Bruno Le Maire : fugue en do majeur

PORTRAIT- Son livre, "Fugue américaine", fait grand bruit. Sa longévité à Bercy étonne. Son destin interroge : littérature ou Elysée, faudra-il choisir ? Portrait de Bruno Le Maire, le ministre-écrivain, à l'occasion de son Entretien du Jeudy.
(Crédits : KEN CEDENO)

Aussi loin que je me souvienne, Bruno Le Maire a toujours hésité entre l'écriture et la politique. Il finira par marier les deux. Après tout, il n'est pas le premier ministre-écrivain. Avant lui, la vie politique française a fait de la place à des auteurs célèbres de Georges Clemenceau à Edouard Herriot, du Général de Gaulle à François Mitterrand, de Maurice Druon à Françoise Giroud. Il n'y a guère de pays au monde qui cultive cette singularité politique et culturelle. Une chance qui nous tire vers le haut. Évidemment, le timing de la publication du dernier essai (le treizième depuis 2004) du ministre de l'Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique tombe au plus mauvais moment alors que la note financière de la France vient d'être dégradée...

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La polémique qui a entouré la sortie de « Fugue américaine » (Editions Gallimard) est révélatrice de l'époque. Dans l'entretien qu'il accorde à La Tribune, le numéro deux du gouvernement affiche sa sérénité malgré les moqueries et les attaques qui le visent sur les réseaux sociaux. Rassuré par les critiques littéraires qui saluent un « remarquable » livre, il sait qu'à l'arrivée cette « fugue américaine » sculpte un peu plus une trajectoire originale et humanise une image un brin aristo et professorale. Il s'inquiète, en revanche, de ce que cache cette polémique : une « mécanique » qui ne sert pas, dit-il, la démocratie, la liberté d'expression et la culture française.

Depuis vingt ans qu'il arpente les couloirs du pouvoir, Bruno Le Maire navigue avec succès entre Chiraquie, Sarkozie et Macronie. Avril 2007 : le jeune directeur de cabinet du Premier ministre, Dominique de Villepin, est à la croisée des chemins. Son mentor a perdu la bataille face à Nicolas Sarkozy qui s'apprête à entrer à l'Élysée. Le chiraquien vient de refuser l'offre de Jean-Louis Debré de lui succéder comme député UMP de l'Eure. Plutôt que retourner dans son corps d'origine, Bruno Le Maire saute sur l'occasion. « Vous croyez que je peux me faire élire ? » me demande-t-il. « Oui à condition de vous mettre à portée de baffes et d'y aller à fond », lui dit-on.

L'énarque-normalien met alors entre parenthèses ses envies d'écriture et se lance sur les routes de Normandie. Et sort vainqueur d'une primaire fratricide. La suite est une irrésistible ascension. À l'Assemblée nationale, le chiraco-villepiniste sort vite du lot. Et pas seulement grâce à son mètre quatre-vingt-onze. Il taille sa route au milieu des clans de la droite. Décroche un premier portefeuille ministériel en 2008 (les Affaires européennes) avant de découvrir le monde agricole où il restera jusqu'en 2012. Son vrai baptême du feu avec son lot de manifs musclées d'agriculteurs.

Mais avec Bruno Le Maire, l'écriture n'est jamais bien loin. Après s'être fait remarquer en publiant un premier essai « Le ministre » (2004), dans lequel il raconte son métier de conseiller-plume, il récidive en 2008 avec « Des hommes d'État ». Un récit percutant qui raconte de l'intérieur l'impossible ménage à trois entre Chirac-Sarkozy-Villepin. L'opus le brouille avec la chiraquie. La Sarkozie se gausse. Le ministre-écrivain n'en a cure. Il en profite pour constituer une garde rapprochée autour de quelques conseillers prometteurs dont Sébastien Lecornu, l'actuel ministre des Armées. Car Le Maire voit au-delà de 2012. Il ne croit pas trop à la réélection de Sarkozy. En 2013, il signe un nouveau et cinglant livre (« Jours de pouvoir ») sur ses années sarkozystes...

Désormais émancipé, il n'attend pas son tour. Il défie l'ex-président lors de son retour en politique. Une opération gonflée mais qui lui offre la notoriété. À défaut de succès. Un galop d'essai pour la primaire présidentielle de 2016 où il se ramasse avec 2,4% des voix... La marche était trop haute. L'ambitieux Le Maire apprend l'humilité. Désertant le camp Fillon en pleine présidentielle, il passe avec armes et bagages chez Emmanuel Macron et devient ministre de l'Économie et des Finances dans le premier gouvernement d'Edouard Philippe. À Bercy, il consolide son fortin au fil des années avec la confiance d'Alexis Köhler, le puissant secrétaire général de l'Élysée et véritable numéro deux du pouvoir macroniste.

Ses relations avec Edouard Philippe sont fraîches. Elles seront plus indifférentes avec son successeur Jean Castex. Ces deux-là ne s'aiment pas beaucoup. La nomination d'Elisabeth Borne ne le dérange pas. Le numéro deux du gouvernement a élargi son périmètre. Au fond, Bruno Le Maire a compris que le président de la République ne le nommerait pas à Matignon. Le plus expérimenté des ministres, le plus professionnel aussi n'a pas conquis la confiance de Jupiter. Juste son respect pour « le professionnel ». Ce qui n'est déjà pas mal de la part d'Emmanuel Macron, président-philosophe probablement envieux de son ministre écrivain.

Dans l'immédiat, l'homme fort du gouvernement en poste à Bercy depuis 2.182 jours (seul VGE a fait mieux) doit reprendre en urgence le contrôle des finances publiques de la France sous peine de finir comme la Grèce et d'hypothéquer son propre avenir politique. « Le rétablissement des comptes publics n'est pas négociable », clame-t-il. Avant de quitter le ministère de l'Économie et des Finances, il doit donc prouver que le « quoi qu'il en coûte » est bien terminé. C'est tout le défi du budget 2024. Après quoi, il sera toujours temps pour Le Maire de préparer sa prochaine fugue. Vers l'Élysée ou la littérature.

Commentaires 13
à écrit le 15/05/2023 à 8:44
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La longévité du Ministre de la Dépense publique, responsable direct de l’accroissement phénoménal de nos dettes, ne peut s’expliquer que d’une seule façon: la nécessité pour Macron de disposer d’un fusible.. L’histoire jugera très durement le gouvern...

à écrit le 14/05/2023 à 8:37
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Je préfère un Blues en Si mineur façon BB King ou l'ambiance (modale) de "So What"...entre autres🎺

le 14/05/2023 à 17:07
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traitre un jour tratre toujours apres avoir quitte lr pour la macronie il vas quitter la france pour les usa a ce niveau ces de la haute trahison si ont compare ce que l'israel a fait avec ces ressortissants a propos des usa

à écrit le 14/05/2023 à 0:23
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Jeudy essaie de renvoyer l'ascenceur. Un cireur de premier ordre. On appelle cela du journalisme. Si, si, sans rire.

le 14/05/2023 à 8:17
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c'est ce genre de personne que les francais ne veulent plus au pouvoir des gens qui se serve de leur fonction pour trahir la nation et offrir leur service a d'autre combien d'entreprise il a favorise la vente a des societes americaine ou chinoise ...

à écrit le 13/05/2023 à 20:22
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Souvenez-vous de Caligula déjeunant avec son cheval dénommé consul Incitatus. L’empire romain s’effondra lorsque ses dirigeants ne furent plus choisis selon leurs capacités.

à écrit le 13/05/2023 à 19:57
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BLM c' est le gars qui est "en même temps" un adepte de la ..dilatation salariale ; sur Bfm il appelait l y a peu "toutes les entreprises qui le peuvent à augmenter les salaires". Rappelons que BLM c' est aussi le gars qui a fai...

le 14/05/2023 à 11:05
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Confinement inutile ? Comme vous y allez .. ça a ss a doute sauve 12 millions de malades chroniques et handicapés … et je ne parle pas des seniors …. Alors libre à vous de penser cela mais dans quelques années ça sera votre tour … on vous débranchera...

le 14/05/2023 à 11:05
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Confinement inutile ? Comme vous y allez .. ça a ss a doute sauve 12 millions de malades chroniques et handicapés … et je ne parle pas des seniors …. Alors libre à vous de penser cela mais dans quelques années ça sera votre tour … on vous débranchera...

le 14/05/2023 à 12:29
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Les confinements ont été très utiles pour bloquer l' économie et filer vers le great reset de schwab alors même que la consigne des mondialistes était de débrancher les traitements qui vont bien pour la grippe. L' exp...

le 14/05/2023 à 14:11
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@Débranchez le - 12 millions seulement d'après les modèles de Pasteur ? Mes propres modèles épidémiologiques disent 24 millions au moins. En fait, ils disent très exactement ce qu'on veut leur faire dire. Par contre les faits disent autrement, que ce...

à écrit le 13/05/2023 à 19:07
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"l'homme fort du gouvernement", en poste depuis 2100 jours, au vu des résultats il ferait mieux de se consacrer à la littérature, il ne pourra être que meilleur.

à écrit le 13/05/2023 à 16:17
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Un touche à tout... qui ne fait rien et veut être autre chose, cela se disperse ! Mauvaise augure ! ;-)

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