Les collectivités locales conservent leur appétit pour l'endettement

Par Mathias Thépot  |   |  696  mots
Les collecitvités ne compensent pas la baisse des dotations...
Les collectivités locales ont toujours recours significativement à l'emprunt, mais elles investissent moins. Pour quelles raisons ?

La chute de Dexia, partenaire financier historique des collectivités locales, avait fait craindre le pire aux élus locaux. La faillite de la banque franco-belge en deux temps (2008 et 2011) aurait en effet pu être bien plus dramatique, car on craignait que les collectivités ne puissent plus financer leurs projets d'investissement.
Heureusement, plusieurs dispositifs instaurés par la Caisse des dépôts, la Banque européenne d'investissement, la Banque Postale avec l'aide de l'Etat, ainsi que par les élus locaux qui ont créé l'Agence France locale, ont joué les pompiers de service. Les nouveaux emprunts des collectivités ont pu être maintenu à un niveau acceptable. Ils se stabilisent désormais à environ 18 milliards d'euros par an.

Pas de réelle difficulté pour se financer

Bref, « grâce à tous les dispositifs récemment mis en place, on peut dire que les collectivités locales françaises, quelle que soit leur taille, n'ont pas de réelles difficultés à se financer », juge Damien Legrand, responsable France du financement des investissements publics à la banque allemande Pfandbriefbank.
Au regard de ce qu'elles demandent, les offres de financements seraient même pléthoriques pour les grandes collectivités locales. Les petites communes ayant de leur côté une offre plus restreinte, certes, mais suffisante pour ne pas parler de « crédit crunch ».

Baisse de la DGF

La réaction des pouvoirs publics à la faillite de Dexia fut d'autant plus déterminante que les Cassandre qui annonçaient une baisse drastique des soutiens directes de l'Etat aux collectivités locales ont, comme toujours, eu raison. Après un premier gel des subventions, l'Etat a en effet réduit de 12,5 milliards d'euros sa dotation globale de fonctionnement (DGF) aux collectivités entre 2014 et 2017. Résultat, la capacité d'autofinancement annuelle des collectivités locales a baissé de 17 % entre 2011 et 2015.

10 % de l'investissement en France

Et c'est bien cette baisse des ressources propres des collectivités qui agit sur leurs investissements : en 2015, les dépenses d'investissements des collectivités locales devraient finir en baisse de 3,9 milliards d'euros par rapport à 2014, après une baisse de 5 milliards d'euros l'année précédente, prédisent les services des études de la Banque Postale. Elles devraient même passer « pour la première fois depuis 2006, sous la barre des 50 milliards d'euros (48,9 milliards d'euros) », ajoutent-ils.

Du reste, cette mauvaise nouvelle ne concerne pas seulement le secteur public local, mais toute l'économie du pays. Car l'investissement public local représente 70 % de l'investissement public, et environ 10 % de l'investissement total en France. Il soutient par ailleurs fortement des secteurs porteurs d'emplois comme ceux du Bâtiment et des Travaux publics.

Baisse des dépenses de fonctionnement ?

Le gouvernement aimerait pour sa part que les collectivités compensent la baisse de la DGF par une réduction des dépenses de fonctionnement, mais celles-ci lui rétorquent qu'il faut beaucoup du temps pour faire cela. Ainsi, Les dépenses salariales sont longues à réduire, notamment au regard du statut des agents de la fonction publique et de la pyramide des âges. Au final, le gouvernement a fixé l'objectif d'un ralentissement de la hausse de dépense locale de fonctionnement des collectivités à 1,6 % en 2016.

Hausse des ratios d'endettement

Le seul levier à court terme pour maintenir l'investissement à flot reste donc l'emprunt. En proportion, l'endettement des collectivités devrait d'ailleurs logiquement augmenter par rapport à leurs ressources propres. « Mécaniquement, on constate un rallongement de la durée de désendettement des collectivités, mais il reste jusqu'ici tout à fait acceptable », constate Damien Legrand. La question de la solvabilité du secteur public local ne pose donc pas encore.

Mais pour éviter ce type de désagrément à terme, pourquoi ne pas penser à d'autres modes de valorisation des ressources des collectivités ? « Il serait par exemple intéressant d'avoir une vraie réflexion sur l'intégration du patrimoine des collectivités dans leur profil financier ; en prenant davantage en compte le patrimoine net pour justifier leur capacité d'investissement », propose Jean Christophe, directeur général de la succursale française de Pfandbriefbank. « Ceci se fait déjà en Suisse » ajoute-t-il.
De quoi peut-être décupler les capacités d'investissement des collectivités territoriales qui en auront besoin.