Le coût financier et social du pass sanitaire suscite de plus en plus de critiques

Par latribune.fr  |   |  765  mots
L'Etat aidera les entreprises pénalisées par le passe sanitaire, celles qui auront vu leur fréquentation baisser, a promis le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. (Crédits : Reuters)
La mise en place du pass sanitaire à l'hôpital coûtera 60 millions d'euros par mois, estime la Fédération hospitalière de France. Plus largement, il risque de pénaliser les populations les plus fragiles qui sont déjà affectées par la crise sanitaire, soulignent plusieurs associations.

Alors qu'il est entré en vigueur dans les lieux de culture et de loisirs le 21 juillet dernier, le pass sanitaire est amené à s'élargir à de nouveaux secteurs, non sans conséquences économiques. C'est en tout cas ce qu'estiment plusieurs représentants de filières et des élus. Dès le 9 août, restaurants, bars, centres commerciaux, trains grandes lignes, vols intérieurs vont devoir adapter leur organisation.

De même, à l'hôpital, dans lequel l'obligation du pass sanitaire entrera également en vigueur pour les patients non urgents ou les visiteurs dans les établissements de santé et maisons de retraite, l'adaptation a un coût. Selon la Fédération hospitalière de France (FHF), sa mise en place se chiffrera à 60 millions pour un mois.

La réorganisation et le renforcement des contrôles aux accès qui ne seront possibles qu'en "recrutant du personnel supplémentaire en contrat à courte durée" ou "en faisant appel à des sociétés extérieures" entraîneront un surcoût chiffré par la FHF, a détaillé à l'AFP Zaynab Riet, déléguée générale de la Fédération.

"Cette somme permettrait par exemple de renforcer nos effectifs, d'assurer le remplacement des personnes en congés", regrette Zaynab Riet, ajoutant que "moins nous aurons à dépenser pour contrôler les accès et mieux nous pourrons consacrer de l'argent à nous soigner", ajoute la déléguée de la fédération pour qui "l'obligation vaccinale apparaît être la seule arme pour enrayer cette épidémie."

Le soutien de l'Etat

Pour l'exécutif, le système du pass sanitaire est avancé comme un moyen d'éviter un nouveau reconfinement coûteux pour les finances publiques face à la quatrième vague du variant Delta. En mars, le reconfinement de 16 départements était ainsi évalué par Bercy à 1,2 milliard d'euros supplémentaires par mois pour financer les pertes d'activités des entreprises. Et toutes les nouvelles restrictions étaient estimées à 0,2 point dans le PIB annuel.

Aussi, l'Etat aidera les entreprises pénalisées par le pass sanitaire, celles qui auront vu leur fréquentation baisser, a promis le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.

Par ailleurs, pour d'autres raisons, les craintes de certaines conséquences économiques de l'obligation du pass sanitaire grandissent aussi du côté des associations d'aide aux plus démunis, moins vaccinés que le reste de la population. "Il faut plus de moyens pour aller vers ces personnes et les convaincre", souligne Franck Dubois, responsable des solidarités familiales au Secours catholique. "Le pass sanitaire enfante les inégalités: les pouvoirs publics, en voulant nous protéger, ne font que les accroître", constate-t-il.

"La carte des plus faibles vaccinations recoupe celle de la pauvreté, de la fracture numérique, de l'accès aux services publics. Les nouvelles mesures comportent ainsi le risque d'être à la fois plus dures pour les publics précaires et d'engendrer ou accroître de nouvelles inégalités", remarquait dans un rapport récent la Défenseure des droits Claire Hédon.

Conséquences sur le marché du travail

Sur le marché du travail, la fragilisation des contrats en CDD mais aussi en CDI inquiète. Pour le député communiste de Seine-Saint-Denis, Stéphane Peu, "le pass sanitaire risque d'exclure davantage". En effet, au sein des entreprises, "la loi introduit également dans le code du travail une différenciation entre les salariés en CDD ou intérimaires et les autres, avec une menace de perte sèche d'emploi" en cas de non-vaccination, pointe l'élu.

A l'école, selon le député, un nouveau protocole sanitaire va "accroître encore un peu plus les inégalités sociales", seuls les collégiens et lycéens non-vaccinés devant suivre les cours à distance si un cas de Covid était détecté dans leur classe.

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Enfin, une étude de la Drees (le service statistique des ministères sanitaires et sociaux) parue en juillet a montré que les personnes pauvres ont trois fois plus de risques de renoncer à des soins que les autres.

"Le pass sanitaire est une obligation vaccinale déguisée, discriminant les non vaccinés", a estimé mercredi l'organisation Médecins du Monde qui a rappelé dans un communiqué que les publics qu'elle accompagne, "depuis longtemps exclus du soin, vont subir de plein fouet ces mesures discriminatoires si elles sont appliquées".

Le Conseil constitutionnel doit rendre, jeudi, sa décision sur la loi.

(avec AFP)