Grand Paris Express : pourquoi les coûts ont dérapé selon la Cour des Comptes

Par César Armand  |   |  545  mots
Auditionné ce mercredi 17 janvier 2017 par la commission des finances de l'Assemblée nationale, le premier président de la Cour des Comptes, Didier Migaud, a fustigé une « dérive » des dépenses de la SGP qui gère la construction du Grand Paris Express. Le coût final du super métro qui entourera la capitale est réévalué à 38,5 milliards d'euros, soit une dérive de 50% par rapport au chiffrage initial. De quoi s'interroger sur le maintien en l'état du projet sur les lignes les plus menacées.

La commission des Finances de l'Assemblée nationale de la précédente législature alors présidée par Gilles Carrez, député-maire (LR) du Perreux-sur-Marne (94), avait commandé cette enquête sur la Société du Grand Paris. Le résultat est sans appel : auditionné ce mercredi 17 janvier par la commission des finances de la nouvelle assemblée élue en juin 2017, le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, a dénoncé « des coûts qui ne cessent de dériver », une situation qui interroge « la soutenabilité » et la gouvernance ainsi que le pilotage « à réformer ».

D'un coût objectif initial de 25,5 milliards d'euros en mars 2013, il a été réévalué, en juillet 2017, à 38,5 milliards, soit 51 % de hausse ! Rien que sur l'approfondissement des études, « la SGP a été incapable de fournir les bases de calcul et les provisions largement insuffisantes », tonne le magistrat.
L'Etat et Île-de-France Mobilités ont également leur part de responsabilité : ajout du site de maintenance à Aulnay pour 592 millions d'euros, véhicules de maintenance pour 380, arbitrages sur le bouclage d'Eole pour 500. Et bien sûr l'accélération des échéances en vue des JO : « le réalisme de ce calendrier apparaît très discutable ».

Une dette insoutenable

Dans ce contexte, le remboursement des emprunts, prévue pour 2059, s'achèveront, selon les estimations des sages de Cambon, en... 2095 pour 134 milliards d'euros. Le quadruple des intérêts estimés au départ ! Didier Migaud pointe « un modèle risqué sur les recettes fiscales et insuffisantes sur le plan juridique » et prévient : « l'EPIC ne sera jamais en mesure de rembourser la dette contractée ».

Si ces perspectives sont bien « sombres », et interroge sur le maintien de la construction des lignes les plus menacées de report, la Cour des comptes propose, notamment, d'assigner à la SGP un coût d'objectif ligne par la ligne, de revoir le périmètre et le phasage du chantier géant et de mettre en place un contrôle renforcé. Même la gestion des marchés est discutable : « des règles de procédure parfois contournées, des recours mal contrôlés, un risque de dépendance avec la principale maîtrise d'ouvrage... ». Bref, selon ses mots, « la SGP n'a pas fait preuve d'une totale transparence ».

Renforcer les pouvoirs du conseil de surveillance

Sur l'administration au quotidien, Didier Migaud pointe deux écueils : le manque de contrôle par le conseil de surveillance sur le directoire - « il y a lieu de renforcer ses pouvoirs et de faire évoluer la gouvernance » et l'éclatement, jusqu'en septembre 2017, de la tutelle sur la Société Grand Paris : « jusqu'à mi-2016, les autorités n'ont pas fait preuve d'un zèle excessif. La SGP a été rattachée à quatre administrations avant le comité des tutelles sous la direction du préfet de Paris ».
De 127 agents en 2013, la SGP est passée à 271, mais là n'est pas le problème : le nombre de prestataires est passé de 1 à 8 pour atteindre le chiffre de 2 271 ! Et la Cour de s'interroger, en comparaison avec des projets de même envergure, sur « la relative faiblesse des ressources humaines et le recours massif et croissant à des prestataires pour sous-traiter les tâches ». L'histoire ne nous dit pas si les prestataires ne sous-traitent pas à leur tour.