La France se dote-t-elle d'une véritable politique de la mer ?

Par Fabien Piliu  |   |  1082  mots
Grâce à ses îles, notamment la Corse, la France régne sur un domaine maritime de 11 millions de kilomètres carrés
A l'issue d'un comité interministériel de la Mer (CIMer) organisé à Boulogne-Sur-Mer jeudi, le Premier ministre a fait quelques annonces qui pourrait permettre de lancer une véritable politique de la mer. La France possède le deuxième domaine maritime mondial, seulement devancée par les États-Unis.

Est-ce la fin du gâchis ? La France a beau posséder le deuxième domaine maritime mondial, elle semblait jusqu'ici ne pas savoir quoi en faire. Présent au comité interministériel de la Mer (CIMer) organisé jeudi à Boulogne-Sur-Mer - le dernier CIMer datait de 2013 -, Manuel Valls a fait quelques annonces qui pourraient peut-être donner le coup d'envoi d'une véritable politique maritime. A condition que les actes succèdent aux paroles.

Car le Premier ministre a bien vanté " des métiers d'avenir avec des formations exceptionnelles qui proposent de l'emploi à ceux qui sont au chômage " et lancer " un message d'optimisme sur le rôle incroyable que représente la mer ". " La mer et les océans sont un atout majeur pour la France, en termes de développement économique et de richesses naturelles, mais également une responsabilité pour l'État et ses services car il faut surveiller et contrôler ce milieu vulnérable et réguler les activités qui s'y exercent", a-t-il poursuivi. Quelles sont les mesures annoncées par Manuel Valls ?

Un prochain essor des énergies marines ?

Prometteuse, la principale mesure décidée lors du CIMer porte sur la planification spatiale maritime qui doit permettre de concilier les différents usages de la mer afin de favoriser leur développement. Elle sera appliquée en 2016 sur l'ensemble des façades maritimes après le travail expérimental réalisé en Manche-Mer du Nord. " La feuille de route sur les conditions d'exploration et d'exploitation des grands fonds marins, notamment la répartition des responsabilités entre l'Etat et les opérateurs privés, a été validée ", précise Matignon.
Cette feuille de route pourrait notamment permettre de favoriser le développement des énergies marines qui reste extrêmement marginal. En 2013, elles ne représentaient que 0,4% des énergies renouvelables selon EDF. En 2013, ces énergies ne représentaient que 18,7% de la production totale d'électricité.

Cuivre, zinc, plomb, cobalt, argent, or...., la richesse des fonds sous-marins est multiple

Elle pourrait également permettre à la France de tirer parti de la richesse des fonds sous-marins. Dans son avis du 9 octobre 2013 présenté par Gérard Grignon au nom de la Délégation à l'Outre-mer, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a fait un point sur les ressources potentielles du plateau continental. Il pourrait recéler des hydrocarbures, des sulfures hydrothermaux riches en cuivre, zinc, plomb, cobalt, argent et or, des encroutements cobaltifères, des nodules polymétalliques contenant du fer, du manganèse, du cuivre, du nickel et du cobalt., des terres rares comme l'erbium et le lutetium, indispensables à la production d'appareils électroniques courants (téléphones mobiles, ordinateurs...), des ressources biologiques et des organismes vivants. L'accès à ces richesses potentielles est " un atout considérable pour notre pays s'il contribue à un nouveau modèle de développement durable, en particulier dans les territoires ultramarins ", considère le CESE.

L'aquaculture au rang des priorités

Dans le domaine économique, toujours, le CIMer a également décidé que 15% de l'enveloppe budgétaire allouée à la France sur le fonds européen pour les affaires maritimes et de la pêche (Feamp) seraient consacrés au développement de l'aquaculture, un secteur où la France est très dépendante de l'extérieur. Le comité interministériel a également décidé de favoriser les implantations nouvelles d'élevage des animaux marins. Ce serait une première depuis quinze ans.

Contrairement à la plupart des produits agro-alimentaires pour lesquels la France affiche un net excédent commercial, le pays affiche une balance commerciale déficitaire pour les produits de la pêche et de l'aquaculture. Il s'élevait à 3,6 milliards d'euros en 2014 constate une étude de l'Insee, contre 2,2 milliards d'euros en 2004, ce qui représente une augmentation de 63% !

Le financement et le renouvellement des flottes de ferries, de commerce et de pêche, ainsi que le développement des ports maritimes sont également actés. " Concernant la flotte de pêche, une concertation rapide avec la profession mettra au point un dispositif de facilitation fiscale pour favoriser le renouvellement des navires ", précise Matignon dans un communiqué. Concernant la flotte de pêche, on peut se demander si sa modernisation permettra d'enrayer la chute du nombre de bateaux, provoqué en partie l'augmentation des quotas de pêches imposés par l'Union européenne pour éviter l'épuisement des stocks. En 2013, la France comptait 4.537 navires contre 6.593 en 1995, soit une baisse de 31%.

Moderniser les ports dans les DOM-COM

Les outre-mers ne sont pas oubliées. Une stratégie nationale portuaire pour les départements d'outre-mer (DOM) et les Collectivités d'outre-mer (COM) a été adoptée. Elle devrait se concrétiser par un effort financier de 54 millions d'euros dans le cadre des contrats de plan État‐Région (CPER), qui permettent de catalysé les investissements publics réalisés au niveau national et européen.

Dans le domaine de la sécurité, " le CIMER a adopté une stratégie de sûreté qui permet à la France de s'organiser pour mieux répondre aux différentes menaces en mer (trafics, piraterie, terrorisme). Par ailleurs, pour faire face aux sinistres maritimes de grande ampleur (paquebots, porte-conteneurs) il a été décidé une mise en commun des moyens (sécurité civile, défense) pour créer une capacité nationale d'intervention ", a déclaré Manuel Valls.

Des aires marines protégées seront créées pour protéger les milieux marins. La mise en place d'une politique de contrôle adaptée est également annoncée sans que l'on connaisse les détails. En 2016, l'État dotera la Société Nationale de Sauvetage en Mer d'un million d'euros supplémentaires "pour l'aider à renouveler ses moyens ", a précisé Matignon.

La France règne sur 11 millions de kilomètres carrés

Seulement devancée par les Etats-Unis, la France, dont la surface terrestre ne représente que 0,43% de celle du globe, possède un domaine maritime supérieur à 11 millions de kilomètres carrés.

Le 25 septembre, quatre décrets publiés au Journal Officiel fixaient ainsi de nouvelles limites du plateau continental au large de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Nouvelle Calédonie et des îles Kerguelen. Avec cette extension, qui accroît les droits de la France sur les ressources du sol et du sous-sol marins au-delà des 200 miles nautiques, la France a étendu son domaine sous-marin de 579.000 kilomètres carrés, " soit à peu près la superficie de l'Hexagone " évaluait l'Ifremer.