Le gouvernement multiplie les gestes en direction des Antilles

Par latribune.fr (avec AFP)  |   |  972  mots
Le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, est attendu dans les Antilles ce dimanche. (Crédits : Gonzalo Fuentes)
Alors que le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, se rend dans les Antilles, son homologue de l'Agriculture, Julien de Normandie, s'engage à reconnaître le cancer de la prostate à la suite de l'usage du chlordécone comme maladie professionnelle.

Quinze jours après le début des troubles à la Guadeloupe et une semaine après ceux en Martinique, le gouvernement tente de reprendre la main dans les Antilles avec plusieurs initiatives en parallèle. Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, doit arriver ce dimanche en Guadeloupe, avant de se rendre en Martinique mardi. Cette visite fait suite à la conclusion dans la nuit de samedi à dimanche d'un « accord de méthode » pour les négociations en vue d'une sortie de crise. En parallèle, Julien Denormandie, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, a fait des annonces sur la reconnaissance des séquelles dues à l'utilisation du pesticide chlordécone, question très sensible dans les Antilles.

Malgré « un retour notable au calme » dans la nuit de samedi à dimanche salué par Sébastien Lecornu, l'heure exacte de l'arrivée de ce dernier à la Guadeloupe est restée secrète « pour des raisons de sécurité » selon une source de son ministère, dont les propos ont été rapportés par l'AFP. Il doit approfondir sur place les échanges tenus ces derniers jours. Il doit ainsi y rencontrer « des élus locaux, des acteurs économiques et des syndicats » ce lundi, avant de faire de même en Martinique le mardi.

Accord de méthode en vue d'une sortie de crise

Sébastien Lecornu doit ainsi capitaliser sur l'accord de méthode, signé par l'Etat, les élus locaux de Martinique et l'intersyndicale quelques heures avant son départ. Selon son entourage, celui-ci doit permettre « l'ouverture de discussions sur les principales problématiques du territoire (santé, prix des carburants, jeunesse, transport...) ».

« Certaines de ces thématiques concernent l'Etat, d'autres davantage les collectivités territoriales : chacun y prendra sa part », explique cette même source qui a pris « note de l'engagement de l'intersyndicale de lever provisoirement les barrages ». Elle ajoute que « le dialogue social pour les personnels hospitaliers et les pompiers non vaccinés se poursuivra ».

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L'autonomie n'est pas la question

Le ministre des Outre-mer avait déjà tenté de faire preuve de son ouverture à la discussion dans une allocution télévisée aux Guadeloupéens vendredi. Il avait affirmé que le gouvernement était « prêt » à évoquer la question de davantage d'autonomie si cela pouvait permettre de « résoudre les vrais problèmes du quotidien des Guadeloupéens ». Selon lui, la question a été posée « en creux » par « certains élus » lors des négociations des derniers jours.

Selon les réactions recueillies par l'AFP, ces propos sur l'autonomie n'ont pas trouvé de véritable écho chez les acteurs de la contestation, dont Elie Domota, porte-parole du collectif syndical LKP, qui les a jugés « hors sujet » sur LCI. Ils ont également engendré une vive contestation de la part de l'opposition en métropole.

Né du refus de l'obligation vaccinale des soignants et pompiers, il a embrassé des revendications multiples, sociales, économiques et identitaires. Depuis une dizaine de jours, le mouvement de contestation s'est émaillé de violences, dégradations, pillages, incendies et blocages routiers. En Guadeloupe comme en Martinique, distante de 120 km, les forces de l'ordre ont essuyé des tirs par arme à feu à plusieurs reprises avant un apaisement dans la nuit de samedi à dimanche.

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Le chlordécone l'est davantage

Cette contestation a remis sur le devant de la scène la question très sensible de l'utilisation du chlordécone par dérogation ministérielle jusqu'en 1993 dans les Antilles, trois ans après son interdiction en métropole. Largement utilisé dans les champs de bananes, il a provoqué une pollution importante et durable en Guadeloupe et en Martinique. Selon Santé publique France, plus de 90 % de la population adulte y est contaminée par le chlordécone, tandis que les populations antillaises présentent un taux d'incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde.

Cette situation est présentée comme l'une des origines de la très forte défiance vaccinale dans les Antilles, où le taux de vaccination est sensiblement plus faible qu'en métropole. Ainsi moins de la moitié de la population locale de plus de 18 ans présente un schéma vaccinale complet (deux doses).

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Vers une reconnaissance et une indemnisation des séquelles

L'annonce ce dimanche sur France 3 d'un décret « avant la fin de l'année » pour reconnaître le cancer de la prostate comme maladie professionnelle à la suite de l'usage du pesticide chlordécone par Julien Denormandie, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, ne peut donc être complètement décorrélée de la situation actuelle de contestation dans les Antilles. Ne serait-ce que sur le plan de la communication.

Ce futur décret s'inscrit néanmoins dans le cadre plus large, celui du quatrième plan chlordécone, annoncé en 2020 et destiné à lutter contre les conséquences de la pollution à long terme de cet insecticide. « Le gouvernement investit pour pouvoir réparer l'environnement pollué par le chlordécone. C'est un plan à 92 millions d'euros que nous déployons », a ainsi déclaré Julien Denormandie.

Ce décret rendra possible l'indemnisation des agriculteurs empoisonnés par le chlordécone via un nouveau fonds d'indemnisation pour les victimes de maladies professionnelles liées aux pesticides, a confirmé le ministère de l'Agriculture auprès de l'AFP.

Cela pourrait être un argument pour le ministère des Outre-Mer pour la poursuite des négociations avec les pouvoirs locaux et l'intersyndicale dans les prochains jours, même si la contestation va bien au-delà de la seule question du chlordécone.