"Gilets jaunes" : le gouvernement suspend la hausse des prix du carburant et de l'énergie

Par latribune.fr  |   |  938  mots
(Crédits : Reuters)
Le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé ce mardi 4 décembre un moratoire sur la hausse de la taxe sur les carburants, prévue le 1er janvier, ainsi que le gel des tarifs de l'électricité et du gaz, et du durcissement du contrôle technique automobile jusqu'au 15 mars 2019, le temps de procéder à une "grande consultation" des Français.

[Article publié le 04/12 à 8h26, mis à jour à 13h15 avec les déclarations d'Edouard Philippe]

"Il faudrait être sourd" pour ne "pas entendre la colère" des Français". Le Premier ministre Édouard Philippe a tranché ce mardi 4 décembre en faveur d'un moratoire sur la hausse de la taxe sur les carburants, prévue le 1er janvier - une des principales revendications du mouvement des "Gilets jaunes". Ce moratoire va durer jusqu'au 15 mars 2019 et sera assorti d'autres mesures d'apaisement, telles que la suspension de la hausse des tarifs de l'électricité et du gaz, et du durcissement du contrôle technique automobile pendant six mois.

Selon une source gouvernementale à Reuters, la "pause" sur la fiscalité écologique va amputer les recettes de l'Etat de 2 milliards d'euros en 2019.

Le Premier ministre a également évoqué une "prime mobilité" qui sera étudiée dans le cadre d'une "grande consultation" qui durera jusqu'au 1er mars. "Tous les Français qui le souhaitent doivent pouvoir s'exprimer", a-t-il précisé.

Les taxes sur l'essence devaient augmenter de 2,9 centimes par litre au 1er janvier, celles sur le diesel de 6,5 centimes.

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La hausse du gazole pour les professionnels (GNR) également suspendue pendant six mois

Pour accélérer la transition écologique, le gouvernement avait décidé, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) 2019, de mettre fin au taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) dont bénéficient certains carburants polluants qui alimentent des moteurs autres que ceux utilisés pour la propulsion de véhicules sur route (gazole non routier ou GNR). Cet avantage fiscal bénéficiait notamment aux entreprises de travaux publics.

La mesure sera, elle aussi, suspendue pendant six mois. Lors d'un entretien accordé en octobre à La Tribune, la ministre des Transports Elisabeth Borne avait pourtant "assumé" cette mesure.

"Nous avons pu entendre parfois que le gouvernement ne s'engageait pas suffisamment sur l'écologie. Cependant, lorsque nous voulons mettre en place une fiscalité plus écologique, nous entendons que ce n'est pas la bonne méthode. Nous assumons ces décisions, à l'échelle de l'ensemble du gouvernement. Nous sommes bien conscients qu'il faille accompagner les entreprises dans la possibilité de répercuter cette hausse afin que les marges ne soient pas « mangées ». Des échanges ont eu lieu entre les représentants du secteur et le cabinet de Bruno Le Maire. Nous allons travailler avec la profession pour trouver la bonne solution."

Suite aux déclarations gouvernementales, Nicolas Vuillier, président de l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction (UNICEM), a salué le moratoire sur le GNR et espère que « désormais nos organisations professionnelles seront sollicitées par le gouvernement avant toutes prises de décision brutale impactant durablement nos activités ».

Une suspension des mesures fiscales "par soucis d'apaisement"

Le chef du gouvernement a d'abord acté toutes ces mesures "d'apaisement" lors d'une réunion de groupe des députés La République en Marche (LREM) et Modem organisée ce mardi matin, puis lors d'une allocation télévisée à la mi-journée. Edouard Philippe a justifié ces mesures pour préserver "l'unité de la Nation".

"Il faut donner aux Français une raison de revenir à la raison", a-t-il justifié, tout en estimant que "le moratoire ne remettra pas en cause l'ambition de la transition écologique". "Une taxe, ce n'est pas une réforme, mais un moyen de la réforme (...)"

"Depuis le début du mouvement, quatre de nos compatriotes ont trouvé la mort, plusieurs centaines de citoyens en particulier des membres de nos forces de l'ordre ont été blessés, parfois gravement. C'est pourquoi, dans un souci d'apaisement, nous avons pris avec le président de la République les décisions suivantes".

Le moratoire réclamé par les chefs de partis

Le moratoire sur la hausse de la contribution climat énergie (CCE) ou taxe carbone était la principale demande des "Gilets jaunes", mais aussi de la plupart des chefs de partis politiques reçus lundi, à Matignon. L'abandon de la hausse des taxes est d'ailleurs la première demande du mouvement des "gilets jaunes", parmi d'autres revendications fiscales, salariales ou sur le train de vie de l'État notamment.

Pour le Parti socialiste (PS), incarné par son premier secrétaire, Olivier Faure, et les présidents des groupes parlementaires Valérie Rabault et Patrick Kanner, "[le moratoire] doit être un préalable à toute discussion". Et pour Laurent Wauquiez, chef de file des Républicains (LR), "ces gestes d'apaisement doivent venir d'une seule décision attendue par tous les Français : l'annonce de l'annulation des hausses de taxe" sur le carburant.

Même le nouveau délégué général de La République en marche (LREM) Stanislas Guerini s'est dit favorable ce matin à un moratoire pour "apaiser le pays".

"Oui, je crois que ce serait sain, je crois qu'il faut apaiser le pays", a répondu le député de Paris sur RTL qui "a évolué" alors qu'il était encore opposé à cette mesure il y a quelques jours.

Le rendez-vous avec des "Gilets jaunes" annulé

En outre, Matignon a confirmé l'annulation de la réunion prévue avec une délégation de "gilets jaunes" dit "libres" ce mardi après-midi. La plupart des membres de cette délégation avaient prévenu qu'ils ne se rendraient pas à la réunion avec le Premier ministre pour "raisons de sécurité", du fait de menaces contre eux s'ils s'y rendaient.

(avec AFP et Reuters)