Les charges de la dette, l'épée de Damoclès du quinquennat Macron

Par Philippe Mabille  |   |  689  mots
Emmanuel Macron ferait bien de relire le rapport remis en 2006 par Michel Pébereau qui avait mis l'accent sur le risque que courrait la France de tomber dans un cercle vicieux de l'endettement.
Pour l'heure stabilisées, les charges d'intérêt de la colossale dette publique de la France (97,1% du PIB en 2019) sont le véritable trou noir du budget. Le Trésor, qui va devoir emprunter 195 milliards d'euros sur les marchés, est exposé à la très probable remontée des taux à moyen et long terme. En 2020, il en coûtera 3 milliards de plus au budget de l'Etat.

La dette, la dette, la dette... Emmanuel Macron ferait bien de relire le rapport remis en 2006 par Michel Pébereau qui avait mis l'accent sur le risque que courrait la France de tomber dans un cercle vicieux de l'endettement. A l'époque, la dette était de l'ordre de 60% du PIB, c'était juste avant la grande crise financière de 2007-2008 et surtout celle de la zone euro. En deux quinquennats, celui de Nicolas Sarkozy puis celui de François Hollande, la dette de la France a explosé, progressant de près de 40 points de PIB en dix ans.

Selon les prévisions de la programmation pluriannuelle dévoilées hier, la dette pourrait, enfin, se stabiliser légèrement en dessous d'une année de produit intérieur brut. Actuellement de 96,1% du PIB, elle culminerait à 97,1% en 2019 et refluerait, si les prévisions optimistes de Bercy se réalisent, à 91,4% du PIB en 2022, l'année de la prochaine élection présidentielle.

Rien ne se déroule comme prévu

Prédiction optimiste parce que d'abord, hélas, aucune programmation pluriannuelle des finances publiques ne s'est jamais déroulée comme prévu depuis la naissance de cet exercice, lors de la création de l'euro en 2000. Et surtout parce que l'Etat est désormais exposé au risque redoutable de se voir « rattraper par la patrouille », si les taux d'intérêt remontent. Jusqu'ici, la Banque centrale européenne (BCE) n'est pas parvenue à faire remonter l'inflation vers l'objectif des 2% souhaité, et elle a annoncé que sa politique monétaire devrait rester la même pendant « une durée indéterminée ».

Mais, la perspective d'une remontée des taux courant 2018 commence à inquiéter les marchés et le Trésor français. Celui-ci devra lever le montant record de 195 milliards d'euros d'obligations à moyen et long terme en 2018 et la France devrait rester encore de longues années l'un des premiers émetteurs de dettes de la zone euro, avec l'Italie.
Tant que les taux sont restés bas, pendant les années de crise, cette flambée de la dette n'a pas eu trop de conséquences sur le budget de l'Etat. Les charges d'intérêt inscrites en loi de finances sont relativement stables depuis dix ans, ce qui a été la chance des présidents Sarkozy et Hollande. Ils n'ont du coup pas été handicapés par la montée de ce poste de dépenses dont la particularité est d'être inatteignable par la régulation budgétaire. Sauf à se mettre en défaut, les intérêts de la dette sont une dépense certaine, directement de la poche des contribuables vers celles des créanciers, français ou étrangers, qui détiennent la dette française. Emmanuel Macron le sait, il n'aura pas la chance de ses prédécesseurs. Bercy le dit très abruptement dans les documents budgétaires : les taux à moyen-long terme remonteront de 0,75 points de base en 2018, dans un contexte de consolidation de la croissance et de hausse de l'inflation, pour atteindre 1,85% fin 2018. Les taux courts, déterminés par la BCE, passeraient eux de -0,60% à 0,10%.

Impact d'une hausse des taux commencerait à se faire sentir en 2019

Et cela risque de faire mal, à moyen et long terme, vu le stock de dette que la France doit refinancer. Sur 2018, la hausse des taux serait relativement indolore, avec une prévision de charges d'intérêt de 41,2 milliards, contre 41,5 milliards en 2017. En 2019, ce poste passerait à 41,9 milliards puis à 44,7 milliards en 2020, soit plus de 3 milliards d'euros de dépenses « improductives » et incompressibles. Bercy s'est pudiquement arrêté à 2020, mais il est à craindre que l'Agence France Trésor, dirigée par Anthony Requin, ait fort à faire pour contenir la dérive des charges de la dette dans les années 2020. Il ne faudrait pas qu'un krach obligataire vienne faire peser plus lourdement encore cette épée de Damoclès sur le budget. Surtout, le compte à rebours est lancé pour compenser cette dérive certaine par une réduction des dépenses publiques, faute de quoi la France pourrait bien risquer de sombrer vraiment dans la spirale d'un endettement incontrôlable.