Le Covid-19 a considérablement creusé les besoins de financement de l'Etat

Par latribune.fr  |   |  589  mots
"C'est aussi la première fois dans son histoire que la France se finance en territoire négatif pour ses émissions de moyen et long termes (-0,13 %)", analyse l'AFT. (Crédits : Reuters)
« Jamais au cours des crises passées, l'augmentation du besoin de financement de l'État n'avait atteint une telle ampleur », relève l'Agence France Trésor (AFT). Dans le projet de loi de finances 2020, les députés avaient estimé le besoin de financement à 230,5 milliards d'euros. Mais pour amortir les dépenses exceptionnelles du Covid-19, l'opérateur de Bercy a du aller bien au-delà.

Le « quoi qu'il en coûte » pour sortir de la crise Covid-19 a considérablement pesé sur les besoins en financement de l'Etat en 2020. Le montant est pharaonique : au total, environ 364 milliards d'euros l'an passé, selon le rapport d'activité 2020 de l'Agence France Trésor (AFT) publié mardi. Jamais les besoins en financement n'avaient atteint un tel niveau sur une année, entraînant logiquement une augmentation du déficit budgétaire. A titre de comparaison, avant le Covid, en 2019, l'AFT indiquait devoir emprunter plus de 236 milliards d'euros. Surtout, dans le projet de loi de finances 2020, les députés avaient chiffré le besoin de financement à 230,5 milliards d'euros - lui-même déjà décrit comme « un niveau plus atteint depuis 2010 ».

Et la situation ne devrait pas refluer. La dépense publique (hors Covid) doit en effet continuer de croître de +1,5% en 2022, comme le soulignait la Cour des comptes.

« Jamais au cours des crises passées, l'augmentation du besoin de financement de l'État n'avait atteint une telle ampleur », a confirmé Anthony Requin, le directeur général de l'AFT, cité dans le rapport. Dans un reportage, La Tribune montrait d'ailleurs les coulisses de cette agence à Bercy.

Pour rappel, le gouvernement indiquait en mars dernier, que la seule crise sanitaire a coûté « plus de 160 milliards d'euros à l'Etat », selon le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt. Sans prendre en compte d'ailleurs les 100 milliards du plan « France Relance ». Pour assurer son fonctionnement, les besoins sont donc décuplés.

L'emprunt à des taux négatifs

Résultat, le déficit public français va s'enfoncer à 9,4% et la dette publique doit atteindre 117% du PIB en 2021, (à 2.739 milliards d'euros). Mais l'AFT se veut rassurante et souligne que les mesures de soutien monétaire et budgétaire mises en place au niveau européen pour répondre à la crise ont permis à la France de se financer à des taux historiquement bas.

L'AFT a "pu exécuter son programme de financement dans des conditions financières inédites, empruntant à un taux de -0,30% en moyenne sur l'ensemble de l'année 2020", note Anthony Requin.

"C'est aussi la première fois dans son histoire que la France se finance en territoire négatif pour ses émissions de moyen et long termes (-0,13 %)", poursuit-il.

L'arrêt de la planche à billets pour éviter les risques déflationnistes

"L'ensemble des chiffres mis bout à bout ne permettent pas toutefois de rendre compte de la violence du choc qui a affecté les marchés financiers au mois de mars 2020, menaçant la pérennité des canaux de financement de l'ensemble des acteurs économiques", selon M. Requin.

Ainsi, seule la "réaction rapide et décisive" de la Banque centrale européenne (BCE), à laquelle s'est ajoutée l'action combinée des gouvernements européens et de l'Union européenne, ont pu rassurer les marchés, leur permettant de se stabiliser, rappelle-t-il.

"Ce serait pour autant une erreur que de penser que les lois universelles de l'économie financière ont été définitivement remises en cause par la crise que nous venons de traverser", prévient-il.

"Supporter de tels niveaux de déficits et de tels besoins de financement avec des conditions d'emprunt aussi faibles n'est rendu possible qu'en situation de fourniture exceptionnelle de liquidités", analyse la même source.

Aussi, "lorsque les risques d'une situation déflationniste auront été durablement écartés", les banques centrales "normaliseront leur politique monétaire et les lois de la gravité s'appliqueront à nouveau", anticipe M. Requin, estimant qu'il convient de "se préparer" à cette réalité.

(avec AFP)