Fin de vie : le projet de loi annoncé par Macron sera examiné à l'Assemblée à partir du 27 mai

Par latribune.fr  |   |  1010  mots
Emmanuel Macron a annoncé dimanche qu'un projet de loi ouvrant une aide à mourir sous conditions strictes serait présenté en avril en Conseil des ministres. (Crédits : POOL)
Dans un entretien à Libération et La Croix, le président de la République dévoile ses orientations pour une réforme de la fin de vie. Le projet de loi sera présenté à l'Assemblée nationale à partir du 27 mai, a annoncé le Premier ministre, Gabriel Attal.

[Article publié le dimanche 10 mars 2024 à 20h09 et mis à jour à 11h52] Le projet de loi sur la « fin de vie », qui comprendra une « aide à mourir » très encadrée, sera examiné en séance plénière à l'Assemblée nationale à partir du 27 mai, a annoncé ce lundi le Premier ministre Gabriel Attal sur X (anciennement Twitter).

C'est dimanche qu'Emmanuel Macron a annoncé ce projet de loi ouvrant une aide à mourir pour les patients majeurs, « capables d'un discernement plein et entier », atteints d'une « maladie incurable » avec « pronostic vital engagé à court ou moyen terme » et subissant des souffrances réfractaires (ne pouvant être soulagées). Ils pourront ainsi « demander à pouvoir être aidés afin de mourir », a déclaré le chef de l'Etat aux quotidiens La Croix et Libération dans un entretien paru ce lundi. Les mineurs et les patients atteints de maladies psychiatriques ou neurodégénératives qui altèrent le discernement, comme Alzheimer, en seront donc exclus.

« Consentement » du patient

Après la demande du patient, « il y a un minimum de deux jours d'attente pour tester la solidité de la détermination », explique Emmanuel Macron. Ensuite,« la réponse doit intervenir dans un délai de quinze jours maximum. En cas de réponse favorable, la prescription est valable trois mois, période durant laquelle le patient pourra, bien entendu, se rétracter à tout moment », ajoute-t-il. Il précise qu'en cas d'avis défavorable, le malade pourra « aller voir une autre équipe médicale » ou procéder à des recours.

En cas d'avis collégial favorable de l'équipe médicale, une substance létale sera prescrite à la personne, qu'elle pourra s'administrer elle-même, ou avec l'aide d'un tiers si elle « n'est pas en mesure d'y procéder physiquement ». Ce tiers pourra être « une personne volontaire qu'elle désigne lorsque aucune contrainte d'ordre technique n'y fait obstacle », ou bien le médecin ou l'infirmier qui l'accompagne, selon le texte qui doit être transmis d'ici dix jours au Conseil d'Etat. L'administration peut avoir lieu au domicile, à l'Ephad ou dans un établissement de soins.

Même si cet acte peut s'apparenter à une forme de suicide assisté, le président assure avoir voulu éviter ce terme, ou celui d'euthanasie, car le « consentement » du patient est indispensable et « la décision médicale a son rôle à jouer, avec des critères précis »

Promesse de campagne

Changer la loi sur la fin de vie de 2016, qui admet une « sédation profonde et continue » en cas de souffrances intolérables lorsque le pronostic vital est engagé à court terme, c'était une promesse de campagne d'Emmanuel Macron.

« J'aborde toujours avec beaucoup d'humilité et de prudence les questions éthiques et bioéthiques », dit le président dans l'entretien, tout en estimant que « ce cheminement démocratique exemplaire a permis de pacifier le débat ».

S'il estime que des milliers de personnes et de familles attendent cette évolution, il reconnaît que cette loi ne pourra pas être totalement consensuelle. Pour laisser le temps au débat parlementaire, qui s'annonce long, il n'y aura pas de procédure accélérée. Emmanuel Macron explique enfin avoir personnellement écrit ses propres directives anticipées sur les soins qu'il souhaite, ou non, recevoir en fin de vie.

Le président a également remercié dimanche les membres de la convention citoyenne sur la fin de vie pour leur travail, juste avant de dévoiler ses arbitrages très attendus avec la volonté affichée de « préserver l'unité de la Nation », selon un courrier que s'est procuré l'AFP. « Demain paraîtra un entretien que j'ai donné aux journaux Libération et La Croix et dans lequel je fais part des orientations que j'ai retenues, à l'issue de vos travaux, et de ceux menés ensuite par d'autres, de mon propre cheminement nourri par des conversations et des rencontres », écrit le chef de l'Etat dans cette lettre datée de dimanche.

Pour rappel, la convention citoyenne voulue par Emmanuel Macron pour réfléchir à cette question sensible, réunissant des Français tirés au sort, s'était prononcée au printemps 2023 dans un avis non contraignant pour l'ouverture sous conditions d'une « aide active à mourir », terme recouvrant potentiellement l'euthanasie et le suicide assisté. Le chef de l'Etat s'était engagé à formuler un « modèle français de la fin de vie » mais a depuis reporté à plusieurs reprises ses arbitrages.

« Une tromperie »

Mais s'attendant à des résistances de la droite de l'hémicycle, Gabriel Attal a rappelé sur X que les parlementaires devraient se livrer à « un débat apaisé, éclairé, respectueux des positions de chacun » car, cette évolution de la loi est « attendue de longue date » et constitue « un progrès ».

D'autant que des associations de soignants et l'Eglise de France ont déjà vivement critiqué lundi le projet de loi, des soignants évoquant un projet « qui va à l'encontre des valeurs du soin » et l'Eglise « une tromperie ».

« C'est avec consternation, colère et tristesse que les soignants réunis au sein du collectif sur la fin de vie ont pris connaissance de l'interview du président de la République », ont réagi dans un communiqué plusieurs associations de soignants, dont la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), l'Association française des soins oncologiques de support (AFSOS) ou l'Association nationale française des infirmier(es) en pratiques avancées (ANFIPA).

Pour l'Eglise, « appeler « loi de fraternité » un texte qui ouvre à la fois le suicide assisté et l'euthanasie est une tromperie. Une telle loi, quoi qu'on veuille, infléchira tout notre système de santé vers la mort comme solution », déclare dans La Croix Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France.

 (Avec AFP)