La fiscalité des ménages, le prochain chantier du gouvernement ?

Par Fabien Piliu  |   |  1003  mots
Michel Sapin et Emmanuel Macron, deux réformateurs ?
Mardi, Michel Sapin a lancé la campagne 2015 de l'impôt sur le revenu. Deux sujets ont été évoqués : l'intensification de la déclaration en ligne et le prélèvement à la source.

Emmanuel Macron ferait-il des émules ? Parce qu'il est jugé trop ambitieux et trop brutal par les professionnels concernés, essentiellement les notaires, le projet pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, le projet de loi porté par Emmanuel Macron, symboliserait à lui seul la volonté réformatrice du gouvernement.

En attendant le vent nouveau que ce texte insufflera sur l'économie française - on précisera que le gouvernement s'est bien gardé d'anticiper les effets de ce texte sur la croissance -, l'autre locataire de Bercy, Michel Sapin, souhaite également personnifier ce mouvement de réformes.

Mardi, le ministre des Finances a lancé la campagne 2015 de l'impôt sur le revenu qui débutera mercredi et qui concerne quelque 37 millions de foyers fiscaux. Une nouvelle fois, les délais accordés à ceux qui font leur déclaration en ligne seront plus longs que pour ceux qui remplissent à la main leurs déclarations d'impôts. Dans le premier cas, le délai s'étire jusqu'au 9 juin, selon les régions. Dans le second cas, les déclarations papier devront être remplies et adressées aux services fiscaux avant le 19 mai.

Une mesure de gauche

" Pour la première fois depuis 2010, un contribuable dont la situation ne change pas ne paiera pas plus d'impôt sur le revenu. L'impôt va baisser ou être annulé pour plus de neuf millions de foyers fiscaux. Leur avis d'imposition porteront la mention expresse indiquant qu'ils ont bénéficié de cette baisse ", a déclaré Michel Sapin, expliquant qu'environ 3 millions de Français sortiraient en 2016 « purement et simplement de l'impôt ».

Un cadeau qui, a-t-il assuré, ne se ferait pas sur le dos des autres catégories de contribuables. Pour calmer les ardeurs de la gauche et de la gauche et des Frondeurs, le gouvernement a décidé d'intégrer dans la loi de finances pour 2015 un allègement d'impôt pour les plus bas salaires, passant notamment par la suppression de la première tranche d'impôt. Désormais, le seuil d'entrée dans l'impôt sur le revenu s'élève à 9.690 euros annuels, contre 6.011 euros jusqu'ici.

Une fiscalité bientôt simplifiée ?

Dans la foulée du choc de simplification lancé par François Hollande en janvier puis amplifié en octobre, le ministre a à nouveau défendu les "avantages" de la déclaration en ligne par rapport au papier, rappelant que désormais un tiers (36%) des contribuables déclaraient sur internet et que "près de 5 millions de foyers" ont opté pour le tout dématérialisé. " Nous travaillons aujourd'hui à des modalités qui permettraient d'amplifier ce mouvement au cours des années qui viennent, 2016 et 2017 ", a-t-il expliqué.

Interrogé sur ce point, il s'est également dit favorable au principe du prélèvement à la source. Cette promesse du candidat François Hollande lors de la campagne présidentielle en 2012 fut abandonnée quelques mois plus tard en raison de la complexité de sa mise en œuvre. Après avoir annoncé un grand soir fiscal, Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre avait marche arrière, et indiqué que les réformes fiscales s'étaleraient au fil de l'eau jusqu'en 2017.

Cette proposition est à nouveau formulée par la motion A portée par Jean-Christophe Cambadélis, le Premier secrétaire du PS, Manuel Valls, le Premier ministre et Martine Aubry, la maire de Lille. Estimant que c'était une bonne idée, Michel Sapin a expliqué avoir la "volonté d'une simplification, et la simplification, ce serait la retenue à la source, un dispositif qui, en soi lorsqu'il marche, lorsqu'il est mis en place depuis de nombreuses années dans certains pays, est très satisfaisant".

Si ce chantier devait être lancé, pour l'instant en vain, ce serait à coup sûr une plus grande avancée que la plupart des mesures contenues dans la loi Macron, dont même François Hollande a minimisé la portée. " Ce n'est pas la loi du siècle ", avait déclaré le président de la République le 5 janvier sur France Inter lors de sa rentrée médiatique, rappelant par exemple, sur le point précis du travail dominical, qu'il y avait déjà " beaucoup de monde qui travaille le dimanche."

Un chantier trop complexe ?

Ce chantier peut-il être mené à bien ? Réalisée à la demande du Parlement et bouclée début 2012 l'enquête portant sur la fusion de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée (CSG) menée par la direction de la législation fiscale et la direction de la Sécurité sociale mesurait l'ampleur de la tâche. Elle expliquait notamment que le mitage de l'assiette de l'impôt sur le revenu par les niches fiscales et sociales rendait très complexe la mise en œuvre de cette réforme.

A deux ans, ou presque, des prochaines élections présidentielles, le gouvernement prendra-t-il de se lancer ? Certes, le prélèvement à la source possède des avantages. Deux, surtout. D'une part, il évite aux ménages d'avoir à mettre de l'argent de côté pour payer ses impôts. D'autre part, lorsque le revenu baisse - c'est le cas si l'on perd son emploi -, le prélèvement s'ajuste automatiquement. Mais il comporte aussi des inconvénients. Comment gérer l'année de transition ? Il faudrait sauter une année afin que le contribuable ne paie pas deux fois. Pour les individus dont le revenu est stable d'une année sur l'autre, cette transition est neutre. Mais pour celui qui s'est enrichi sur la période, la transition sera heureuse si l'année « sautée « est celle où ses revenus ont augmenté. Il faut donc réfléchir à des mécanismes de lissage qui seront forcément complexes, ce qui est incompatible avec le choc de simplification. Une incompatibilité que devrait également dénoncer les entreprises puisque ce sont les entreprises qui devront se charger de récolter l'impôt sur le revenu pour le compte de l'Etat.