Gérard Larcher, l'art de se réinventer

Par Bruno Jeudy  |   |  945  mots
Gérard Larcher : « Je n'ai plus l'âge. Mon objectif est de faire un nouveau mandat de président du Sénat mais je ferai tout pour faire revenir la droite au pouvoir. » (Crédits : GONZALO FUENTES)
Élu pour la première fois en 1979 au conseil municipal de Rambouillet, Gérard Larcher en devient maire en 1983. Quatre décennies plus tard, le président du Sénat totalise 36 années de mandat à la chambre haute, dont 11 comme président, 28 années à la tête de la mairie de Rambouillet et 3 en tant que ministre dans les gouvernements Raffarin et Villepin. Retour sur cette incroyable longévité par Bruno Jeudy.

La photo est cachée derrière une autre sur la cheminée de son bureau de président du Sénat. Gérard Larcher aime la montrer à ses visiteurs avec un petit sourire en coin. On y voit sur ce document en noir et blanc de la séance inaugurale du Sénat en 1996 le jeune (37 ans) sénateur des Yvelines, élu pour la première fois en 1986, et l'autre benjamin (35 ans) de la Haute-Assemblée Jean-Luc Mélenchon, son collègue socialiste de l'Essonne avec son collier de barbe entourant le président de l'époque Alain Poher. Autre temps, autre histoire.

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Depuis le « petit vétérinaire » de Rambouillet, comme l'avait surnommé Charles Pasqua, a fait son chemin. Avec son physique de sénateur, son tempérament tout en rondeur et sa subtilité politique, il fait rapidement partie des murs. Quand il débarque au Sénat, Gérard Larcher milite déjà dans les rangs du RPR depuis une bonne dizaine d'années. C'est l'époque où François Mitterrand est contraint à composer dans une inédite cohabitation avec Jacques Chirac. L'ascension du pasquaïen Larcher sera rapide. La compétition politique lui va comme un gant. Larcher est une fine gâchette. Ce Normand de naissance, fils d'un maire de L'Orne, est un grand amateur de chasse et d'équitation. Il a même été le vétérinaire de l'équipe de France championne olympique à Montréal en 1976. Bon vivant, il aime les campagnes et revient rarement bredouille de ses joutes électorales.

Élu pour la première fois en 1979 au conseil municipal de Rambouillet, il en devient maire en 1983. Quatre décennies plus tard, le sénateur des Yvelines est toujours dans l'arène politique, totalisant 36 années de mandat au Sénat dont 11 comme président, 28 à la tête de la mairie de Rambouillet et 3 en tant que ministre dans les gouvernements Raffarin et Villepin.

Le petit vétérinaire « ne veut pas se la péter »

Incroyable longévité. Traversant les pouvoirs et les modes, Gérard Larcher dure et se réinvente sans cesse. Ministre du Travail, il fait l'unanimité auprès des syndicats qui saluent son sens du dialogue. De retour au Sénat, il conquiert la présidence en terrassant le favori Jean-Pierre Raffarin. Après un premier mandat de président du Sénat entre 2008 et 2011, il est battu par un socialiste. La remise en cause est brutale. Il travaille sa communication et ses réseaux. Change ses équipes. Prend sa revanche en 2014 et redore le blason d'un Sénat, symbole de l'ancien monde raillé par Emmanuel Macron lors de son accession au pouvoir.

Mais le jeune président ne connaît pas Raoul. Le patron du Sénat va organiser la résistance. A 73 ans, il revient donc du diable vauvert. Catholique devenu protestant (lors de son mariage en secondes noces), Larcher devient le plus petit dénominateur commun d'une droite déchirée et à la peine. Au point de se retrouver presqu'au centre de la vie politique. Certains envisagent sérieusement qu'Emmanuel Macron finisse par lui proposer Matignon pour sortir de la paralysie qui guette le Parlement faute de majorité. Lui passe son temps à dire non à une proposition qui ne lui a jamais été faite formellement.

Il refuserait Matignon « en l'état actuel des choses »

L'ex-maire de Rambouillet n'a qu'un objectif en tête : se faire réélire pour la sixième fois sénateur des Yvelines et ensuite décrocher pour la quatrième fois un la prestigieuse présidence de la Haute-Assemblée qui fait de lui le troisième personnage de l'Etat. Il confie à la Tribune qu'il refuserait « en l'état actuel » de ses différences avec Emmanuel Macron d'être son Premier ministre. Seules de nouvelles élections législatives et donc une dissolution pourraient, selon lui, créer les conditions d'un choc qui pourraient amener Les Républicains à conclure un contrat de majorité avec les macronistes. C'est donc non.

Pour autant, Gérard Larcher se méfie de la pente qui conduit la France vers les dangers extrémistes. Il abhorre Marine Le Pen et ses idées. Le chiraquien n'a pas oublié ses fondamentaux. Il trouve que Gérald Darmanin « fait le job ». Il s'entend bien avec Bruno Le Maire. Il entretient évidemment de bonnes relations avec Bruno Retailleau, tenant d'une ligne dure à droite et juge « intéressante » l'interview que Laurent Wauquiez a accordée au magazine « Le Point ».

Après 40 ans de vie politique et avant de démarrer probablement son dernier mandat, le « petit vétérinaire » ne veut pas « se la péter », fidèle à la promesse faite à son fils lors de sa première élection. Il voudrait surtout baliser le chemin qui ramènera la droite modérée vers le pouvoir. Ce qu'il a raté deux fois avec ses candidats préférés et successifs, de François Fillon (avec qui il est fâché) à Valérie Pécresse. Revenant d'un voyage en Arménie en 2021 et alors que certains le pressaient de se lancer dans la course à l'Elysée, il nous confia : « Je n'ai plus l'âge. Mon objectif est de faire un nouveau mandat de président du Sénat mais je ferai tout pour faire revenir la droite au pouvoir. » La présidence du Sénat ne devrait pas lui échapper. Il lui reste à réinventer la droite. Ce n'est pas gagné.

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