Fraude fiscale : l'affaire Cahuzac devant la Cour de cassation

L'amende équivaut-elle à la prison? Peut-on être jugé deux fois pour la même infraction? La Cour de cassation dira mercredi si elle s'en remet aux juges constitutionnels dans l'affaire de fraude fiscale qui aura marqué le quinquennat de François Hollande, celle du ministre menteur Jérôme Cahuzac.
Même si le Conseil constitutionnel invalide les poursuites concernant la fraude fiscale, les mises en cause pour blanchiment demeureront.

Une partie de l'avenir judiciaire de Jérôme Cahuzac, l'ancien ministre du Budget devenu paria de la gauche, se joue mercredi. La Cour de cassation dira si elle s'en remet ou non aux juges constitutionnels dans l'affaire de sa fraude fiscale massive. Autrement dit, elle dira si oui ou non, on peut être jugé deux fois pour la même infraction, Jérôme Cahuzac ayant déjà été soumis à une amende.

La Cour rendra en fait sa décision dans deux affaires: celle de l'ancien ministre du Budget, jugé pour avoir caché un compte à l'étranger, et celle du richissime marchand d'art Guy Wildenstein, poursuivi lui aussi pour fraude fiscale.

Il s'agit de répondre à deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) de la défense, qui conteste, pratiquement dans les mêmes termes, le cumul de sanctions pénales et fiscales.

Procès le 5 septembre

Le combat d'experts entamé autour de ces questions a offert un répit de quelques mois à l'ancien ministre du Budget comme à l'héritier. Mais leurs procès auront bien lieu, quelle que soit la décision de la plus haute juridiction. Pour Jérôme Cahuzac, ex-chantre de la rigueur à l'origine du premier scandale du quinquennat, la date est déjà fixée au 5 septembre.

Il retrouvera sur les bancs du tribunal correctionnel son ex-épouse, Patricia Ménard, poursuivie comme lui pour fraude fiscale et blanchiment, et leurs anciens conseillers, le banquier suisse François Reyl et l'ex-avocat Philippe Houman, qui répondront de blanchiment. Tous encourent jusqu'à sept ans de prison et un million d'euros d'amende.

La QPC, à laquelle le Conseil constitutionnel aura trois mois pour répondre si elle est transmise, interroge la constitutionnalité d'articles du code général des impôts qui autorisent, "à l'encontre de la même personne et en raison des mêmes faits, le cumul de procédures ou de sanctions pénales et fiscales".

Double peine ou exemplarité ?

A l'audience, l'avocat de l'ancien ministre, Emmanuel Piwnica, avait dénoncé une double peine, rappelant que les époux Cahuzac avaient accepté "un redressement fiscal majoré de 80%", d'un montant de plus de 2,3 millions d'euros, dont 500.000 euros de pénalités.

L'avocat général Denis Mondon avait vertement répliqué qu'il n'était pas question d'affirmer qu'"une amende est de même nature qu'une peine de prison".

"Les sanctions fiscales protègent les intérêts financiers de l'Etat", tandis que "les sanctions pénales protègent la citoyenneté, la nation": dans un cas, on veut être remboursé, dans l'autre, on vise "l'exemplarité", la "dissuasion" via la "publicité des débats", avait-il lancé.

Si elle décidait de transmettre la question aux "sages", la Cour de cassation pourrait s'appuyer sur un précédent retentissant, celui d'EADS. Le Conseil constitutionnel avait mis fin à une procédure pénale contre le groupe aéronautique le 18 mars 2015 car les faits avaient déjà été examinés par une juridiction administrative.

Pour l'ex-ministre comme pour Guy Wildenstein, même dans l'hypothèse d'une décision des "sages" invalidant les poursuites concernant la fraude fiscale, demeureront les mises en cause pour blanchiment.

Un accroc à la "République exemplaire" de François Hollande

Premier accroc à la "République exemplaire" voulue par François Hollande, l'affaire Cahuzac avait démarré en décembre 2012, quand le site Mediapart révèle que le ministre a possédé un compte caché à l'étranger. L'étoile montante socialiste commence par tout nier, avant de démissionner en mars 2013 puis de passer aux aveux en avril.

L'instruction a démonté les mécanismes d'une fraude fiscale "sophistiquée" et "familiale", visant à placer l'argent des revenus de la clinique spécialisée dans les implants capillaires des époux Cahuzac, mais aussi des prestations du chirurgien auprès de laboratoires pharmaceutiques.

Un premier compte a été ouvert par un "ami" en 1992, puis un autre au nom de Cahuzac. Lorsque le secret bancaire suisse se fissure en 2009, les quelque 600.000 euros qu'y détient Jérôme Cahuzac prennent la route de Singapour, via une société enregistrée aux Seychelles.

Les époux ouvrent aussi ensemble un compte sur l'île de Man en 1997. Patricia Cahuzac ouvre en 2007 son propre compte suisse. L'argent est aussi "blanchi" via les comptes de la mère de l'ancien ministre, qui a reconnu s'être fait livrer de l'argent liquide à Paris.

(Avec AFP)

Commentaires 7
à écrit le 15/05/2018 à 14:37
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Comme tout le monde je viens d'entendre la décision de justice sur l'affaire Cahuzac et je suis écoeuré par cette décision. Mr Cahuzac va s'en doute s'en sortir avec un bracelet électronique avec tout le mal qu'il a fait à l'ensemble de la société, d...

à écrit le 28/03/2016 à 15:40
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En taule. Il est non seulement un hors la loi, mais il est un traitre de la nation. (Le silence des politiciens au sujet de sa traîtrise du peuple français est explicable par le fait qu'ils sont aussi en évasion fiscale...)

à écrit le 28/03/2016 à 14:02
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Il ne me semble pas qu'il y ait 2 sanctions ni deux condamnations. En effet, la loi peut prévoir une seule sanction mais décomposée en deux temps. Rien de bien exceptionnel. Par contre la règle constitutionnelle veut de ne retenir que la sanction...

le 30/03/2016 à 13:53
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Une infraction (ou un délit) peut bien amener à être condamné de plusieurs manières. Si je grille un radar, j'aurai à la fois des points en moins (condamnation n.1) et une amende à payer (condamnation n.2). Voir à négocier mon job avec mon patron (si...

à écrit le 28/03/2016 à 12:06
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Petit arrangement entre copains ! Trop peu Qu il ouvre sa gueule sur L exemplaire 1 er 🇨🇭💰🔫💉

à écrit le 28/03/2016 à 10:26
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Je ne comprends pas comment peut-on un jour traduire Christine LAGARDE devant la Haute Cour de Justice de la République pour l'affaire TAPIE, et traduire devant des juridictions ordinaires un ancien ministre du Budget de la République ? qui plus est,...

le 28/03/2016 à 11:37
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Le statut de témoin assisté sera probablement accordé à Cahuzac, tout comme à Sarko, à Balkany etc. Ces gens la ne vivent pas dans le même monde...

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