Dans la note conjointe des services de renseignement français envoyée à l'Élysée la semaine dernière concernant les activités de la Russie contre la France et ses alliés, le mot « augmentation » revient à chaque paragraphe. Augmentation des menaces, des attaques, des agressions. La France ne communiquerait publiquement qu'un vingtième des faits recensés par Viginum, ce service de l'État consacré à la lutte contre les ingérences étrangères numériques. La DGSI insiste sur l'objectif des Russes consistant à « polariser le débat national ». À l'approche des élections européennes et des Jeux olympiques, personne au sommet de l'État ne veut céder à la paranoïa, mais chaque tentative de harcèlement est prise au sérieux. Si l'on y ajoute les pressions militaires russes sur l'appareil de défense français, « dangereuses et escalatoires » - une centaine depuis janvier 2023 -, qui peut encore dire que la Russie cherche à temporiser ?
Accord de sécurité entre la France et l'Ukraine
C'est dans ce contexte que se prépare le déplacement du chef de l'État en Ukraine annoncé pour la mi-mars. Initialement prévu les 13 et 14 février à Kiev puis à Odessa, il avait déjà été reporté. Rien à voir avec ce que l'ancien président Medvedev avait voulu laisser croire sur les réseaux sociaux, en l'occurrence un projet d'attentat contre Emmanuel Macron sur le sol ukrainien. Il s'agissait plutôt, selon l'Élysée, de la finalisation de la sécurisation de ses trajets sur place. L'annonce de ce report n'avait pas empêché Emmanuel Macron de recevoir le président Zelensky le 16 février pour signer avec lui un accord de sécurité entre la France et l'Ukraine, celui-là même qui sera soumis au Parlement mardi et mercredi.
Dixième anniversaire de l'annexion de la Crimée par la Russie
La visite du chef de l'État français est- elle toujours aussi nécessaire alors que le climat est devenu si orageux entre Paris et Moscou ? Selon nos informations, l'Élysée a pris très au sérieux la chute d'un missile russe mercredi à moins de 500 mètres du port d'Odessa, qu'étaient en train de visiter le président ukrainien et le Premier ministre grec Mitsotakis. Quelle était la cible ? Une usine de drones navals, comme l'affirme le ministère de la Défense russe ? Ou le cortège de Zelensky et de son visiteur grec, chef du gouvernement d'un pays membre de l'Otan ? « Nous l'avons pris comme un message », dit-on à Paris.
Ce voyage sera maintenu, selon nos sources, mais pas forcément aux dates sur lesquelles travaillaient les services concernés. L'annulation ou le report de ce déplacement, à la veille du 10e anniversaire de l'annexion définitive de la Crimée par Moscou, serait exploité par le Kremlin comme un signal de faiblesse.
Emmanuel Macron souhaiterait également venir accompagné, comme lors de sa visite de juin 2022 à Kiev. À l'heure où beaucoup en France continuent de croire, à tort, que le président de la République est isolé parmi les alliés de l'Ukraine dans sa volonté de « ne rien exclure » vis-à-vis de la Russie, venir à plusieurs à Kiev, plus forcément à Odessa, pourrait mettre en lumière l'unité européenne recherchée. Parmi les chefs de gouvernement qui pourraient se joindre au déplacement figurent ceux des pays Baltes, de la Roumanie, de la République tchèque, du Royaume-Uni ou des Pays-Bas, tous tenants d'une exigence de plus grande fermeté à l'égard du Kremlin.