Fraude fiscale : l'Assemblée privilégie les amendes aux poursuites

Par latribune.fr  |   |  443  mots
(Crédits : Charles Platiau)
Les députés ont voté mercredi une mesure du projet de loi contre la fraude fiscale qui permet aux entreprises d'éviter des poursuites judiciaires en échange du règlement d'une amende.

L'Assemblée nationale a voté mercredi 19 septembre, au grand dam de l'opposition, l'extension à la fraude fiscale de la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), une mesure permettant à une entreprise de payer une amende afin d'éviter des poursuites, sans reconnaissance de culpabilité. Si beaucoup d'observateurs ont salué l'assouplissement du verrou de Bercy pour permettre à la justice de poursuivre les plus grands fraudeurs, plusieurs membres de l'opposition et des ONG ont critiqué cette extension.

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Une justice à deux vitesses

La CJIP avait été instaurée dans le cadre de la loi Sapin 2 de 2016, mais à l'origine pour des faits de corruption. Lors de la première convention conclue, en novembre 2017, HSBC Private Bank, filiale suisse du géant bancaire britannique, avait ainsi accepté de payer 300 millions d'euros pour échapper à un procès pour "blanchiment de fraude fiscale". Un collectif regroupant des ONG telles que Attac, Oxfam ou CCFD-terre solidaire ont dénoncé cette extension dans un communiqué :

"Il est déplorable qu'en parallèle de l'ouverture du « verrou de Bercy », ce projet de loi introduise une nouvelle forme de justice dérogatoire pour les grandes entreprises fraudeuses. Avec l'extension de la convention judiciaire d' intérêt public à la fraude fiscale, elles pourront accepter de payer une amende en échange d' une extinction des poursuites et sans reconnaissance de culpabilité. Ce mécanisme non dissuasif instaure une justice à deux vitesses, qui permettra aux sociétés responsables de fraudes d'ampleur d'acheter leur innocence" a expliqué Laura Rousseau, responsable du pôle flux financiers illicites à l'association Sherpa.

Volte-face sur les ambitions

Pour certains députés de l'opposition, le recours à la CJIP étendu à la fraude fiscale entre en contradiction avec une autre mesure du projet de loi antifraude: la fin du monopole des poursuites détenu par l'administration fiscale, le fameux "verrou de Bercy", concernant les plus gros fraudeurs fiscaux. "Vous êtes en train en réalité de désincarner toute la loi que vous nous proposez contre la fraude fiscale", a affirmé l'Insoumis Eric Coquerel, fustigeant une "volte-face" du gouvernement à propos de la CJIP. Véronique Louwagie (LR) a-t-elle dénoncé "une solution" visant à "échapper à un procès public" qui crée "une justice à deux vitesses". "Il s'agit d'une convention passée avec l'entité morale. Le dirigeant (de l'entreprise) peut très bien lui être mené au pénal pour le procès public que vous appelez absolument de vos voeux", a répondu le rapporteur du projet de loi antifraude Émilie Cariou (LREM). L'examen de ce projet de loi doit s'achever mercredi avant un vote solennel le 26 septembre.

(avec agences)