"La France est l'une des plus belles marques ! "

Par Propos recueillis par Fabien Piliu  |   |  690  mots
"Je plaide pour la création d'un ministère de l'Attractivité, ou, à tout le moins d'une direction interministérielle qui pourrait être rattachée au Premier ministre. Elle aurait pour objectif de rassembler tous les acteurs, publics et privés, les institutionnels, les associations pour définir une stratégie commune", explique Denis Gancel, le président et co-fondateur de l'agence W, expert en stratégie de marque, et enseignant à Sciences Po Paris.
Denis Gancel, président et co-fondateur de l'agence W, est expert en stratégie de marque. Il enseigne à Sciences Po Paris sur ce sujet. A l'initiative de l'Observatoire de la marque France, il pointe les atouts de l'Hexagone et plaide pour la création d'un ministère de l'Attractivité.

LA TRIBUNE - Pour attirer les investissements étrangers et les touristes, la concurrence mondiale fait rage. La France peut-elle faire la différence ?

DENIS GANCEL - Elle ne peut pas. Elle le doit. La France est une des plus belles marques pays au monde. Ce n'est pas du chauvinisme ou du patriotisme béat, primaire: il suffit de voyager un peu pour se rendre compte que la France est perçue comme un grand pays, riches d'atouts et de promesses.

Quels sont ses atouts ?

Nombreux sont les rapports qui les évoquent. Citons la stabilité politique, la qualité de ses infrastructures, le niveau de sa main-d'œuvre... Mais il y a mieux, bien mieux, si l'on prend en compte, comme le font parfois les entreprises, l'actif immatériel: le savoir-vivre à la française, la qualité de vie, la gastronomie, le patrimoine culturel sont des atouts formidables. On ne le sait pas assez, ou alors, on ne le met pas assez en avant.

Pour quelles raisons ?

Nous ne cessons pas de marquer des buts contre notre propre camp. Mais l'esprit des Lumières est bien vivant. C'est heureux. Tout remettre en cause, jouer l'auto-dérision sont des réflexes qui facilitent le progrès. Mais s'il est exacerbé, cet état d'esprit peut être contreproductif dans un cadre concurrentiel fort. L'esprit positif ne peut venir que d'un travail approfondi de connaissance objective et de communication sur nos atouts.

Lors de la campagne présidentielle, puis après sa victoire, Emmanuel Macron a beaucoup joué sur le retour de la France, faisant de la fierté d'être français un thème de campagne. Que vous inspire cette stratégie ?

Je ne peux que m'en réjouir. J'avais d'ailleurs analysé les 12 raisons d'être Français et optimiste dans un livre - « La France est une chance » - qui a peut-être inspiré le slogan de premier tour du candidat Macron: « Faire de la France une chance pour tous ».

Il faut ensuite passer aux actes. Quelle méthode employer ?

L'énergie positive ne suffit pas. Il faut modéliser notre approche. Colbert n'a-t-il pas été l'inventeur du "Nation Branding" dès 1665 à Versailles ? Le mot « tourisme» est réducteur et n'est plus à la hauteur de l'enjeu économique. Je plaide pour la création d'un ministère de l'Attractivité, ou, à tout le moins, d'une direction interministérielle qui pourrait être rattachée au Premier ministre. Elle aurait pour objectif de rassembler tous les acteurs, publics et privés, les institutionnels, les associations pour définir une stratégie commune.

Il va falloir réserver le Stade de France !

C'est tout le problème. Trop d'interlocuteurs, trop de dilution de responsabilités. L'Etat doit montrer le cap et fédérer autour de lui les acteurs clés. Je pense tout particulièrement aux entreprises du CAC 40 et du SBF 120.

Pourquoi elles ?

Parce qu'elles sont le fleuron de notre économie. Ce sont des leaders européens ou mondiaux qui plantent le drapeau français aux quatre coins du monde. Elles doivent davantage incarner la marque France. C'est d'ailleurs dans leur intérêt. Il n'y a jamais eu de marque mondiale apatride !

Elles ne le font pas ?

En tout cas, les autres le font souvent mieux ! Ce n'est pas parce qu'elles sont détenues pour partie par des étrangers ou qu'elles réalisent l'essentiel de leur chiffre d'affaires à l'international qu'elles ne peuvent pas faire briller l'œil de Marianne par leurs exploits.

Quelle pourrait être la bonne stratégie à adopter pour relancer l'attractivité ?

Réfléchissons d'abord à nos atouts plutôt que de s'épuiser à compenser nos points faibles. Nos archétypes dépassent les seuls secteurs du luxe ou de la gastronomie. La French Tech et Vivatech qui ouvrent cette semaine montre que bien que nous avons une magnifique carte à jouer dans les secteurs d'avenir. Une fois nos forces rassemblées, mutualisées, nos points forts identifiés, nous pourrons alors développer une stratégie de long terme cohérente. Il est plus que temps. La concurrence fait rage. Nombreux sont les pays, notamment émergents, qui se sont déjà engagés dans cette voie.