Grève à la SNCF : promis, pas de privatisation assure l'exécutif

Par latribune.fr  |   |  764  mots
Pour maintenir la pression sur le gouvernement, les syndicats ont appelé à une "journée sans cheminots" lundi. Le taux de grévistes a été de 27,58%, soit la troisième plus forte mobilisation depuis le début du mouvement, les 3 et 4 avril. (Crédits : Philippe Wojazer)
Avec 27,58% de grévistes lundi à la SNCF, les syndicats ont réussi à muscler la mobilisation contre la réforme ferroviaire, en lançant en parallèle leur consultation auprès des cheminots sur le projet de l’exécutif. Dans un entretien chez nos confrères du Monde ce mardi, Edouard Philippe assure "sans ambiguïté" que l'entreprise restera bien publique. L'incessibilité des titres de la future SNCF pourrait être inscrite dans le texte soumis au Sénat, fin mai.

Une note interne évoquant la privatisation de la SNCF et la suppression de certaines lignes, avait semé le doute dimanche dans les esprits des pourfendeurs du projet de loi sur la réforme ferroviaire. Et c'est peut-être grâce (ou à cause) de cela que la mobilisation d'hier a repris une certaine vigueur, avec 27,58% de grévistes (contre 14,46% le 9 mai). Dans le détail, un fort rebond a été constaté chez les cadres, en grève à 10,14% (contre 3,1 le 9 mai), et la mobilisation s'est envolée chez les conducteurs (74,4%), les contrôleurs (74,3%) et les aiguilleurs (36,7%).

Il s'agit de la troisième plus forte mobilisation depuis le début du mouvement, après les taux inégalés du premier épisode de grève les 3 et 4 avril (33,9% et 29,7%). "La démonstration est réussie" s'est félicité Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminots sur BFMTV.

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Une cinquantaine de plaintes pour incidents et actes de malveillance

Sur l'antenne d'RTL, le directeur général adjoint de la SNCF Mathias Vicherat a fait état d'un "durcissement de certains grévistes". Car à la grève se sont ajoutés des incidents et des actes de malveillance selon la direction, qui va déposer une cinquantaine de plaintes. Elle pointe notamment des "passages à niveau en dérangement", "des clefs du local perdu" et "le sectionnement d'une caténaire en Normandie".

À la gare Saint-Charles de Marseille, la circulation des trains a aussi été paralysée par un blocage des voies. "C'est un détournement du droit de grève, ce type d'exaction" a-t-il estimé.

L'incessibilité de la SNCF inscrite dans la loi ?

Pas de privatisation, c'est promis, assure le Premier ministre Édouard Philippe, dans un entretien accordé ce mardi chez nos confrères du Monde. Interrogé sur l'éventualité d'une privatisation de la SNCF, le ministre est catégorique : "Ma réponse est non". Quant à la question de la reprise de la dette par l'État, il a indiqué qu'elle ne sera "ni minimale, ni totale, mais substantielle". Tous les éléments devraient être connus avant le début de la discussion au Sénat, le 23 mai.

Droit dans ses bottes, il assume ses désaccords avec les syndicats de la SNCF.

"Cette grève à un impact très dur et elle a été conçue pour ça. On peut d'ailleurs s'interroger pour savoir si dans le secteur public le bon usage de la grève est d'avoir l'impact le plus pénalisant sur les usagers. C'est un conception très particulière de ce que doit être un mouvement social (...) Le rôle des syndicats est éminent et il n'a jamais été contesté. Mais dans la définition de ce qu'est l'intérêt général, le Parlement sera à mes yeux toujours plus légitime qu'une organisation syndicale".

Plus tôt, en réaction à la révélation du document interne par Le Parisien, la ministre des Transports Élisabeth Borne a tenté de calmer la polémique en assurant dans un tweet que "les trois entreprises SNCF, SNCF Mobilités et SNCF Réseau sont et resteront 100% publiques et incessibles : ce n'est pas seulement une promesse, c'est ce que nous avons inscrit dans la loi votée à l'Assemblée nationale ! Nous le confirmerons lors du débat du Sénat".

Mieux. Sur l'antenne de France info ce mardi, la ministre n'a pas écarté une inscription en dure du terme "incessible" dans la loi, une revendication de la CFDT. "Si c'est la façon de se faire comprendre, pas de problème, on peut le mettre dans la loi", a-t-elle déclaré.

La légitimité du vot'action fait débat

Les 147.000 salariés de la SNCF sont toujours invités à voter "pour ou contre le pacte ferroviaire porté par le gouvernement" qui reste inflexible sur trois points : l'ouverture à la concurrence, la fin de l'embauche au statut et la transformation de la SNCF en société anonyme à capitaux publics. Le vote se fait dans des urnes, avec bulletins et listes d'émargement devant permettre d'éviter les fraudes (bourrages d'urnes, notamment). Pour autant, pas d'isoloirs et les bureaux de vote sont improvisés. Alors que Guillaume Pépy, le patron de la SNCF, confère à cette consultation "aucune légitimité", Mathias Vicherat juge l'initiative "respectable", même si elle "s'apparente plutôt à une pétition".

Selon les premiers chiffres de la CGT Cheminots, rapporté par l'AFP, la vot'action de la semaine dernière à Nice a donné un résultat net : 95% contre, pour un taux de participation de 63%.

(Avec AFP)