La desserte des Antilles est loin d'être un long fleuve tranquille. Alors que l'irruption d'une quatrième vague de Covid en plein mois d'août avait largement perturbé le trafic cet été, les compagnies aériennes risquent à nouveau de plonger dans la tourmente cet hiver. Depuis une semaine, la Guadeloupe est en proie à une large vague de contestation : partie de l'opposition à l'obligation vaccinale des soignants, elle recouvre désormais un ensemble de revendications sociales sur le coût de la vie et les salaires. L'appel à la grève générale et illimitée a débouché sur la mise en place de blocages et de barrages, avant que des actions violentes ne finissent par éclater (échauffourées, pillages, tirs sur les forces de l'ordre).
S'ils ne s'affolent pas encore, avec seulement quatre jours de recul jusqu'à présent, Air France, Corsair et Air Caraïbes se montrent extrêmement vigilants face à une situation qui produit déjà ses premiers effets. D'autant que les conséquences pourraient s'amplifier : le mouvement touche désormais la Martinique où la grève doit commencer ce lundi 22 novembre à l'appel de 17 syndicats.
L'irruption de la situation antillaise dans les médias métropolitains a eu un impact immédiat en fin de semaine dernière. Suite aux violences de la nuit de jeudi à vendredi, les compagnies ont constaté un ralentissement significatif des réservations, comme le note Julien Houdebine, directeur commercial et marketing de Corsair : « Nous voyons depuis vendredi un net coup d'arrêt dans le rythme des réservations. » En raison du manque de données disponibles pour le moment, il n'a pas souhaité chiffrer plus précisément l'ampleur de ce ralentissement.
Air France constate également cet impact rapide sur les ventes, mais précise qu'il touche essentiellement la Guadeloupe pour l'instant, et principalement pour les vols au départ de Paris vers Pointe-à-Pitre. La compagnie estime ainsi que les ventes restent stables sur la Martinique jusqu'à présent. Sollicitée, Air Caraïbes n'a pas souhaité s'exprimer.
Une bonne dynamique cassée au plus mauvais moment
Julien Houdebine précise que les ventes ne sont pas à l'arrêt pour autant, même si la rupture est palpable : « Nous continuons à prendre des réservations mais, par rapport à la semaine précédente, nous voyons clairement la différence. » D'autant plus que la compagnie était sur une bonne dynamique depuis début octobre : « Cela faisait quand même maintenant un mois et demi, quasiment deux mois, qu'il y avait une forte reprise sur l'ensemble des routes et notamment vers les Antilles, avec des tendances de ventes qui étaient soutenues. » Le rythme était même supérieur à 2019 grâce à un effet de rattrapage des mois précédents, août et septembre, où les ventes tournaient au ralenti à cause de la virulence locale de la quatrième vague.
Pour autant, interrogé en fin de semaine dernière, le président des Entreprises du Voyage Jean-Pierre Mas, indiquait dans nos colonnes que « les réservations sur les Antilles ont tendance à plonger, sauf pour les voyages affinitaires. »
Les compagnies s'accordent sur le fait qu'il faut attendre encore pour savoir si cet impact se confirme dans les semaines à venir, mais celui-ci arrive en tout cas au plus mauvais moment pour elles. Les mois d'hiver - principalement à partir de Noël - représentent la saison haute du trafic vers les Antilles. Au contraire de l'été, où la part affinitaire est importante, il s'agit principalement d'un trafic loisirs potentiellement plus sensible à l'évolution des situations sociales et sanitaires dans sa décision de voyage. Or, c'est justement sur cette période que se concentrent actuellement les réservations, comme le détaille Julien Houdebine : « Il faut savoir que depuis le début de la crise sanitaire, dont nous ne sommes pas sortis malheureusement, il y a une tendance des clients à réserver de plus en plus tard. Donc, l'essentiel de l'activité de réservation se fait au maximum pour les trois à quatre mois à venir. »
Si les trois prochains mois constituent le principal enjeu, le directeur commercial et marketing de Corsair note que la situation influe aussi sur les réservations pour des dates plus éloignées : « Nous avons tout regardé à court terme pour novembre-décembre, mais aussi sur le moyen terme et le long terme. C'est à peu près la même tendance sur tous les horizons », détaille Julien Houdebine. Pour sa part, Air France voit surtout un impact sur le court terme et ne semble pas s'inquiéter au-delà des prochaines semaines.
Pas d'annulations massives
Point positif pour les compagnies : ce mouvement social n'a pas entraîné de vagues d'annulations, chez Corsair comme chez Air France. Les clients ont afflué vers les centres d'appel, mais peu ont renoncé à voyager pour l'instant, notamment grâce aux conditions de flexibilité mises en place pour répondre à la crise sanitaire. L'échange ou le report sans motif des billets jusqu'à 24 heures avant le départ semblent rassurer les passagers pour l'instant. Air France note également des retours anticipés grâce à cette flexibilité.
Pour l'instant, aucune modification de programme n'est prévue par les compagnies. Julien Houdebine affirme pouvoir s'adapter si nécessaire, mais estime que la situation ne le justifie pas pour l'instant. Les compagnies vont tout de même rester vigilantes sur les prochaines semaines, d'autant que l'irruption d'une nouvelle vague dans une population encore majoritairement non-vaccinée pourrait encore drastiquement modifier la situation.
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