser le CICE pour autre chose que pour soulager leur trésorerie, sont des chantiers à mener de façon urgente.

Faut-il rappeler que seules 130.000 entreprises exportent chaque année, sur un stock de trois millions  ? Qu'un tiers des entreprises françaises ne dispose pas de site Internet ?

Stopper les revirements sur le soutien à l'entrepreneuriat et à l'apprentissage, mettre fin à la situation actuelle qui voit les TPE et les PME davantage imposées que les ETI et les grands groupes devraient également être des priorités.