La mer, trésor français (10/14) : la France obligée d'importer son poisson dès le mois de mai

Par Fabien Piliu  |   |  522  mots
Le déficit pour les produits de la pêche et de l'aquaculture s'élevait à près de 3,8 milliards d'euros en 2015, contre 2,2 milliards d'euros en 2004, soit une augmentation de 72% !
[ Série d'été - Hebdo #178 "La mer, terre d'entrepreneurs" ] Le recul de sa production met en question l'autosuffisance de l'Hexagone dans le domaine des produits de la pêche et de l'aquaculture.

En dépit de l'étendue de son domaine maritime et contrairement à la plupart des produits agroalimentaires pour lesquels elle affiche un net excédent commercial, la France accuse un déficit pour les produits de la pêche et de l'aquaculture. Il s'élevait à près de 3,8 milliards d'euros en 2015, constatent les douanes, contre 2,2 milliards d'euros en 2004, ce qui représente une augmentation de 72% !

De nombreux éléments permettent d'expliquer cette dégradation des comptes. Alors que la consommation des ménages se stabilise à 2,2 millions de tonnes par année en équivalent poids vif, avec une consommation par tête de l'ordre de 35 kg/an/habitant - soit l'une des plus élevées d'Europe, la moyenne s'élevant à 23 kg -, la production française des produits de la pêche et de l'aquaculture recule tendanciellement de 2,1 % par an depuis 2003, constate la FAO, l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.

La production nationale: 1/3 aquaculture, 2/3 pêche de capture

C'est notamment le cas de la pêche de capture, qui représente les deux tiers de la production nationale, mais aussi de l'aquaculture, qui constitue l'autre tiers.

De fait, parce que cette « production » ne couvre que le tiers de la consommation des Français, les importations en valeur progressent. Elles ont augmenté en moyenne de 3,8 % par an de 2004 à 2015, pour s'élever en valeur à 5,2 milliards d'euros en 2015 alors que, sans surprise, les exportations ont quasiment stagné à 1,4 milliard d'euros. Selon le rapport « Fish dependence » de la New economic foundation (un think-tank britannique), la France cesse d'être autosuffisante dans ce domaine à partir du 25 mai. Elle n'est pas le seul pays européen dans ce cas. L'autosuffisance prend fin le 27 avril au Portugal et le 9 mai en Espagne.

Le boom de la consommation de sushis

Autre facteur aggravant du déficit, l'augmentation des prix. En effet, ils grimpent en flèche depuis de nombreuses années, en raison du déséquilibre croissant entre « d'une part, une offre concurrencée par des pays tiers et freinée par certaines contraintes (existence de quotas de pêche, normes environnementales et sanitaires limitant le développement de l'aquaculture, etc.), et d'autre part une demande mondiale en hausse », observent les services des douanes, qui évoquent la consommation croissante dans les pays émergents et les nouveaux modes alimentaires.

Le boom de la consommation de sushis et de sashimis est-il en cause ? Vraisemblablement. En effet, cette détérioration du solde porte essentiellement sur trois espèces : le saumon, le thon et les crevettes. Ces espèces, qui sont les plus échangées, représentent la moitié des importations et expliquent les trois quarts de la détérioration du solde de la pêche et de l'aquaculture entre 2004 et 2014, estime l'étude des douanes.

Quant à l'impact des quotas de pêche imposés par l'Union européenne pour éviter l'épuisement des stocks, il ne peut être ignoré. En effet, ils ont conduit à la chute continue des bâtiments de la flotte de pêche depuis 1995. En 2013, la France comptait 4.537 navires contre 6.593 en 1995, soit une baisse de 31%.

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