Cahuzac affirme avoir ouvert un compte en Suisse au profit de Michel Rocard

Par latribune.fr  |   |  600  mots
Jérôme Cahuzac encourt jusqu'à sept ans de prison et 1 million d'euros d'amende, ainsi que la privation de ses droits civiques, civils et de famille.
Alors qu'il comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris pour fraude fiscale, l'ancien ministre du Budget a déclaré que "deux versements des laboratoires Pfizer" étaient destinés au financement d'activités politiques au profit de Michel Rocard.

Article publié le 2 septembre à 8 h 20, mis à jour le 5 septembre à 17 h 45

C'est une petite bombe qu'a lâché, en pleine audience, l'ancien ministre du Budget. Interrogé à son procès pour fraude fiscale sur des versements du laboratoire Pfizer sur un compte ouvert en Suisse en 1992, Jérôme Cahuzac a affirmé que le premier compte qu'il a ouvert en Suisse a servi, dans un premier temps, à financer l'activité politique de l'ancien Premier ministre Michel Rocard, après sa démission.

Jérôme Cahuzac, actuellement jugé pour fraude fiscale et blanchiment à Paris, est accusé d'avoir dissimulé des avoirs sur un compte bancaire ouvert dès 1992 en Suisse, puis transféré à Singapour en 2009, via des sociétés écrans établies au Panama et aux Seychelles.

"La vie politique coûte cher"

Les sommes virées entre novembre 1992 et mai 1993 sur le premier compte, ouvert en 1992 à la banque UBS en Suisse au nom d'un avocat, n'étaient pas le fruit de son travail, mais constituaient le financement des activités politiques de Michel Rocard, a-t-il annoncé lundi à la barre à la surprise générale."La vie politique coûte cher", a déclaré Jérôme Cahuzac, expliquant qu'à l'époque, le financement occulte était "la règle".

L'ouverture de ce compte, "c'était du financement politique pour un homme dont j'espérais qu'il aurait un destin national", a-t-il ajouté.

L'ancien ministre comparaît, à partir de lundi, et jusqu'au 15 septembre, devant le tribunal correctionnel de Paris pour fraude fiscale, blanchiment et pour avoir "minoré" sa déclaration de patrimoine en entrant au gouvernement en mai 2012

Ministre du Budget de mai 2012 à mars 2013, Jérôme Cahuzac aurait dissimulé pendant des années un compte à l'étranger. L'affaire, qui a éclaté fin 2012 et a abouti en mars 2013 à la chute du ministre, fût un coup de tonnerre, la première brèche dans la "République exemplaire" promise par François Hollande.

"Un électrochoc salutaire"

A l'ouverture du procès, l'ONG Transparency International France a estimé lundi que "l'affaire Cahuzac aura constitué pour notre pays un électrochoc salutaire". L'affaire a en effet eu pour conséquence la création en 2013 d'un parquet national financier et d'une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Aussi, afin de "tenir compte de l'évolution de loi", le procureur Jean-Marc Toublanc a demandé la requalification des poursuites. Le procureur a souligné les "circonstances aggravantes de la fraude".

Un procès reporté

Le procès qui s'ouvre le 5 septembre devait initialement se tenir en février dernier, mais la défense de l'ancien ministre et de son ex-épouse avait soulevé, lors de son ouverture, plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Les avocats de Jérôme Cahuzac et son ex-femme ont en effet pointé du doigt le cumul de la procédure pénale avec un contentieux fiscal et le principe du non bis in idem, selon lequel on ne peut être jugé deux fois pour de mêmes faits. Or, Jérôme Cahuzac s'est déjà vu infliger des sanctions fiscales.

Le report du procès avait donc été décidé, le 10 février dernier, afin de transmettre l'une de ces QPC à la Cour de cassation, qui l'a transmise à son tour au Conseil constitutionnel. Ce dernier a fini par rejeter la QPC le 24 juin dernier, ouvrant la voie au procès.

Jérôme Cahuzac, qui s'était fait le héraut de la lutte contre l'évasion fiscale, encourt jusqu'à sept ans de prison et 1 million d'euros d'amende, ainsi que la privation de ses droits civiques, civils et de famille.

(Avec AFP et Reuters)