La finance n'aura pas été son adversaire

Par Mathias Thépot  |   |  1323  mots
Que reste-t-il des promesses de François Hollande sur la finance ?
Contrairement à ce qu'il avait promis durant sa campagne de 2012, François Hollande n'a pas combattu son adversaire « sans visage » qu'est la finance. Même s'il est plus régulateur durant la fin de son mandat.

Désigné comme l'adversaire « sans visage » à combattre, le monde de la finance n'aura finalement pas été inquiété outre mesure durant le mandat de François Hollande, qui ne se représentera donc pas une seconde fois à l'élection présidentielle. Il est bien loin ce soir de janvier 2012, à l'aéroport du Bourget, lors duquel le candidat Hollande a réussi à créer un élan d'enthousiasme à gauche pour la présidentielle qui se profilait.
Thème phare de son discours, la régulation de la finance recueillait un large assentiment auprès de son électorat après cinq ans de crise. Mettre « les banques au service de l'économie » faisait d'ailleurs l'objet de l'engagement numéro 7 de François Hollande durant sa campagne : « Je séparerai les activités des banques qui sont utiles à l'investissement et à l'emploi, de leurs opérations spéculatives », avait-il écrit en introduction, afin de protéger les contribuables et les épargnants, c'est à dire l'économie réelle, des dérives spéculatives des banques sur les marchés financiers. La loi du 26 juillet 2013 de « séparation et de régulation des activités bancaires » - c'est écrit dans son titre - était donc censée régler ce problème structurel.

Un sujet trop complexe

Mais il n'en a rien été. Par manque de volonté politique, et aussi par manque de connaissance de la technicité extrême des sujets financiers, le chef de l'Etat, son gouvernement de l'époque, et sa majorité parlementaire, n'ont pas eu le courage de réformer la structure des géants bancaires français. Pour se défendre, les banques ont en effet axé leur stratégie de lobbying sur la forte complexité de leurs métiers, et sur la grande porosité entre leurs activités spéculatives et leurs activités utiles à l'économie.

Au final, seulement deux banques ont séparé une partie infime de leurs activités de marchés : BNP Paribas et Société Générale dans des filiales nommées respectivement Opera et Descartes. Au Monde, BNP Paribas avait indiqué que les activités séparées « comptent pour moins de 2 % des activités de la banque de financement et d'investissement de BNP Paribas et concernent une trentaine de personnes ». Alors que la Société Générale a fixé un objectif de 70 millions d'euros de produit net bancaire (PNB) à sa filiale Descartes, soit 0,2 % de son PNB total. Dans la même loi, François Hollande promettait aussi de mettre « fin aux produits financiers toxiques qui enrichissent les spéculateurs et menacent l'économie ». Mais aujourd'hui, une banque française peut toujours fabriquer un produit de spéculation sur les matières premières agricoles et le vendre à un fonds spéculatif logé dans un paradis fiscal... La loi de séparation bancaire est donc une micro-réforme pour une promesse phare de sa campagne.

S'attaquer aux paradis fiscaux

Les paradis fiscaux étaient également dans le viseur de François Hollande lors de l'hiver 2012 : « J'interdirai aux banques françaises d'exercer dans les paradis fiscaux », avait-il dit. Certes, en matière de transparence, des avancées réelles sont intervenues durant le mandat du chef de l'Etat, notamment concernant le fameux « reporting pays par pays ». Mais pour ce faire, François Hollande a surtout bénéficié de la dynamique internationale engagée pour la lutte contre l'évasion fiscale, et qui vise notamment à mettre la lumière sur les activités des grandes banques dans les paradis fiscaux.

Des avancées importantes sont donc en cours. Reste que François Hollande n'aura pas respecté sa promesse « d'interdire » les paradis fiscaux aux banques françaises à la lettre. Un rapport publié en mars 2016 par trois ONG (le Comité catholique contre la faim et pour le développement-Terre solidaire - CCFD, Oxfam France et le Secours catholique-Caritas France) associées à la Plateforme paradis fiscaux et judiciaires, a en effet livré un constat choc : les cinq grandes banques françaises (BNP Paribas, Société Générale, BPCE, Crédit Agricole et Crédit Mutuel-CIC) ont réalisé 5 milliards d'euros de résultats dans des pays à basse fiscalité en 2014, soit le tiers des profits réalisés par ces banques hors de France. En valeur absolue, la BNP Paribas et la Société Générale auraient même enregistré des bénéficies de respectivement 2,4 milliards d'euros et 1,3 milliard d'euros dans les paradis fiscaux.

Mais la fraternité liant François Hollande et les grandes banques françaises atteindra son paroxysme lorsqu'il ira défendre les intérêts de la BNP Paribas auprès de Barack Obama lors d'un dîner. Le but de sa manœuvre était de limiter les sanctions américaines qui menaçaient la banque pour avoir contourné entre 2000 et 2010 les embargos imposés par les Etats-Unis notamment en Iran et au Soudan. In fine, BNP a été condamnée à payer une amende de 9 milliards de dollars, alors que le chiffre de 16 milliards de dollars était évoqué durant les négociations.

Une fin de mandat plus active sur le terrain de la régulation

En revanche, il faut tout de même souligner que la fin de mandat de François Hollande fut plus active sur le terrain de la régulation financière. Il fallait bien, du reste, faire quelque chose pour que le bilan du quinquennat soit présentable aux électeurs de gauche en 2017. Quelques jours avant les attentats de Charlie hebdo, François Hollande a ainsi relancé l'idée d'une taxe sur les transactions financières au niveau européen. Une action conforme à ses engagements, puisqu'il avait promis de « proposer la création d'une taxe sur toutes les transactions financières ».

Si, depuis, les discussions restent très compliquées avec les autres pays européens, les ministres des finances des dix pays qui envisagent d'appliquer cette taxe (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Italie, Grèce, Portugal, Slovaquie et Slovénie) se sont enfin mis d'accord en octobre 2016 sur l'assiette de la taxe : les actions et une partie des produits dérivés. Les dix gouvernements doivent toutefois encore s'accorder sur le taux pour une entrée en vigueur au mieux en 2018. La fourchette évoquée, selon les produits, se situerait entre 0,01 % et 0,1 %.

C'est dans ce cadre réformiste que se sont engagées les discussions sur le budget 2017 en France, ouvrant la voie aux députés pour un élargissement de la taxe sur les transactions financières existante au niveau national (votée sous Sarkozy et mise en œuvre à l'été 2012). Le taux a été augmenté de 0,1 point de pourcentage, et l'assiette élargie aux transactions journalières, qui incluent notamment le trading à haute fréquence.

Les 2,2 milliards de la Société Générale

Enfin, la dernière affaire - très symbolique - qui concerne le monde de la finance sous François Hollande, est celle du remboursement de la déduction fiscale de 2,2 milliards d'euros accordée par l'Etat français à la Société Générale, au titre des pertes provoquées par Jérôme Kerviel en janvier 2008. Pour qu'une telle déduction s'applique, une jurisprudence du Conseil d'Etat dit qu'il faut que la perte financière délictueuse ait été commise à l'insu des dirigeants, et que les dirigeants n'aient pas été, directement ou indirectement, à l'origine de la perte en cause. Ce que la cour d'appel de Versailles a infirmé le 23 septembre dernier. L'annonce de la décision de Bercy de reprendre son dû était donc scrutée... et elle est arrivée le 14 novembre dernier. Une belle surprise pour tous ceux qui militent pour une finance plus éthique et plus utile à l'économie.

En cette fin de mandat, le gouvernement tente donc de redorer son blason au pas de charge. Mais l'opportunité manquée de la loi bancaire de 2013 risque de lui être reprochée encore longtemps, surtout si une nouvelle crise financière se produisait...