Il faut revoir le calcul des retraites, estime le Conseil d'analyse économique

Par latribune.fr  |   |  781  mots
Le mode actuel de calcul des retraites rend le système beaucoup trop dépendant de la croissance économique, souligne le Conseil d'Analyse économique (CAE). Il faut revenir à l'ancien système

Cela a été déjà souligné, mais c'est un fait majeur : le système français de retraites est extrêmement dépendant de la croissance. Qu'on en juge : à l'horizon de 2050, une croissance moyenne de 1,5% amènerait l'ensemble des régimes de retraite à l'équilibre, ou presque, même avec un taux de chômage restant élevé (10%), tandis qu'une croissance à peine inférieure, de 1% l'an, plongerait le système dans le déficit (près de 2% du PIB).

Une politique constante depuis 1987

Comment l'expliquer ? C'est une politique menée en catimini, initiée par le ministre des affaires sociales Philippe Séguin, en 1987, poursuivie en 1993 par le premier ministre Edouard Balladur, puis inscrite dans la loi Fillon de 2003, qui provoque cette sur-réaction. Une stratégie destinée à diminuer le montant des retraites sans trop le dire, en s'appuyant sur un mécanisme technique mais puissant, puisqu'il compte pour plus que toutes les autres réformes dans l'équilibre des comptes des retraites. Il s'agit du mode de calcul du salaire de référence, base de la pension du futur retraité.

Ce salaire est basé sur les 25 meilleures années de rémunération, comme l'a voulu la réforme Balladur de 1993. La question très technique, mais fondamentale, est celle du mode de calcul de ce salaire de référence: comment actualiser la rémunération reçue il y a 25 ou 30 ans ? En l'indexant sur l'évolution générale des salaires constatée depuis? Ou sur celle des prix ? Depuis 1987, les gouvernements ont choisi cette deuxième option, qui permet de diminuer les pensions servies.

Mais cette diminution est d'autant plus sensible que le niveau général des salaires a été en forte hausse au cours de la période, ce qui correspond bien sûr à une croissance économique importante. Autrement dit, il faut de la croissance pour équilibrer les retraites, ce qui n'a rien d'assuré au cours des années à venir : rien ne prouve que la croissance en France sera supérieure à 1%. Certains économistes estiment la hausse potentiellle du PIB à 0,8%. Voilà pourquoi il faut revoir ce mécanisme, estime le Conseil d'analyse économique (CAE), dans une note publiée ce mercredi.

« Un problème aujourd'hui bien identifié du pilotage de la protection sociale est la forte dépendance des dépenses de retraite au taux de croissance du PIB à long terme » écrit le CAE.

Les mécanismes en jeu peuvent se résumer de la façon suivante. Depuis 1987, les salaires portés aux comptes du régime général, qui rentrent dans le calcul du salaire de référence utilisé pour calculer la pension de retraite, ne sont plus revalorisés par la croissance des salaires, mais par l'inflation.
Cette modification, au départ temporaire (...) conduit à une baisse des taux de remplacement effectifs -rapport entre la pension et le dernier salaire- (mais pas des taux de remplacement du salaire de référence, ceux-ci étant inchangés). Ce mécanisme d'indexation a des effets très puissants : au fil du temps, et avec de la croissance, les salaires augmentent plus vite que les salaires portés au compte (moins bien revalorisés), ce qui fait baisser le salaire de référence par rapport au dernier salaire perçu, et ce d'autant plus que la croissance est importante.

Un mode d'indexation "pervers"

Ce mode d'indexation "est pervers à plusieurs égards" estime le CAE

D'abord, il induit un risque important pour les finances publiques en rendant l'équilibre financier dépendant du rythme de la croissance macroéconomique - une variable incertaine sur laquelle les responsables publics n'ont qu'un faible contrôle. Cela condamne à des révisions successives des paramètres des régimes, en fonction de l'évolution du taux de croissance de l'économie.
Ensuite, le mécanisme d'indexation opacifie l'évolution effective des taux de remplacement pour les cotisants : selon les scénarios macroéconomiques, les taux de remplacement effectifs peuvent varier considérablement (plus de 10 points d'écart pour 1 point de croissance en plus ou en moins).


Que faut-il faire, alors ? Il faudrait revenir au mode de calcul antérieur, à savoir la revalorisation des salaires portés au compte sur la base de l'évolution salariale des années passées. Du coup, la pension serait d'un niveau supérieur. Pour équilibre les régimes de retraite, il serait nécessaire de la diminuer, en baissant le taux de remplacement. In fine, la situation serait peut-être identique pour le nouveau retraité, mais cette réforme aurait le mérite de rendre le système beaucoup plus transparent, et moins dépendant à l'égard d'une croissance future toujours incertaine.